Neurologue de formation, le docteur Nato Shengelia exerce aujourd’hui comme médecin de soins de santé primaires (SSP) en Géorgie. Elle a reçu une reconnaissance internationale pour son travail de défenseuse passionnée de la médecine familiale dans le pays. Le docteur Shengelia a découvert sa passion pour la médecine familiale après avoir obtenu son diplôme à l’Université d’État de médecine de Tbilissi, une fois qu’elle a commencé à s’occuper activement de patients. Elle a été attirée par la nature globale des SSP qui permettent aux médecins d’avoir une vue d’ensemble de la santé des patients tout au long de leur vie. Le docteur Shengelia nous fait part de ses réflexions sur la manière de rendre les SSP plus attrayants en tant que choix de carrière.
« La Géorgie dispose actuellement d’un système de SSP peu développé, avec des salaires peu élevés. Il n’est donc pas intéressant pour les étudiants de faire carrière dans les soins primaires, et la plupart des patients préfèrent s’adresser directement à des spécialistes en raison du manque de confiance dans la médecine familiale », explique le docteur Shengelia. Elle précise cependant que la réforme actuelle du ministère des Personnes déplacées des territoires occupés, du Travail, de la Santé et des Affaires sociales vise à relever ces défis.
Dans le cadre de la réforme des SSP en cours, le ministère prévoit d’ajouter un travailleur social, un personnel infirmier/sage-femme et un psychologue aux équipes infirmières dans les régions reculées. Jusqu’à 40 % de la population géorgienne vit en zone rurale (Banque mondiale, 2022), dans l’un des pays les plus montagneux d’Europe. Il n’est guère aisé d’assurer l’accès aux services de santé dans ces régions difficiles d’accès, ni d’y recruter et d’y retenir le personnel de santé. « Le manque de personnels infirmiers est un problème particulièrement critique. Dans ces régions reculées, le renforcement des services de SSP est l’occasion de dispenser à tous des soins de santé primaires équitables et de qualité », explique le docteur Shengelia.
Promouvoir la confiance
La prévention constitue un élément essentiel des SSP. Diagnostiquer précocement une maladie permet de réduire la morbidité et la mortalité. « Cela inclut la promotion d’un mode de vie sain et le dépistage, avec une attention particulière pour les maladies non transmissibles et leurs facteurs de risque comme le tabac », explique le docteur Shengelia. Il s’agit « d’identifier la maladie, de la prendre en charge et, si nécessaire, d’orienter rapidement le patient vers un spécialiste », ajoute-t-elle.
Le docteur Shengelia a participé à divers projets de l’OMS, tels que le soutien aux établissements de SSP offrant un traitement ambulatoire virtuel pendant la pandémie de COVID-19 et leur supervision, ainsi que l’amélioration de la prise en charge du diabète et de l’hypertension, la définition de normes de télémédecine dans les établissements de SSP et bien d’autres encore. Tout cela, dit-elle, a contribué à renforcer les SSP en Géorgie et à garantir la prestation des services essentiels.
La faiblesse des SSP se traduit également par une charge financière élevée pour la population. En raison de l’impopularité des médecins de famille, de nombreux patients préfèrent payer les services d’un spécialiste. Il en résulte d’importants frais à régler ainsi qu’une charge financière accrue qui, en Géorgie, est l’une des plus élevées parmi les pays de la Région européenne de l’OMS. « Il reste encore beaucoup à faire pour rétablir la confiance dans les médecins de famille et pour promouvoir et populariser les SSP au sein de la population géorgienne », explique le docteur Shengelia.
Le docteur Shengelia s’est vu décerner, en 2024, le prix 5 étoiles pour les médecins de famille par l’Organisation mondiale des médecins de famille (WONCA) Europe pour sa carrière exceptionnelle dans le domaine des SSP. Cette reconnaissance internationale vient s’ajouter à sa réussite sur le plan local, et sa capacité à s’acquitter de cette mission dans un environnement difficile comme celui de la Géorgie constitue une source d’inspiration pour les futurs médecins. Cela montre comment l’amélioration de l’accès à des soins de qualité à travers les SSP profite aux patients et contribue à la durabilité du système de santé dans son ensemble.