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Traiter la douleur cancéreuse pour mieux vivre : un témoignage de la République de Moldova

5 février 2024

Lorsque le docteur Liliana Voloceai a prescrit des opioïdes pour traiter la douleur (ou « narcotiques » comme on les appelle généralement en République de Moldova) à une patiente âgée atteinte d’un cancer du col de l’utérus à un stade avancé, les membres de la famille de cette patiente en ont conclu que sa fin était proche. Cependant, au fil du temps, la patiente a repris des forces, et a vécu plus longtemps que prévu. Ce n’est pas un miracle, explique le docteur Voloceai, c’est ainsi que devraient en fait fonctionner les soins palliatifs de qualité.

Vaincre la peur : un défi majeur pour le médecin

La peur de l’utilisation des médicaments opioïdes (opiophobie) est considérée comme un obstacle sérieux au traitement de la douleur dans de nombreux pays de la Région européenne de l’OMS. C’est également le cas en République de Moldova où le docteur Voloceai, à l’origine chirurgienne oncologue, exerce aujourd’hui comme oncologue de district et spécialiste des soins palliatifs dans le même établissement hospitalier.

Le docteur Voloceai a commencé à s’occuper de patients en soins palliatifs pendant la pandémie de COVID-19. Bien qu’elle soit oncologue, elle explique qu’il lui a fallu un certain temps pour prescrire des opioïdes puissants en toute confiance. « C’est un défi pour les médecins qui commencent à travailler dans ce domaine », dit-elle.

« La douleur engendre une crainte primitive chez chacun d’entre nous. Mais pour les patients aux prises avec une douleur constante, l’anxiété ne s’arrête pas là. Ils peuvent également ressentir des angoisses face aux changements apportés au traitement analgésique qu’ils ont l’habitude de prendre, même si ces changements sont destinés à optimiser leur traitement », ajoute le docteur Voloceai.

Le docteur Voloceai fait partie des professionnels de santé qui ont reçu une formation en soins palliatifs en République de Moldova sur la base des pratiques recommandées par l’OMS. Elle pense que la composante émotionnelle est l’élément le plus délicat lorsqu’il s’agit de traiter efficacement la douleur.

« Les médecins doivent être très prudents lorsqu’ils proposent des médicaments opioïdes à leurs patients. La stigmatisation liée à ces médicaments peut susciter de la peur et de l’appréhension chez les patients comme chez les médecins. Ainsi, pour ceux qui commencent à maîtriser l’usage des opioïdes, le processus peut provoquer de l’anxiété et même un sentiment de danger », ajoute le docteur Voloceai.

Les bénéfices évidents des opioïdes puissants

Les opioïdes puissants engendrent souvent des craintes et des connotations négatives qu’il est difficile de surmonter, même s’il est clairement établi que les médicaments opioïdes sont sûrs et efficaces. Lorsqu’ils sont utilisés correctement, les opioïdes puissants aident non seulement à traiter la douleur et d’autres symptômes incommodants, mais il est prouvé qu’ils créent moins de dépendance que le tabac ou les somnifères. Des études montrent que les opioïdes puissants n’abrègent pas la vie et continuent à traiter efficacement la douleur même lorsqu’ils sont utilisés pendant une longue période.

Il faut toujours traiter la douleur

Pour le docteur Voloceai, ce témoignage démontre clairement l’efficacité des soins palliatifs. Cette approche est centrée sur le patient, et accorde d’abord la priorité au bien-être et à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies mortelles.

« Les soins palliatifs constituent une approche active des soins et visent à améliorer la qualité de vie des patients, de leur famille et des soignants. Ils ne signifient pas la mort, mais permettent de bien vivre jusqu’à la mort. Ils peuvent et doivent être prodigués en même temps que les traitements curatifs », explique le docteur Julie Ling, directrice générale de l’Association européenne des soins palliatifs.

« Les soins palliatifs ne s’adressent pas uniquement aux personnes atteintes d’un cancer. Ils permettent de soulager la souffrance induite par tous les graves problèmes de santé. Si l’on considère le patient dans son ensemble, les soins palliatifs traitent les symptômes, qu’ils soient physiques, psychologiques, sociaux ou spirituels. »

Malgré le développement des soins palliatifs en République de Moldova, les besoins sont encore loin d’être satisfaits. Bien que le premier protocole de traitement de la douleur cancéreuse ait été mis en œuvre en 2010, l’accès aux opioïdes et le recours à ces médicaments restent très limités. De nombreux professionnels de santé restent préoccupés par leur utilisation. 

« Pour moi, le plus dur a été de commencer à utiliser des patchs à base d’opioïdes. Ils traitent efficacement la douleur, mais ils agissent d’une manière totalement différente des injections utilisées en République de Moldova depuis de nombreuses années », explique le docteur Voloceai. « Je suis reconnaissante aux patients de la confiance qu’ils me témoignent dans mes connaissances et mon expérience en matière de prescription d’opioïdes puissants pour soulager leur douleur. Il est très satisfaisant de constater que leur douleur est bien maîtrisée, car cela signifie qu’ils jouissent d’une meilleure qualité de vie. »