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Déclaration – Renforcer les systèmes de santé en Europe

Déclaration du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, à l’occasion de la Conférence européenne sur la santé publique 2022

11 novembre 2022
Déclaration
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Le 10 novembre 2022

Chère Iveta, cher Reinhard, Vos Excellences, chers collègues et amis, 

Dire que beaucoup de choses se sont passées depuis notre dernière rencontre en personne à Marseille en 2019 serait un euphémisme. Permettez-moi de commencer par vous saluer tous, tous ceux qui sont réunis ici, mes nombreux amis de longue date, et les nombreux jeunes professionnels ; l’ensemble du personnel de santé publique et les agents de santé de première ligne qui ont consenti d’énormes sacrifices personnels ces 2 dernières années et demie. 

La pandémie de COVID-19 a été un moment décisif dans l’histoire de la santé publique de notre continent. Les gouvernements et les autorités de santé publique ont dû faire des choix difficiles et prendre des mesures audacieuses pour sauver des vies et protéger les personnes vulnérables.

Nous avons agi avec rapidité, et avec fermeté. Et grâce à votre courage et à votre sagesse (vous aussi, Pr Lauterbach) ainsi qu’à votre engagement indéfectible à suivre la science, nous avons sauvé des vies.

Pourtant, dans le monde entier, plus de 6,5 millions de personnes sont décédées, dont 2,1 millions rien que dans notre Région. Les effets de la pandémie se feront sentir pendant des décennies. Pensez-y : nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise de santé mentale sans précédent qui touche au moins 1 personne sur 6 en Europe et coûte aux gouvernements des pays de l’UE au moins 600 milliards d’euros par an. 

La semaine dernière, en Grèce, des jeunes nous ont parlé de leur expérience des problèmes de santé mentale, aggravés par la pandémie et ses conséquences. La réponse à ce défi de santé publique, et à d’autres – notamment la COVID longue – nécessitera une action concertée depuis les plus hauts niveaux politiques jusqu’à la base de la société. 

Et pourtant, le renforcement de nos systèmes de santé en réponse à la pandémie n’est pas le seul défi que nous devons relever. 

Une guerre dévastatrice, qui en est à son neuvième mois, continue de causer d’immenses souffrances en Ukraine et dans toute l’Europe. À ce jour, plus de 660 attaques contre des établissements de santé et du personnel soignant ont été vérifiées par l’OMS. Ce conflit fait de l’hiver à venir l’un des plus difficiles de ces derniers temps pour nous tous. 

Dans les prochains jours, je me rendrai pour la quatrième fois cette année en Ukraine, sur la ligne de front, pour soutenir les populations et les professionnels de santé face à ce qui sera un hiver difficile, pour appeler et inciter à répondre aux besoins des populations des zones récemment libérées en matière de santé physique et mentale. 

Des milliers de familles dans la Région devront, en raison de la crise de l’énergie et du coût de la vie, choisir entre payer leurs factures énergétiques ou acheter d’autres produits de première nécessité, entre rester au chaud et se faire soigner. 

Et aujourd’hui, à cette crise énergétique s’ajoute une crise climatique mondiale qui a des répercussions sur la santé publique et les services de santé publique, et qui exige la prise de mesures urgentes dès maintenant. 

Alors que nous sommes réunis ici à Berlin pour nous pencher sur l’avenir des systèmes de santé, les dirigeants du monde entier débattent également de la manière de sauver notre planète pour le bien de nos enfants et de nos petits-enfants. 

Tous ces défis vont de pair.

Chers collègues, Mesdames et Messieurs, 

Je sais que je risque de paraître trop alarmiste, mais nous devons accepter la réalité : nous vivons en mode de crise permanente, dans des circonstances qui érodent les acquis en matière de santé obtenus grâce au travail minutieux de nombreuses personnes dans cette salle, et de ceux qui ont tracé la voie avant nous. 

Et si nous voulons vraiment nous rétablir et recommencer à améliorer la santé et le bien-être de nos populations, nous devons passer du statu quo à l’adoption d’un nouveau paradigme en matière de santé publique – l’adoption d’une « double approche ». 
Dans un monde où les crises sanitaires ne cessent de s’aggraver, en cette ère de turbulences économiques et financières, nous devons accepter ce nouveau paradigme et y travailler. 

Cela signifie, d’une part, que nous devons investir de manière significative dans la préparation à des situations d’urgence grandissantes, et qui souvent coïncident. À cet égard, le travail que nous menons afin d’instaurer un réseau paneuropéen pour la lutte contre les maladies constitue une avancée importante. 

D’autre part, nous devons veiller à redoubler d’efforts pour prévenir les maladies, promouvoir la santé et renforcer les services de santé essentiels au quotidien. 

À l’OMS, nous sommes fermement attachés à cette double approche, et nous avons commencé à prendre des mesures concrètes. 

Pas plus tard qu’hier, ici à Berlin, nous avons convoqué une réunion du Conseil consultatif sur l’innovation pour les maladies non transmissibles, et nous compilons actuellement les meilleures initiatives visant à lutter contre les maladies non transmissibles et à en réduire la charge. 

L’année prochaine, nous accueillerons une conférence mondiale sur les soins de santé primaires au Kazakhstan, une conférence qui marquera le 45e anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata – un engagement ferme des gouvernements à garantir à chaque être humain et partout le meilleur état de santé qu’il soit capable d’atteindre. 

Je suis heureux de constater que la Déclaration de Berlin, à laquelle l’OMS/Europe apporte son ferme soutien, énonce des actions précises pour faire progresser cette double approche. 

Elle le fait premièrement en reconnaissant que les systèmes de santé doivent être résilients et robustes afin de répondre aux situations d’urgence et de maintenir les services essentiels. 

Deuxièmement, elle s’engage à dépasser le cadre du secteur de la santé et à collaborer avec les partenaires économiques, sociaux et politiques au renforcement des systèmes de santé et à l’amélioration de la santé de la population. 

La Commission paneuropéenne de la santé et du développement durable est parvenue à une conclusion similaire, et je tiens à remercier l’ex-président de l’EUPHA [Association européenne de santé publique] et cher ami et collègue, le professeur Martin McKee, pour avoir dirigé la collecte des données scientifiques dont s’est inspirée la Commission dans son rapport final. 

Ce travail sera poursuivi dans le cadre de la préparation du Forum de haut niveau sur la santé dans l’économie du bien-être qui se tiendra les 1er et 2 mars prochains.

Troisièmement, la Déclaration de Berlin reconnaît le rôle clé joué par la science et l’innovation dans la santé publique, et la nécessité de s’engager à investir davantage et mieux dans la recherche et le développement. 

Et c’est sur ce dernier point en particulier qu’intervient le personnel de santé publique. 

Avant la pandémie, les professionnels de la santé publique avaient du mal à faire connaître leur travail. Mais l’importance accordée aujourd’hui à la santé publique a incité les systèmes de santé et les gouvernements à réfléchir à la manière d’attirer et de maintenir en poste le personnel de santé publique, et d’assurer son développement. 

Dans des moments comme aujourd’hui, en vous voyant tous réunis ici, engagés et déterminés à faire la différence, je suis rempli d’espoir et d’optimisme quant à l’avenir de la santé publique en Europe. 

Mais nous devons aussi reconnaître qu’il est temps de parfaire nos compétences en matière de leadership et d’investir dans les responsables de la santé publique de demain. C’est dans ce but que l’OMS/Europe et l’Istituto Superiore di Sanita proposent aujourd’hui, et pour la première fois, un programme de cours sur le leadership en santé publique en Italie pour les professionnels de la santé publique comme vous.

Chers collègues et amis, 

Le programme de travail européen, qui guide les activités de l’OMS/Europe jusqu’en 2025, vise 2 grands objectifs :
Appuyer et renforcer le leadership en santé – la raison pour laquelle je me tiens devant vous aujourd’hui pour vous assurer que nous sommes fermement engagés à soutenir et à défendre l’investissement dans la santé publique aux plus hauts niveaux.

Et ne laisser personne de côté – parce que, pour revenir à mon point de départ, la COVID-19 a eu un impact sur tout le monde, mais particulièrement sur les plus faibles et les plus vulnérables d’entre nous. En tant que professionnels de la santé publique, nous avons le devoir moral d’œuvrer à la réduction des écarts de santé et à la promotion d’un accès équitable à la santé pour tous. 

En guise de réflexion finale, permettez-moi de citer Rudolf Virchow, qui travaillait ici à Berlin il y a plusieurs décennies et qui croyait fermement que :

« Die Ärzte sind die natürlichen Anwälte der Armen und die sociale Frage fällt zu einem erheblichen Theil in ihre Jurisdiction. »

« Les médecins sont les défenseurs naturels des pauvres, et les problèmes sociaux devraient en grande partie être résolus par eux. »

Chers collègues, cette conférence européenne sur la santé publique incarne la vision d’une santé pour tous grâce à la puissance des partenariats. La collaboration que nous représentons constitue une grande force.

Bien que les défis auxquels nous sommes confrontés soient redoutables, nous y faisons face ensemble et nous les relèverons en collaborant étroitement. 

Merci pour votre dévouement et votre détermination.