« La première fois que j’ai dû m’occuper d’un réfugié, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Mes sentiments étaient confus. D’un côté, j’avais envie de crier ma peine, mais en même temps, je savais que je devais me concentrer, car mon patient avait besoin de moi. »
C’est ainsi qu’a répondu Maria Roșca, infirmière familiale en République de Moldova exerçant aujourd’hui dans un centre pour réfugiés, lorsqu’on lui a demandé de parler du travail qu’elle effectue depuis 2 mois pour aider les réfugiés ukrainiens. « Les maladies ne connaissent pas de frontières », ajoute-t-elle. « La douleur est insupportable tant pour les Moldaves que pour les Ukrainiens. »
Tout récemment, Maria a aidé une femme alitée qui avait été transportée par sa fille depuis l’Ukraine jusqu’en République de Moldova.
« La dame souffrait de plusieurs maladies et devait subir sans attendre des examens médicaux », se souvient Maria. « Mais elle ne pouvait pas se rendre chez un médecin, car elle ne pouvait pas quitter son lit. » Maria a réussi à apporter le matériel médical adéquat au centre pour réfugiés afin de réaliser les examens nécessaires, puis a fourni les résultats au médecin afin qu’il établisse les prescriptions adéquates.
Lorsque les populations se déplacent en raison de la guerre et de la violence, comme c’est le cas actuellement en Ukraine, ils ne laissent pas leurs besoins de santé derrière eux. Alors que la guerre entre dans sa 11e semaine et que près de 6 millions de personnes ont fui, les soins dispensés par les professionnels de santé des pays voisins, comme Maria, s’avèrent primordiaux. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que près de 450 000 réfugiés ont transité par la République de Moldova à ce jour, et que plus de 90 000 sont restés dans le pays.
Être infirmière pendant la pandémie de COVID-19, et maintenant en pleine crise de réfugiés
La Journée internationale des infirmières, célébrée chaque année le 12 mai, est l’occasion de renouveler les appels en vue d’améliorer l’investissement dans le secteur des soins infirmiers et de mieux soutenir les personnels infirmiers et la profession.
Cette année, l’OMS/Europe met en lumière les soins vitaux prodigués par les personnels infirmiers dans tous les contextes, notamment dans les zones de conflit ou en pleine crise des réfugiés, et appelle à assurer leur sécurité alors qu’ils s’occupent des personnes vulnérables.
La lutte menée ces 2 dernières années contre la COVID-19 a été épuisante, admet Maria.
« Les gens avaient peur, la maladie sévissait sans relâche, et les tâches se multipliaient au fil du temps. Mes collègues et moi avons subi une pression énorme. Mais j’ai travaillé dur 24h/24, et j’ai ainsi réussi à faire face à toutes les vagues de la pandémie. »
Tout au long de la pandémie, l’OMS/Europe a répété qu’il fallait soutenir la santé mentale de tous les personnels de santé. En tant que travailleurs de première ligne, ils ont été confrontés au stress, à l’épuisement professionnel, à la maladie et aux pertes, avec des effets potentiels à long terme sur leur bien-être mental.
Comme l’explique Maria, la pandémie a également permis de tester l’endurance des agents de santé.
« Je pense que cela m’a aussi préparée à gérer la crise actuelle des réfugiés », explique-t-elle. « Le centre où je travaille a ouvert dès que le conflit a éclaté, et nous aidons les réfugiés depuis le premier jour. »
Ces 2 derniers mois, Maria s’est occupée de nombreuses mères et de leurs enfants.
« Je pouvais voir que certains d’entre eux s’étaient habillés à la hâte. Certains portaient leurs vêtements à l’envers », se souvient-elle. « J’ai vu la peur, l’anxiété et l’horreur dans leurs yeux, dans leur comportement et dans leur voix. Je ne peux même pas imaginer ce qu’ils ont vécu. »
Un désir irrépressible d’aider les gens
Avant la guerre en Ukraine, Maria exerçait comme infirmière familiale à Popeasca, un village d’un peu plus de 2 300 habitants. Avec le médecin de famille, qui se déplace 2 fois par semaine d’une autre ville, elle est la seule professionnelle de santé de sa communauté.
« Tout est parti d’un désir irrépressible d’aider les gens et de se sentir utile, et maintenant je connais les histoires, les douleurs, les craintes de ma communauté », explique-t-elle. Son travail d’infirmière, ajoute-t-elle, s’étend au-delà des murs de sa clinique.