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Un rapport conjoint de l’OMS et de la Banque mondiale décrit les mesures à prendre par l’Ukraine pour renforcer le financement du système de santé, et améliorer l’équité et l’efficacité

20 novembre 2024
Communiqué de presse
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L’OMS et la Banque mondiale ont dévoilé leur nouveau rapport conjoint intitulé « Health financing in Ukraine: reform, resilience and recovery » [Financement de la santé en Ukraine : réforme, résilience et relèvement] qui met en avant le rôle essentiel des réformes du financement de la santé dans le renforcement du système de santé ukrainien face à des défis sans précédent.

Le rapport, lancé lors d’un événement conjoint organisé à Kiev le 20 novembre 2024 à l’occasion d’une mission de haut niveau menée dans le pays sur les systèmes de santé, souligne la manière dont les récentes réformes ont renforcé la résilience du système de santé ukrainien pendant la pandémie de COVID-19 et le conflit en cours. Il expose en détail l’importance d’investir durablement dans la santé, et présente des mesures concrètes pour faire en sorte que le système demeure équitable, efficace et prêt à faire face aux crises futures.

Aller de l’avant malgré l’adversité 

L’adoption par l’Ukraine d’un modèle de financement de la santé basé sur les recettes publiques plutôt que sur les contributions liées à l’emploi s’est avérée décisive à cet égard. Cette évolution a permis d’assurer la continuité de la couverture des soins de santé à tous les citoyens et résidents permanents, alors même que la guerre perturbe l’activité économique et entraîne le déplacement de millions de personnes.

La gestion centralisée du financement par le Service national de santé ukrainien a permis d’acheminer des ressources vers les régions touchées par la guerre, ce qui a permis de maintenir l’accès aux services essentiels dans le cadre du programme de prestations garanties par l’État, le Programme de garanties médicales.

« Ce rapport, élaboré conjointement par l’OMS et la Banque mondiale, est fondamental pour orienter les réformes du financement de la santé en Ukraine », a expliqué le docteur Jarno Habicht, représentant de l’OMS en Ukraine. « Il offre une feuille de route pour assurer la résilience et le développement du système de santé ukrainien, ainsi que sa capacité à répondre à l’évolution des besoins en matière de santé, en particulier pendant la guerre. »

Investir dans un avenir durable

Le rapport met en évidence les conséquences désastreuses de la guerre sur la santé de la population et le profil démographique de l’Ukraine, en soulignant qu’un système de santé performant est essentiel au relèvement national. Le rapport met en avant l’importance de préserver le financement public et l’investissement dans la santé, en particulier dans le contexte difficile de la guerre. La préservation du capital humain est cruciale pour la reprise économique et la cohésion sociale à long terme de l’Ukraine.

Or, la marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses publiques de santé restera limitée en raison de l’impact économique de la guerre et de la nécessité d’accorder la priorité aux dépenses de défense et de sécurité. À l’avenir, les réformes du financement de la santé doivent viser à optimiser la santé par rapport aux dépenses consenties en promouvant des services et des médicaments rentables ainsi qu’une efficacité globale, tout en mettant l’accent sur l’équité dans l’accès, la protection financière contre les débours excessifs et la qualité des services. 

L’étude recommande plusieurs politiques et actions contenues dans une boîte à outils du financement de la santé afin de faire avancer les réformes et d’améliorer la performance du système de santé en fonction de ces principaux objectifs de financement de la santé.

« Il est encourageant de constater que les pouvoirs publics se sont engagés à poursuivre la mise en œuvre de ces réformes ambitieuses du secteur de la santé afin d’accroître l’efficacité du système de soins de santé ukrainien », a expliqué M. Bob Saum, directeur régional de la Banque mondiale pour l’Europe de l’Est. 

« Dans un contexte de restrictions budgétaires difficiles, l’amélioration de l’efficacité du financement public de la santé est le seul moyen de garantir que l’Ukraine puisse prendre soin de sa population, dont les besoins en matière de soins de santé augmentent en conséquence directe de l’invasion de la Russie. La poursuite de ces réformes s’avérera également cruciale pour la modernisation du système de santé, conformément à l’ambition de l’Ukraine d’adhérer à l’Union européenne », a ajouté M. Saum. 

Comme l’a expliqué le ministre ukrainien de la Santé, le docteur Viktor Liashko, « depuis près de 3 ans, le système de santé ukrainien s’emploie à combiner les priorités d’une vie de temps de paix avec les défis de la guerre, en garantissant aux Ukrainiens un accès universel à des soins médicaux de qualité, abordables, voire gratuits. Et notre système de santé y parvient, notamment grâce aux changements apportés aux modes de financement qui nous permettent de faire preuve d’adaptabilité et de souplesse dans la prise de décisions. »

Le docteur Liashko a en outre souligné que « malgré la guerre, nous continuons à mettre en œuvre des réformes : l’année dernière, nous avons finalisé la mise en place d’un réseau efficace d’établissements de santé, permettant une utilisation plus efficace des ressources disponibles. Le budget de l’État pour 2025 prévoit une augmentation significative des dépenses de santé : 6,3 milliards de hryvnias ukrainiennes supplémentaires seront consacrés à l’expansion du Programme de médicaments abordables et à la modernisation de l’infrastructure médicale. »

Le ministre de la Santé a indiqué que les dépenses totales dépasseront 217 milliards de hryvnias, dont plus de 175,5 milliards seront alloués au financement du Programme de garanties médicales, soit 16,8 milliards de hryvnias de plus que l’année dernière.

« Les rapports réguliers de l’OMS et de la Banque mondiale sur la mise en œuvre des réformes du financement de la santé en Ukraine servent en fait de boussole et nous aident à comprendre si nous avançons dans la bonne direction. Les évaluations positives que j’ai pu entendre aujourd’hui nous incitent à redoubler d’efforts pour renforcer la résilience du système de santé », a conclu le docteur Liashko.

Le rapport indique que les soins de santé primaires doivent être prioritaires. Ces derniers sont en effet la composante la plus rentable du système de santé et servent d’accès aux soins complets, depuis les bilans de santé de routine jusqu’à l’orientation vers des services spécialisés. Le rapport appelle à un financement adéquat des soins de santé primaires, en particulier dans les zones touchées par la guerre, afin de garantir la continuité des soins.

Compte tenu des contraintes budgétaires de l’Ukraine, le rapport souligne également l’importance de maximiser l’efficacité sans compromettre l’accès. Les mesures suivantes sont notamment préconisées :
  • améliorer l’établissement des priorités et la rentabilité des services offerts dans le cadre du Programme de garanties médicales ;
  • concilier les réformes du financement des hôpitaux avec un financement stable et prévisible dans les zones de conflit ;
  • renforcer la gouvernance et la transparence du système de financement de la santé, tant au niveau central que régional, afin de gagner la confiance du public.
Le rapport expose les grandes lignes de la politique à suivre pour que l’Ukraine puisse se reconstruire en mieux, en mettant l’accent sur la modernisation de la prestation des services de santé, l’optimisation des réseaux hospitaliers et le renforcement des institutions. Il s’agit notamment d’intégrer les enseignements tirés de la pandémie et de la guerre afin d’améliorer la préparation et la résilience face aux défis à venir.

Les réformes du financement de la santé sont complétées par des recommandations visant à améliorer la planification et la réglementation des services de santé, en particulier dans les zones en proie à des hostilités actives. Dans ces régions, l’apport d’ajustements ciblés aux mécanismes de financement peut stabiliser les opérations, et soutenir les personnels de santé qui jouent un rôle essentiel dans le maintien des services dans des circonstances exceptionnelles.

Le rapport de l’OMS et de la Banque mondiale souligne qu’aucune mesure politique ne peut à elle seule permettre d’atteindre ces objectifs. L’adoption d’une approche coordonnée englobant le financement de la santé, la prestation de services et les réformes de la gouvernance s’avère essentielle. À mesure que l’Ukraine se reconstruit, la résilience de son système de santé sera un facteur déterminant de son relèvement et de sa prospérité future. Le rapport propose un ensemble complet d’outils pour aider les responsables politiques à s’engager dans cette voie difficile mais cruciale.

Perspectives mondiales et locales 

Lors de l’élaboration du rapport, les experts de l’OMS et de la Banque mondiale ont participé à de multiples discussions, notamment lors de réunions à Barcelone (Espagne) en octobre 2023, à Kiev (Ukraine) en janvier 2024 et à Vienne (Autriche) en avril 2024. D’autres consultations techniques ont été organisées avec les autorités nationales, notamment le ministère de la Santé, le ministère des Finances et le Service national de santé ukrainien.

En outre, l’OMS et la Banque mondiale ont organisé des tables rondes régionales à Odessa, Dnipro et Kiev en juillet 2024 afin de recueillir des informations locales sur la mise en œuvre des réformes du financement de la santé en Ukraine. Ces consultations régionales ont réuni des responsables politiques nationaux et locaux, des prestataires de soins primaires et spécialisés, ainsi que des propriétaires d’établissements de santé de 10 régions d’Ukraine : Dnipro, Kharkiv, Kherson, Lviv, Mykolaïv, Odessa, Poltava, Rivne, Vinnytsia et Zaporijjia. Ils ont discuté du financement des soins primaires et spécialisés, de la mise en œuvre du Programme de médicaments abordables et du rôle du Système national de santé ukrainien. 

Les consultations ont permis de dégager les principaux messages suivants :
  • la guerre en cours a des répercussions différentes selon les régions ;
  • des ajustements doivent être apportés au financement de la santé dans les régions les plus touchées ;
  • un financement suffisant et équitable des soins de santé primaires, y compris des médicaments abordables, permet d’obtenir le meilleur rapport qualité-prix ;
  • la mise en place d’un réseau compétent de prestataires permet d’améliorer la qualité et l’efficacité ;
  • en garantissant une présence plus forte du Système national de santé ukrainien au niveau interrégional, on pourra accroître l’efficacité de la communication régionale sur les besoins en matière de santé et les capacités des prestataires de soins.
Les commentaires recueillis lors des consultations ont été intégrés dans ce troisième examen conjoint du financement de la santé. Cette série de rapports, produits conjointement par l’OMS et la Banque mondiale, évalue l’état d’avancement des réformes du financement de la santé depuis leur lancement en Ukraine en 2017.

Ce nouveau rapport a été réalisé avec le soutien financier de la Direction suisse du développement et de la coopération dans le cadre du projet visant à soutenir la réforme du secteur de la santé en Ukraine (Sustaining Health Sector Reform in Ukraine) ; du gouvernement canadien ; et de l’Union européenne dans le cadre du projet « Développement du système de santé en Ukraine » et du Partenariat pour la couverture sanitaire universelle.