Déclaration – 20 années sans poliomyélite dans la Région européenne : un moment de célébration, mais un acquis fragile

Observations liminaires du docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe, lors du point de presse organisé à l’occasion de la Journée mondiale contre la poliomyélite

24 octobre 2022
Déclaration
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Aujourd’hui, c’est la Journée mondiale contre la poliomyélite, et cette année, nous célébrons une réalisation capitale : cela fait en effet 20 ans que la Région européenne est exempte de poliomyélite sauvage indigène, depuis que la Région a été déclarée exempte de poliomyélite en 2002.Il s’agit là d’un véritable succès à célébrer.

En 1980, près de 2 700 cas de poliomyélite ont été confirmés dans l’ensemble des États membres de la Région européenne et, 18 ans plus tard, le dernier cas de poliomyélite sauvage indigène de la Région a été signalé en Türkiye.

Heureusement, grâce à la vaccination, nous sommes sur le point de faire de la poliomyélite une chose du passé. À l’échelle mondiale, les cas de poliomyélite ont diminué de 99 % depuis les années 1980. Nous sommes sur le point d’éradiquer la poliomyélite, ce qui en ferait seulement la deuxième maladie après la variole à être reléguée aux annales de l’histoire.

Or, les progrès que nous avons accomplis ainsi que le statut de la Région européenne exempte de la poliomyélite restent vulnérables. Au cours de l’année écoulée, nous avons été confrontés au poliovirus en Israël, au Royaume-Uni ainsi qu’en Ukraine, où la circulation de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale a été confirmée.

On entend par poliovirus dérivé d’une souche vaccinale une souche du virus qui a muté à partir d’une souche affaiblie contenue à l’origine dans le vaccin antipoliomyélitique oral. Ces poliovirus pouvant se propager dans les poches de sujets sous-vaccinés, il importe par conséquent de garantir une couverture vaccinale élevée chez tous les groupes de population.

Les liens entre les souches de virus dérivées d’une souche vaccinale récemment détectées dans des pays de la Région européenne et à New York, ainsi que la flambée de poliomyélite récemment circonscrite au Tadjikistan et causée par un virus circulant en Afghanistan et au Pakistan, soulignent clairement que tant que la poliomyélite ne sera pas éradiquée, tous les pays resteront exposés au risque de réinfection par cette maladie.

La riposte à la flambée de poliomyélite au Tadjikistan a clairement mis en évidence ce que peut accomplir un gouvernement qui s’est fortement engagé envers la santé de sa population. Je serai au Tadjikistan la semaine prochaine, alors que le gouvernement va de l’avant pour faire bénéficier ses enfants des avantages du vaccin antipneumococcique.

Compte tenu de l’évolution des voyages, des migrations et du climat dans notre monde interconnecté, il est encore plus essentiel de veiller à ce que chacun, où qu’il soit, soit protégé par des vaccins.

Aujourd’hui, alors que la perspective d’un monde exempt de poliomyélite est incroyablement proche, j’appelle les autorités sanitaires et les partenaires d’Europe et d’Asie centrale à poursuivre les investissements et les efforts engagés depuis des décennies, et qui nous ont permis d’arriver jusqu’ici – ainsi qu’à rester fermes dans leur détermination à atteindre l’objectif final. Abandonner la course maintenant serait une tragédie pour nous tous et les générations futures.

Le Programme européen pour la vaccination à l’horizon 2030, approuvé par les 53 États membres de la Région européenne, trace la voie à suivre pour maintenir le statut « exempte de poliomyélite » de notre Région, et contribuer à l’éradication de la poliomyélite dans le monde.

Je suis particulièrement ravi que Jennifer Jones, présidente du Rotary International, soit parmi nous aujourd’hui. Depuis des décennies, le Rotary International œuvre sans relâche à la lutte contre la poliomyélite par le biais de ses sections nationales et locales dans le monde entier. Outre le soutien apporté à l’éradication de la poliomyélite dans la région Europe, le Rotary, membre dévoué de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite depuis sa création en 1988, a joué un rôle immense dans l’éradication de cette maladie en Afrique en 2020.

La lutte contre la poliomyélite a clairement révélé le miracle de la vaccination. Mais ce n’est pas quelque chose que nous pouvons considérer comme acquis.

Depuis près de 3 ans maintenant, alors que les autorités sanitaires combattent la pandémie de COVID-19, les services essentiels, notamment les programmes de vaccination antipoliomyélitique et d’autres programmes cruciaux de vaccination, en subissent les conséquences.

Dans la Région européenne de l’OMS, la couverture par la troisième dose de vaccin antipoliomyélitique a diminué de 1 % entre 2019 et 2020. En 2021, seuls 25 des 53 États membres de notre Région ont atteint le taux de couverture vaccinale contre la poliomyélite de 95 % ou plus recommandé par l’OMS.

J’en viens maintenant à la COVID-19. À ce jour, plus de 260 millions de cas et 2,1 millions de décès ont été observés dans notre Région, et nous avons administré plus de 1,6 milliard de doses de vaccin.

La semaine dernière, nous avons marqué le 1 000e jour depuis que les premiers cas de COVID-19 ont été signalés dans notre Région. Nous entrons maintenant dans notre troisième hiver pandémique, mais nous sommes mieux équipés que jamais.

Comme nous l’avions prévu, l’automne a entraîné une recrudescence des cas, et ces derniers ont triplés dans la Région depuis début septembre. Au cours de la deuxième semaine d’octobre, près de 60 % des nouveaux cas et 42 % des nouveaux décès survenus dans le monde ont été signalés dans la Région européenne. Or, cette poussée de la maladie n’a pas encore atteint les niveaux de gravité auparavant enregistrés – les décès et les admissions en soins intensifs n’ont connu qu’une faible augmentation – ni les retombées désastreuses précédemment observées sur la vie économique ou sociale.

Ce n’est pas le moment de se reposer. Ce dernier mois, nous avons également constaté un pic précoce de cas de grippe saisonnière qui a conduit maintenant à des taux supérieurs de positivité chez les patients hospitalisés pour des infections respiratoires aiguës sévères.

Avec la cocirculation de la COVID-19 et de la grippe saisonnière, la santé des personnes vulnérables – notamment les seniors, les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les nouveau-nés – est davantage menacée.

Nous devons continuer à faire tout notre possible pour prévenir les infections, protéger les personnes vulnérables et préparer nos systèmes de santé à contrer les multiples menaces.

La vaccination reste l’un de nos outils les plus efficaces contre la grippe et la COVID-19, et j’exhorte toutes les personnes éligibles à se faire vacciner contre la grippe et à recevoir leur vaccin de rappel contre la COVID-19 dès que possible.

Les vaccins sont sûrs, les vaccins agissent. Que ce soit contre la poliomyélite ou contre la COVID-19 et la grippe, les vaccins peuvent sauver des vies, et sauvent effectivement des vies. Les autres principales réponses politiques à la COVID-19 sont la surveillance continue et la garantie de l’accès aux antiviraux pour les populations à risque.

En cette Journée mondiale contre la poliomyélite, célébrons les succès que nous avons globalement accomplis en matière de vaccination, et engageons-nous à maintenir le cap.

Nous répondrons à vos questions sous peu, mais permettez-moi d’abord de me tourner vers Jennifer Jones, présidente du Rotary International.

Jennifer, la parole est à vous.