Cher Présidente du Comité régional, ma très bonne amie la Ministre Azhar Giniyat, mon grand frère le docteur Tedros, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs,
Quel plaisir de vous revoir tous en personne, un an après le formidable Comité régional de Tel-Aviv, en Israël. Je tiens en particulier à exprimer un grand merci, toda raba, à mon ami le docteur Ashi Salomon, l’homme qui a tout organisé, de la grande vision d’ensemble au moindre arrangement pour le transport.
Il ne fait aucun doute que ce Comité régional sera aussi mémorable que celui de l’année dernière. Il se déroule dans le pays où, il y a 45 ans, les pages les plus importantes de l’histoire de l’OMS et de la santé publique contemporaine ont été écrites dans la Déclaration d’Alma-Ata sur les soins de santé primaires.
Et nous avons encore beaucoup d’autres choses à célébrer. C’est aussi le 5e anniversaire de la Déclaration d’Astana sur les soins de santé primaires, le 15e anniversaire de la Charte de Tallinn : des systèmes de santé pour la santé et la prospérité, le 25e anniversaire de l’Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé et, bien sûr, le 75e anniversaire de notre Organisation, l’Organisation mondiale de la santé. Cette année a été l’occasion de commémorer des moments historiques importants pour l’amélioration de la santé et des systèmes de santé dans la Région et ailleurs.
Malheureusement, 2023 a également été une année où les crises sanitaires ont continué à faire rage dans notre Région : une guerre dévastatrice en Ukraine, qui a fait plus de 1 700 victimes parmi les enfants ; deux importants séismes en Türkiye ; un mouvement massif de population du [Haut-]Karabakh vers l’Arménie, aggravé par une explosion dans une station-service où de nombreuses personnes ont été brûlées et où nous avons immédiatement apporté notre aide ; et maintenant des centaines et des centaines d’enfants victimes de la guerre en Israël et dans la bande de Gaza.
Tout comme le docteur Tedros, l’OMS/Europe condamne fermement les attaques atroces et injustifiées du Hamas contre le peuple israélien innocent. Nous demandons la libération immédiate de tous les otages qui ont été emmenés à Gaza, dont un grand nombre de personnes âgées et d’enfants qui ont besoin de soins médicaux. Nous demandons à toutes les parties de s’engager à respecter les règles du droit humanitaire international, notamment en protégeant les citoyens et les personnels de santé.
Chers amis, la Région européenne de l’OMS n’est plus la Région résistante aux catastrophes que nous croyions. Certes, nous avons tiré de nombreux enseignements de la pandémie de COVID-19, de la maîtrise de la variole du singe et de son élimination, de la maîtrise rapide des flambées de poliomyélite grâce à l’engagement politique des gouvernements du Tadjikistan, d’Israël et de l’Ukraine, mais nous ne pouvons relâcher notre vigilance.
De nombreux États membres nous ont demandé de travailler sur la résilience comme réponse à la permacrise. La résilience consiste à rebondir plus fort après une crise, et le programme du Comité régional s’inscrit parfaitement dans cette vision, en s’appuyant sur la double approche que j’ai recommandée à Tel-Aviv l’année dernière. Voici les trois piliers d’une Région européenne de l’OMS résiliente, et c’est d’ailleurs l’intitulé de mon allocution annuelle devant vous aujourd’hui :
- une gouvernance résiliente,
- des systèmes de santé résilients,
- une population résiliente.
Je vais maintenant vous expliquer ces trois piliers.
Une gouvernance résiliente
Le premier pilier est la gouvernance résiliente. Qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit d’une gouvernance participative qui s’aligne sur les processus mondiaux et qui, en fin de compte, œuvre en faveur d’une OMS résiliente.
Évoquons d’abord la gouvernance participative. Lors des réunions des organes directeurs de l’OMS, nombre d’entre vous, les États membres, ont exprimé le souhait d’exercer leur rôle de gouvernant de l’OMS afin d’être encore plus participatifs.
J’ai moi-même toujours partagé ce souhait depuis le début de mon mandat. J’ai toujours pensé que l’OMS ne pouvait exercer son mandat qu’en étant à l’écoute de l’évolution des attentes et des besoins réels des États membres. La gouvernance participative renforcera leur confiance ; garantira la transparence et la responsabilité ; et, surtout, permettra d’exploiter la vaste expérience de tous les États membres pour orienter les politiques régionales de l’OMS.
Je voudrais remercier chaleureusement le professeur Marat Shoranov, président du Comité permanent du Comité régional (CPCR), Mme Anna Wechsberg, vice-présidente du CPCR, et tous les membres du CPCR pour le soutien important qu’ils nous ont apporté dans la mise en œuvre de nombreuses initiatives depuis Tel-Aviv en vue de renforcer la gouvernance participative. En voici quelques exemples :
- nous avons demandé que soit réalisé un examen externe de la gouvernance de l’OMS/Europe impliquant les États membres et les acteurs non étatiques ;
- nous avons modifié le programme du Comité régional cette année, notamment en déplaçant l’examen des questions budgétaires, de gouvernance et de gestion au deuxième jour afin de laisser plus de temps au débat ;
- nous avons déployé de nombreux efforts pour augmenter considérablement le nombre de séances d’information à l’intention des États membres, en distanciel et en présentiel, y compris lors des réunions des organes directeurs à Genève.
N’oublions pas non plus que nous avons tenu deux sessions extraordinaires du Comité régional dans des conditions strictes. Je tiens à remercier Mme Egle Granziera du Siège de l’OMS pour son formidable soutien.
Entre les réunions des organes directeurs, je tiens toujours le CPCR et les membres européens du Conseil exécutif informés des urgences classées et de mes propres missions dans les pays.
À votre demande, nous nous sommes beaucoup investis pour rendre le processus d’élection et de désignation encore plus transparent et prévisible, et nous avons déployé énormément d’efforts pour aligner les capitales et les missions permanentes à Genève.
Je tiens à remercier ici Mme Gabrielle Jacob, qui a pris ses nouvelles fonctions de conseillère régionale en matière de gouvernance, ainsi que notre ami M. Willy Palm, qui a accompli un travail remarquable dans ce domaine ces trois dernières années. J’ai demandé à M. Palm de soutenir temporairement la Représentation de l’OMS à Bruxelles dans le cadre des présidences de l’Union européenne (UE).
En fin de compte, et selon moi, le meilleur moyen d’accroître la nature participative de la gouvernance de l’OMS/Europe est d’effectuer des missions dans les pays. Depuis la session de Tel-Aviv l’année dernière, j’ai effectué 33 missions dans les pays, ce qui m’a donné l’occasion unique d’interagir directement avec des ministres de la Santé, des hauts responsables de la santé, vous tous, des patients et la société civile. J’admets que j’éprouve de l’admiration pour tous vos personnels de santé qui font un travail extraordinaire dans des circonstances très difficiles.
La deuxième caractéristique de la gouvernance résiliente est l’alignement sur les processus mondiaux. La première dimension de cet alignement, à mon avis, est l’agenda du secrétaire général des Nations Unies en faveur d’une unité d’action. C’est lui qui a récemment organisé le Sommet sur les objectifs de développement durable (ODD) pour chercher à donner une nouvelle impulsion aux ODD.
Comment avons-nous contribué, et comment nous sommes-nous alignés en tant que Région ? Permettez-moi de vous donner un exemple : en mars, nous avons organisé pour la première fois le Forum de haut niveau de l’OMS/Europe sur la santé dans l’économie du bien-être, qui a été ouvert par rien de moins que la Première ministre islandaise, notre grande amie Mme Katrín Jakobsdóttir. Dans un discours très inspirant, elle a démontré qu’avec un engagement politique fort, une approche pangouvernementale, une participation sociale et de nouvelles stratégies et mesures budgétaires, il est possible d’instaurer une économie qui dépasse le cadre des simples bénéfices, et qui promeut la santé et le bien-être chez tous les membres de la société.
N’oublions pas que 81 % des Européens estiment que la réduction des inégalités devrait figurer en tête des priorités politiques. La confiance s’instaure lorsque les citoyens ordinaires ressentent les avantages concrets des politiques conçues pour protéger leur vie et leurs moyens de subsistance. C’est essentiel si nous voulons reconstruire des sociétés socialement inclusives et en bonne santé.
J’ai eu l’occasion unique de constater moi-même le fonctionnement d’une économie du bien-être sur le terrain lorsque j’ai été invité par la Première ministre à Reykjavik, dans ce pays magique qu’est l’Islande. Là, j’ai pu m’entretenir avec le peuple islandais, avec la Première ministre, avec mon grand ami sportif, le ministre de la Santé Willum Þór Þórsson, ainsi qu’avec le ministre des Affaires étrangères Bjarni Benediktsson qui m’a patiemment expliqué comment l’Islande s’initie à la stratégie budgétaire pour l’économie du bien-être, et qui s’est engagé à nous accompagner à Davos l’année prochaine.
Pouvez-vous imaginer notre fierté, il y a un mois, lorsque la Première ministre a rencontré le secrétaire général des Nations Unies, l’a mis au courant de notre travail de pionnier, et l’a invité dans notre Région pour participer au Deuxième Forum de haut niveau de l’OMS/Europe sur la santé dans l’économie du bien-être ?
La deuxième dimension de l’alignement concerne évidemment les politiques mondiales de l’OMS. Nous travaillons d’arrache-pied pour apporter une contribution forte et paneuropéenne à la 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui, pour la première fois, consacrera une journée à la santé le 3 décembre à Dubaï. Je vous en prie, apportez tous votre soutien à cette Journée de la santé car c’est notre Région qui a pris, lors de la Septième Conférence ministérielle sur l’environnement et la santé, de nouveaux engagements politiques en faveur de la santé et de l’environnement dans le cadre de la Déclaration historique de Budapest sur la triple crise de la perte de biodiversité, du changement climatique et de la pollution environnementale.
La conférence était placée sous le patronage de la Présidente hongroise, Mme Katalin Novák. Je tiens à remercier chaleureusement – köszönöm – le ministre de l’Intérieur, M. Sándor Pintér, le secrétaire d’État à la santé, M. Peter Takács, le ministre de l’Énergie, M. Csaba Lantos, qui était présent tout au long de la conférence, et, bien sûr, mon grand ami le ministre des Affaires étrangères, M. Péter Szijjártó.
Nous avons également pris des mesures concrètes pendant la conférence. Je me souviens que le ministre de l’Énergie, M. Csaba Lantos, qui a organisé un incroyable déjeuner ministériel, d’ailleurs végétalien, m’a regardé en disant : « Dr Kluge, mes enfants ne croiront jamais que, pour la première fois de ma vie, je mange du goulasch hongrois sans boulettes de viande ».
La troisième dimension de l’alignement est ce que j’appelle la collaboration interrégionale, à savoir renforcer l’unité et la cohérence interne de l’OMS. En mars, j’ai accueilli avec le directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale, le docteur Ahmed Al-Mandhari, et la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, le docteur Matshidiso Moeti, la Deuxième Réunion interrégionale de haut niveau de l’OMS sur la santé des réfugiés et des migrants, à Charm el-Cheikh, en Égypte. La première a eu lieu à Istanbul l’année dernière, et le docteur Moeti accueillera la troisième réunion l’année prochaine en Afrique.
Quatre mois plus tard, nous avons lancé une plateforme internationale dans notre Région afin d’échanger des pratiques innovantes entre sept pays voisins accueillant des populations déplacées d’Ukraine. Cette initiative a été prise par l’ambassadeur slovaque pour la santé mondiale, mon grand ami le professeur Jozef Šuvada. Merci beaucoup d’avoir encouragé cette innovation.
Nombreux sont ceux d’entre vous qui savent à quel point je suis proche de la Région de l’Asie du Sud-Est depuis que j’ai quitté mon poste au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée. C’est pourquoi j’ai été ravi lorsque le docteur Poonam Singh, directrice régionale de l’OMS pour l’Asie du Sud-Est, m’a invité, avec le docteur Tedros, en août à Gandhinagar (Gujarat), à la réunion ministérielle sur l’éradication de la tuberculose, qui a en fait ouvert la voie à un partenariat stratégique entre les autorités sur la tuberculose et la tuberculose multirésistante.
Nous avons également uni nos forces à celles de la Région du Pacifique occidental de l’OMS pour trouver des solutions numériques au vieillissement rapide de la population. En mars, le directeur de l’Organisation panaméricaine de la santé, le docteur Jarbas Barbosa da Silva Jr, la secrétaire adjointe aux affaires mondiales du Département américain de la santé et des services sociaux, Mme Loyce Pace, et moi-même avons conclu un nouvel accord de partenariat transatlantique visant à renforcer les systèmes de santé mondiaux et à inclure certains chantiers novateurs, par exemple, pour travailler avec la communauté inuite dans l’Arctique. Nous ne devons pas oublier que c’est notre Région qui détient l’essentiel de l’Arctique, et nous devons en être fiers.
C’est pourquoi j’ai été très honoré d’être le premier directeur régional de l’histoire à partir en mission au Groenland. J’étais d’ailleurs accompagné du docteur Søren Brostrøm, à l’époque directeur général de l’Autorité sanitaire danoise, que je tiens à remercier pour son soutien et celui du Danemark à ma mission. Je voue une admiration sans borne à la ministre groenlandaise de la Santé, Mme Mimi Karlsen, et au docteur Nike Berthelsen, chef du Département de la santé, pour leur leadership pendant la pandémie de COVID-19, et j’apprécie notre camaraderie.
Après de très longues heures de navigation à travers les coulées de glace pour arriver dans un village de pêcheurs, nous avons rencontré Aka, l’une de ces nombreux héros méconnus des soins de santé primaires qui sert sa communauté avec empathie, avec l’expertise qu’elle s’est forgée elle-même – parce qu’elle est à la fois assistante sanitaire et mécanicienne de bateau – et avec la télémédecine, qui est littéralement en train de sauver des vies au Groenland.
Chers amis, cette dimension interrégionale rend nos pays plus forts à l’intérieur et plus visibles à l’extérieur, et c’est une excellente plateforme, en cette ère post-pandémique, pour œuvrer ensemble à la réalisation de l’équité en santé mondiale, y compris sur le financement du changement climatique et le transfert des technologies vaccinales.
L’une des choses que j’ai apprises lors de la pandémie de COVID-19 est que l’humanitarisme traditionnel entre le Nord et le Sud ne fonctionne plus, et que nous avons beaucoup à apprendre des régions à faible revenu, notamment en ce qui concerne les soins de proximité.
La troisième caractéristique de la gouvernance résiliente, c’est vous, mes gouvernants, parce que vous voulez que l’OMS soit résiliente, qu’elle se relève plus forte après les crises. En d’autres termes, l’OMS doit avoir les capacités d’agir, être financée, être agile et être axée sur les pays, et, en fin de compte, s’appuyer sur la science.
Premièrement, nous devons avoir les capacités d’agir. Notre force est à la hauteur des moyens que vous nous octroyez. C’est pourquoi je tiens à remercier chaleureusement chacun d’entre vous d’avoir facilité, depuis que je suis directeur régional, mes réunions avec les Présidents ou les chefs de gouvernement de 40 pays, ce qui est très important au sortir de la pandémie, dans un contexte de crise du coût de la vie, de crise énergétique et de forte pression sur les budgets nationaux de la santé. L’OMS se tient à vos côtés, chefs d’État et Premiers ministres, pour que la santé et le personnel de santé restent en tête des priorités politiques.
Je voudrais illustrer ce propos par une anecdote tirée des annales de l’OMS/Europe. Récemment, le Président tadjik, Son Excellence Emomali Rahmon, a invité pour la première fois l’OMS/Europe à la réunion annuelle des cinq Présidents, le C5, de l’Asie centrale. Nous avons obtenu, et c’est une première, l’approbation d’une feuille de route pour la santé et le bien-être en Asie centrale, qui donne désormais des moyens considérables aux responsables de la santé des cinq pays d’Asie centrale.
Merci beaucoup, Excellence Emomali Rahmon. Merci au Président kirghiz, Son Excellence Sadyr Zhaparov ; au Président de notre beau pays hôte, le Kazakhstan, Son Excellence Kassym-Jomart Tokayev ; au Président ouzbek, Son Excellence Shavkat Mirziyoyev ; et au Président turkmène, Son Excellence Serdar Berdimuhamedov.
Le Président azerbaïdjanais, Son Excellence Ilham Aliyev, a également été invité. La feuille de route porte sur le renforcement du Règlement sanitaire international ; l’éradication de la tuberculose en Asie centrale ; la santé et l’environnement autour de la mer d’Aral, ce qui est d’ailleurs hautement important ; l’approche « Une seule santé » ; et les maladies non transmissibles.
Nous avons travaillé des mois pour y parvenir mais, honnêtement, tout le mérite en revient aux cinq ministres de la Santé, à savoir au docteur Azhar Giniyat, qui, dès le début, nous a apporté une aide immense ; à mon ami du Kirghizistan, le ministre de la Santé, le docteur Alimkadir Beishenaliev, qui a été d’un grand soutien ; à mon frère du Tadjikistan, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, le docteur Jamoliddin Abdullo Abdullozoda ; à mon frère du Turkménistan, le ministre de la Santé et de l’Industrie médicale, le docteur Atageldi Germanov ; et enfin, bien sûr, à mon frère de l’Ouzbékistan, le docteur Amrillo Inoyatov.
Bravo aux forces en présence. L’Asie centrale, chers amis, est l’un des rares candidats au Fonds pandémique pour Une seule santé, et sa demande a été accordée. Nous avons apporté une aide importante, en collaboration avec la Banque mondiale. Je tiens à remercier le sous-directeur général de la division Couverture sanitaire universelle et parcours de vie, Bruce Aylward, qui est présent parmi nous et qui, dès le départ, a apporté un soutien sans faille à cette proposition.
Deuxièmement, nous avons besoin d’un financement durable et prévisible. Ces quatre dernières années, les ressources gérées par l’OMS/Europe ont presque triplé, passant de 365 millions à 991 millions d’USD, soit près d’un milliard d’USD.
Cette augmentation sans précédent témoigne du fait que, dans cette Région, l’OMS soit sollicitée pour son travail sur les interventions techniques normatives en cas d’urgence et, bien entendu, démontre le soutien important apporté au Programme de travail européen. Je tiens à vous remercier tous, les pays, de nous avoir aidés à accroître et, surtout, à diversifier cette base de financement. D’ailleurs, c’est l’engagement que j’ai pris il y a quatre ans dans mon programme de campagne : assainir le bilan financier.
L’OMS/Europe avait traditionnellement tendance, à la fin de chaque période biennale, d’être endettée, et nous devions demander un prêt. Pour la deuxième période biennale consécutive, notre bilan financier est désormais sain, et nous n’avons pas besoin de demander un renflouement. Je n’aurais jamais pu le faire sans votre confiance. J’ai toujours eu le sentiment que vous me souteniez, et je n’aurais jamais pu le faire sans l’incroyable dévouement des membres du personnel de l’OMS/Europe. Je suis très fier d’eux et de mes relations avec l’Association du personnel. Je tiens tout particulièrement à remercier la présidente Anita Stefin pour nos discussions mensuelles franches, amicales et honnêtes.
Je tiens à remercier tout particulièrement l’Allemagne pour l’important soutien financier qu’elle apporte à l’OMS, ainsi que l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique. Nous avons également fait appel à des sources sans précédent, par exemple Novo Nordisk, la Banque islamique de développement et la Fondation Asie-Europe avec le Japon.
J’adresse également, Dr Mina Gaga, ministre adjointe grecque de la Santé, un très grand merci à votre Premier ministre, mon grand ami M. Kyriakos Mitsotakis, qui apporte un appui énorme à notre programme de santé mentale des jeunes et à la qualité des soins, ce qui est d’ailleurs très important.
Je vous demande, chers délégués, de soutenir le docteur Tedros et nous tous lors du cycle d’investissement qui aura lieu en novembre de l’année prochaine.
Troisièmement, nous devons être agiles et axés sur les pays. Les grandes situations d’urgence survenues depuis 2020 ont entraîné un changement immédiat et exponentiel, impactant l’ensemble des opérations de l’OMS/Europe. Le personnel a augmenté de 43 %, principalement en raison d’une augmentation de 87 % dans les bureaux de pays. Comme l’a indiqué mon grand frère, le docteur Tedros, pour la première fois de l’histoire, nous avons la parité : 50 % à Copenhague, 50 % dans les bureaux de pays. C’est l’œuvre du Programme de travail européen, en lequel vous avez tous mis votre confiance lorsque j’ai été désigné directeur régional.
Malgré cette expansion soudaine, nous avons maintenu à la fois la répartition des sexes et la répartition géographique : 55 % de notre personnel est féminin, et nous comptons 83 nationalités différentes. Aucun autre grand bureau de l’OMS n’a pu en faire autant. Chers amis, je tiens à vous dire que la diversité à l’OMS/Europe n’est pas un vain mot.
L’une de mes premières initiatives a été la mise en œuvre d’un projet d’automatisation des processus institutionnels, car j’ai hérité d’un bureau entièrement fondé sur l’usage du papier. Nous y sommes presque, comme en témoigne le fait que le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique adopte désormais nos systèmes.
Nous avons également constaté que cette période a été marquée par un nombre sans précédent d’attaques contre notre infrastructure de technologie de l’information, que nous avons jusqu’à présent (touchons du bois) réussi à gérer par la clôture de la totalité des vulnérabilités de cybersécurité identifiées par les auditeurs. Les achats étaient un domaine des fonctions institutionnelles assez nouveau pour l’OMS/Europe. Ils étaient en effet plutôt limités et ne représentaient que 55 millions d’USD par période biennale, mais ont désormais triplé pour atteindre 164 millions d’USD.
Nous avons continué d’apporter un soutien solide à nos bureaux de pays, d’en assurer une formation adéquate et de les superviser, ces bureaux ayant soudainement dû gérer des montants importants conformément aux règles et règlements financiers. La réalisation dont je suis peut-être le plus fier, c’est le rapport des vérifications externes effectuées en 2022 à l’OMS/Europe qui ne contient aucune recommandation à haut risque, et qui est à la disposition de chacun d’entre vous.
Je n’aurais jamais pu accomplir tout cela sans mon bras droit pour les fonctions institutionnelles, M. David Allen, qui s’est tenu solidement à mes côtés pendant de très nombreuses nuits blanches. Bien sûr, nous savions que ce nouveau contexte des fonctions institutionnelles se traduisait par une grande pression sur notre personnel, et c’est pourquoi en 2021, nous avons commencé à mettre en œuvre des enquêtes annuelles sur la santé et le bien-être du personnel.
Les rapports montrent des signes d’épuisement parmi environ 30 % des membres du personnel, et 60 % font face à des charges de travail insoutenables. J’en ai fait une priorité absolue. Nous avons institué une unité spécifiquement consacrée à cette problématique, relevant directement de moi et de mon Bureau, avec le soutien spécial du coordinateur de la Prévention de l’abus et du harcèlement sexuels pour, et c’est particulièrement important, une tolérance zéro, et du médiateur, du médecin du personnel et du conseiller du personnel.
En d’autres termes, chers délégués, chers amis, l’OMS/Europe est le bureau de l’OMS en plus forte croissance dans le monde. Cela signifiait également que notre modèle institutionnel était complètement dépassé. C’est pourquoi, après avoir consulté deux fois mon Comité directeur pour chaque décision majeure, j’ai consulté le CPCR. J’ai consulté deux fois le docteur Tedros, et j’ai consulté deux fois le sous-directeur général pour les fonctions institutionnelles, M. Raul Thomas, que je tiens d’ailleurs à remercier. Ensuite, j’ai décidé en juillet d’ouvrir un nouveau centre d’appui de l’OMS en Türkiye, à Istanbul, ce qui nous permet maintenant d’accélérer le recrutement de 32 membres du personnel uniquement pour les fonctions institutionnelles, tout en économisant 1 million d’USD.
Je tiens à remercier chaleureusement mon très bon ami et frère, le ministre turc de la Santé, le docteur Fahrettin Koca, pour avoir toujours accordé la priorité à l’OMS, ainsi que Son Excellence le Président Recep Erdoğan, qui s’est entretenu avec moi et supervise personnellement la construction d’une UN City dynamique à Istanbul.
Enfin, nous devons être guidés par la science. Rappelez-vous mon engagement envers vous à Tel-Aviv l’année dernière, qui était de faire effectuer une évaluation externe de la manière dont l’OMS/Europe génère et diffuse des éléments de preuve pour éclairer les politiques et proposer des conseils scientifiques crédibles à ses États membres.
Je voudrais ici exprimer un très grand merci au professeur Martin McKee de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, ainsi qu’à sa collègue Una, qui ont travaillé en étroite collaboration avec le docteur Jeremy Farrar, scientifique en chef de l’OMS, pour mener à bien cette évaluation. Un résumé est inclus dans vos documents de référence.
Je tiens à vous assurer de mon engagement ferme à renforcer le leadership scientifique de l’OMS/Europe, notamment ses mécanismes d’assurance qualité, sa pertinence ainsi que la diffusion rapide et plus large d’un nombre peut-être moins important de documents, mais d’une qualité légèrement supérieure.
Chers délégués, bien sûr, je reconnais que nous avons beaucoup plus à faire en matière de gouvernance, et nous en ferons davantage. L’OMS est une organisation dirigée par les États membres. Ne l’oublions jamais. Je m’engage en ma qualité de directeur régional à mettre en œuvre avec diligence les recommandations de l’évaluation de la gouvernance, sous l’égide du CPCR, et à vous faire rapport l’année prochaine lors du Comité régional à Copenhague.
Des systèmes de santé résilients
Le deuxième pilier d’une Région européenne de l’OMS résiliente est la résilience des systèmes de santé. Je me souviens que l’an passé, à Tel-Aviv, nous étions épuisés, mais nous avions de l’espoir. Le plus gros de la pandémie de COVID-19 étant derrière nous, nous pensions que nos systèmes de santé se relèveraient plus forts après la crise, mais ce n’est pas le cas. Alors, que s’est-il passé ? Trois défis se présentent à nous.
Premier défi : nous sommes confrontés à une crise considérable du personnel de santé et d’aide à la personne. L’année dernière, je l’ai qualifiée de bombe à retardement. Franchement, la situation est devenue très dramatique. Ce problème s’inscrit dans le cadre plus large du vieillissement démographique, des attentes et besoins croissants d’une population plus malade, et d’une pénurie de main-d’œuvre dans tous les secteurs.
Je me souviens qu’en pleine vague de chaleur de juillet, le vice-Premier ministre maltais, le docteur Chris Fearne, et moi-même avons discuté de la manière dont nous devrions préparer nos systèmes de santé à résister aux événements météorologiques extrêmes dus au changement climatique survenant en été, un moment où les systèmes de santé peuvent normalement souffler un peu avant l’automne. Or, encore une fois, ceux-ci ont été soumis à une forte pression, et encore une fois, les personnels de santé n’ont pas pu se reposer. Le docteur Fearne et moi-même avons demandé que soit engagée une discussion de haut niveau au sein de l’UE, de l’OMS, et même lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment pour les petits États insulaires. Merci beaucoup à Malte pour ce leadership.
Le deuxième grand défi concerne les médicaments, à la fois la pénurie sans précédent de médicaments essentiels et l’augmentation du coût des médicaments innovants. En réalité, ce problème est particulièrement lié à l’une des plus grandes menaces pour la santé dans le monde, à savoir la résistance aux antibiotiques. Certes, plusieurs antibiotiques ont reçu une approbation réglementaire, mais, chers amis, si vous les regardez de plus près, vous remarquerez que très peu d’entre eux présentent des caractéristiques réellement innovantes.
Ici, je tiens à remercier la Suède pour son excellent leadership lors de la présidence de l’UE, en particulier le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, M. Jakob Forssmed, et la ministre des Soins de santé, Mme Acko Ankarberg Johansson, qui ont accordé une très grande priorité à la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, et nous ont permis de l’élargir au contexte paneuropéen avec une consultation à Stockholm sur la feuille de route que nous avons élaborée à ce sujet, et pour laquelle je compte sur votre soutien mercredi.
Le troisième défi, et de plus en plus de ministres me le font d’ailleurs remarquer, est qu’il devient difficile de maintenir le même niveau d’investissement dans la santé et les systèmes de santé alors que nous sortons tout juste de la pandémie de COVID-19.
La situation est paradoxale. Nous venons en effet de perdre 7 millions de personnes dans le monde, inutilement. Que signifie cela concrètement ? Cela signifie que nos progrès dans l’instauration de la couverture sanitaire universelle laissent à désirer. Les paiements directs catastrophiques sont en hausse depuis 2010, entre 2 et 40 % de tous les ménages ayant sombré dans la pauvreté en raison de problèmes de santé.
Nous accusons un retard sur de nombreux indicateurs liés au système de santé. Honnêtement, c’est honteux, et contrairement à d’autres Régions de l’OMS, notre taux de mortalité maternelle a augmenté de 17 % entre 2016 et 2020. Si l’on ne peut se permettre de consulter un médecin ou d’acheter des médicaments, ce n’est pas seulement un problème pratique, c’est un problème éthique. La population perd dès lors confiance en son gouvernement et en nous, les autorités sanitaires.
Pourtant, on peut citer de nombreux exemples positifs. Récemment, dans la magnifique ville de Tbilissi, en Géorgie, je me souviens que vous, le docteur Tamar Gabunia, vous êtes entretenue avec docteur Zurab Azarashvili sur la manière dont vous avez géré notre travail conjoint sur la régulation des prix, en fixant un prix de référence pour réduire le prix des médicaments oncologiques de 45 %, de sorte que la Géorgie peut désormais en acheter le double.
Il en est de même en Belgique : le vice-Premier ministre M. Frank Vandenbroucke a mis à disposition un budget de 5,5 millions d’euros pour les jeunes âgées jusqu’à 24 ans et en difficulté financière afin qu’ils puissent consulter un médecin et des spécialistes. Voilà des innovations.
Donc, la manière de renforcer nos systèmes de santé et de les rendre résilients peut se résumer en deux mots : confiance et transformation. Cela constituera le principe central de la réunion de haut niveau des 12 et 13 décembre à Tallinn, en Estonie, où nous vous attendons tous pour avancer sur le chemin de l’instauration de systèmes de santé résilients.
La question est : comment ? Je citerai trois sésames :
- le premier consiste à transformer et à instaurer la confiance, les individus devant être les agents de la transformation ;
- le deuxième consiste à numériser, les solutions numériques devant être les modulatrices de la transformation ;
- le troisième, comme cela a été discuté à l’échelle mondiale hier, consiste à faire des soins de santé primaires le point d’ancrage des systèmes de santé résilients, associés à des services hospitaliers adaptés aux besoins, ainsi qu’au leadership.
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que les individus doivent avoir plus d’influence et d’emprise sur leur santé et leurs soins, que ce soit en prenant eux-mêmes leurs rendez-vous, en ayant accès à leur propre dossier médical, ou en ayant des gouvernements qui reconnaissent que les personnels de santé et d’aide à la personne sont le cœur battant du système de santé.
Je tiens ici à féliciter le professeur Alexandru Rafila, mon grand ami et ministre roumain de la Santé, qui a organisé et dirigé probablement la réunion la plus importante de cette année sur l’avenir des personnels de santé et d’aide à la personne à Bucarest – mulțumesc. Merci beaucoup.
La très puissante Déclaration de Bucarest se concentre sur trois questions qui ont été mentionnées à maintes reprises : le maintien en poste [du personnel], en particulier dans les zones rurales ; les conditions de travail ; et la santé mentale et le bien-être. Merci beaucoup, professeur Rafila. Merci également d’être présent et de défendre la résolution sur les personnels de santé ce mercredi.
Encore une fois, cette magnifique réunion fut l’occasion de découvrir des innovations étonnantes. Je me souviens que ma grande amie, la ministre serbe de la Santé, le professeur Danica Grujicic, a expliqué qu’elle avait fait de la médecine familiale une spécialité obligatoire. Je me souviens aussi que mon autre grand ami, le ministre de la Santé de la République de Moldova, le docteur Ala Nemerenco, a déployé énormément d’efforts afin que de jeunes spécialistes des zones rurales puissent obtenir des allocations financières, ce qui a accru le recrutement et le maintien en poste là-bas.
En ce qui concerne les solutions numériques, je tiens à préciser que celles que nous mettons en place doivent être sûres et éthiques, y compris l’intelligence artificielle. C’est très important, et je parle en tant qu’ancien médecin de famille clinique. Les personnels de santé doivent participer dès le début à l’élaboration de ces solutions car, souvent, elles alourdissent leur charge de travail au lieu de l’alléger. Et nous ne pouvons laisser de côté les personnes âgées et les habitants des zones rurales.
La principale responsabilité de l’OMS dans le domaine de la santé numérique est de garantir l’équité. Ici, je tiens à dire un très grand obrigado, un très grand merci, au ministre portugais de la Santé, le docteur Manuel Pizarro, qui a organisé en septembre le Deuxième Colloque de l’OMS sur l’avenir des systèmes de santé à l’ère numérique dans la Région européenne. Il y a eu beaucoup d’échanges et d’innovations.
J’étais moi-même présent au panel ministériel. Je revois très bien, par exemple, la ministre arménienne de la Santé, le docteur Anahit Avanesyan, expliquer comment l’Arménie a numérisé l’ensemble des soins de santé primaires. J’ai entendu parler de l’apprentissage intergénérationnel, un concept qui m’était totalement inconnu auparavant : les enfants qui maîtrisent les outils numériques éduquent les grands-mères et les médecins des zones rurales pour les familiariser avec la technologie. C’est incroyable.
Le troisième sésame pour l’instauration de systèmes de santé résilients est les soins de santé primaires. Comme ont pu le faire entendre hier les 70 pays présents, nous devons répondre de plus en plus aux besoins mentaux, physiques et sociétaux par l’intervention d’équipes multidisciplinaires.
Ainsi, nous attendons des soins de santé primaires résilients qu’ils s’occupent de la prévention – c’est le lien avec la santé publique – des soins prodigués avec compassion, que la robotique ne peut fournir, notamment les soins palliatifs, les soins de réadaptation, des services de santé sexuelle et reproductive – franchement, je suis un peu préoccupé quand je regarde ce qu’il se passe dans la Région – ainsi que de la pose de diagnostics rapides et précis permettant un traitement efficace qui ne plonge pas les populations dans la pauvreté. Finalement, ils doivent guider les patients sur des parcours de soins complexes, par exemple, les personnes atteintes de cancer en état de choc, ou les personnes souffrant d’une maladie rare qui se sentent perdues.
Hier, nous avons célébré le 45e anniversaire de la Déclaration d’Alma-Ata. Rahmet, merci, docteur Azhar Giniyat, pour votre leadership et pour avoir mobilisé hier, comme on a pu le constater, le chef de l’État. Le Président Tokayev lui-même était avec nous, faisant des soins de santé primaires une priorité absolue. C’est le leadership dont nous avons besoin, et je me suis senti très inspiré, car j’étais ici il y a cinq ans à Astana, et j’ai eu le sentiment que nous avons réussi à susciter un mouvement mondial des soins de santé primaires enraciné dans des valeurs et des principes éthiques solides.
En même temps, comme le disait le Président, nous devrions être pragmatiques et mettre en œuvre des solutions adaptées et efficaces. L’exemple que je souhaite donner ici vient de Macédoine du Nord, qui a beaucoup travaillé pour élargir la gamme de maladies non transmissibles pour lesquelles les médecins généralistes peuvent prescrire et fournir les médicaments en soins de santé primaires. Félicitations au ministre Fatmir Mexhiti.
Les soins de santé primaires, certes, mais à mesure que ces soins évoluent, les hôpitaux doivent également évoluer, et un lien solide doit être établi. Ici, je tiens à dire çox sağ ol, merci, à mon grand ami le docteur Teymur Musayev, ministre azerbaïdjanais de la Santé qui, à mon avis, a organisé une réunion très importante pour 20 pays, avec 250 participants, sur l’avenir des hôpitaux.
On est arrivé à des conclusions fondamentales, je me souviens, sur la contribution des hôpitaux à l’économie locale, sur la manière dont les hôpitaux peuvent renforcer les soins en milieu rural, sur la transformation et sur le changement climatique. Merci beaucoup, docteur Teymur Musayev, pour votre leadership. En fin de compte, nous réussirons seulement s’il existe un lien fort entre les responsables politiques et ceux de la santé publique.
C’est pourquoi je tiens vraiment à remercier la France d’avoir collaboré avec nous à la préparation du Deuxième Cours européen de l’OMS sur le leadership en santé publique, conjointement avec l’École de santé publique de Bordeaux. Merci beaucoup. Nous avons commencé le cours avec l’Institut national de la santé italien à Rome – grazie mille. C’était le premier cours destiné à former des professionnels de la santé publique aux nouvelles compétences nécessaires pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
L’une de ces compétences porte sur la diplomatie mondiale de la santé. Récemment, notre Représentation de l’OMS à Bruxelles a organisé le premier dialogue de haut niveau de l’OMS sur cette thématique. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous devons certes être des scientifiques, mais aussi des maîtres dans ce que j’appelle la chorégraphie délicate des négociations politiques, pour savoir quelle porte doit être ouverte et à quel moment pour placer la santé au cœur des discussions politiques.
Enfin, en raison de la grande diversité des pays de notre Région, le mode de fonctionnement sous-régional reste très important. Et ici, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à vous, mon cher ami, le docteur Jean-Claude Schmit, directeur général de la santé du Luxembourg, et à la ministre Paulette Lenert, pour avoir accueilli la fantastique Neuvième Réunion de haut niveau de l’Initiative des petits États dans la magnifique ville de Luxembourg, qui a pour la première fois réuni des ministres du Bhoutan, des Seychelles, de la Barbade, de la Macédoine du Nord et de la République de Moldova. Merci beaucoup, Jean-Claude.
Une population résiliente
Le troisième pilier, et peut-être le plus important pour instaurer une Région européenne de l’OMS résiliente, est celui des populations résilientes. De quoi avons-nous besoin pour cela ? Premièrement, la paix. Deuxièmement, l’équité. Troisièmement, la participation sociale.
Premièrement, la paix. La paix, chers amis, est une condition préalable absolue pour la résilience mentale et physique. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance évalue à environ 1,5 million le nombre d’enfants en Ukraine à haut risque de dépression, d’anxiété, de stress post-traumatique et d’autres problèmes de santé mentale aux incidences potentiellement durables.
Selon une estimation récente des médias, plus de 20 000 personnes amputées auraient actuellement besoin d’une prothèse – une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon des partenaires, un nouveau traumatisme médullaire serait signalé quotidiennement – hier, aujourd’hui, demain. À ce jour, l’OMS a officiellement certifié 1 300 attaques contre les soins de santé en Ukraine, 8 en Israël, 62 à Gaza.
Chers amis, que s’est-il passé ? Je croyais que nous étions tous engagés en faveur de la santé pour tous. En tant que médecin, j’ai aussi grandi dans une famille de médecins et d’infirmiers, convaincu que toutes les personnes en blouse blanche sont intouchables. Comment pouvons-nous tuer nos médecins et nos personnels infirmiers ? Comment pouvons-nous bombarder des hôpitaux ? Il ne peut y avoir de santé sans personnels de santé. Le personnel de santé est la pépite de notre système de santé et de notre société.
Il n’y a pas de santé sans paix. Il n’y a pas de paix sans santé. Le remède le plus important dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est la paix.
Deuxièmement, l’équité. Pourquoi parle-t-on de permacrise ? Chers amis, cela signifie que toutes ces crises sont en réalité interconnectées. Elles se chevauchent, elles brouillent les divisions artificielles que nous avons tendance à établir entre les maladies non transmissibles, les maladies transmissibles, l’environnement et la santé, et la crise sanitaire d’un pays par rapport à celle d’autres pays.
L’expérience des quatre dernières années rend tragiquement simple de prédire qui mourra en premier lorsque la prochaine crise se profilera à l’horizon :
- les personnes les plus dépourvues de pouvoir et de ressources dans la société ;
- les personnes disposant du capital de santé le plus faible – les plus jeunes, les plus âgés et, dans certaines sociétés, les femmes ;
- les personnes souffrant d’affections chroniques préexistantes.
En Italie, parmi les patients atteints de COVID-19 décédés à l’hôpital, les deux tiers étaient hypertendus, un tiers était atteint de diabète de type 2. En Espagne, parmi les patients atteints de COVID-19 présentant les manifestations cliniques les plus graves, plus de 40 % souffraient d’une maladie cardiovasculaire.
Ce n’est que lorsque chacun, partout dans notre belle Région, aura un accès équitable au même niveau de connaissances et de ressources, que nous pourrons instaurer une société résiliente, capable de rebondir plus fort après une crise.
Notre objectif devrait donc être de collaborer avec tous les autres secteurs pour veiller à ce que chaque citoyen ou migrant, indépendamment de son statut socioéconomique, de son orientation sexuelle, de son origine ethnique, ait le même accès à un logement sécurisé, à une alimentation nutritive, à l’éducation, à des soins de santé abordables et à une sécurité sociale, en particulier lors des situations d’urgence. C’est là que la participation sociale va de pair avec l’économie du bien-être.
Troisièmement, la participation sociale. Ce que nous devons faire, c’est mettre en place des programmes et des politiques qui favorisent la participation des populations et qui encouragent une culture de citoyenneté éclairée et active en autonomisant les individus et les communautés de notre Région, que ce soit par le biais de la promotion de la santé, de l’éducation à la santé, de la littératie en santé, ou des connaissances comportementales et culturelles. Ce n’est qu’alors que nous instaurerons une société résiliente.
Je me souviens de mon rêve lorsque je me suis rendu il y a quatre ans dans tous les pays pour faire campagne. Je vous ai fait part de mon rêve, à savoir une Région avec une culture de la santé où tout le monde est habilité à prendre des décisions pour un mode de vie sain.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Nous connaissons tous les nombreux bénéfices de l’activité physique régulière. Celle-ci améliore le développement cognitif, les compétences motrices, l’estime de soi et l’intégration sociale des enfants et des adultes, et prévient le cancer du sein et du côlon ainsi que le diabète.
C’est pourquoi, en février, il était très important que je lance avec le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques notre rapport phare commun, « Step up! Tackling the burden of insufficient physical activity in Europe » [Un petit effort ! Allégeons le fardeau du manque d’activité physique en Europe].
Nous avons constaté, et c’est incroyable, que 1 adulte sur 2 dans notre Région ne s’adonne jamais à aucune forme d’activité physique. Si tous les adultes, et cette étude portait uniquement sur les 27 pays de l’Union européenne, suivaient les recommandations de l’OMS, c’est-à-dire 18 minutes d’activité physique modérée par jour, comme la marche ou, comme ils le font au Danemark, le vélo, nous pourrions éviter plus de 10 000 décès prématurés par an et économiser 8 milliards d’euros, soit 0,6 % des dépenses de santé.
Pour cela, nous avons besoin de leadership. Ici, je tiens à féliciter le docteur Azhar Giniyat qui nous montre toujours la voie de l’activité physique, et mon frère, le docteur Tedros, qui était également présent lors du défi « Walk the Talk : le challenge de la Santé pour tous », avec les étudiants, les encourageant également à être physiquement actifs.
Nous avons besoin de leadership, et en même temps, nous devons adopter une approche ascendante. Nous devons considérer les jeunes comme des partenaires égaux dans la prise de décisions en matière de santé et de bien-être. D’ailleurs, c’est avec fierté que, le 25 septembre, dans notre studio de télévision à Copenhague, nous avons lancé officiellement et pour la première fois le réseau Youth4Health. Le fait de collaborer avec eux constitue une pensée formidable. Nous n’avons jamais eu, d’ailleurs, dans l’histoire, une génération aussi nombreuse de jeunes dans le monde entier.
Permettez-moi de citer un exemple concret de Slovénie, de l’organisation non gouvernementale No Excuse Slovenia dirigée par des jeunes. Les jeunes se sont rendus dans les écoles, en se basant sur une approche de pairs à pairs, pour s’adresser aux élèves et les inciter à devenir des défenseurs actifs d’une politique plus stricte en matière de lutte antitabac, et pour cela, ils ont reçu le prix de la Journée mondiale sans tabac de l’OMS en 2019. Félicitations à la Slovénie.
Chers amis, je termine par un résumé. Beaucoup d’entre vous nous ont demandé d’instaurer la résilience dans notre Région. Pour cela, nous devons collaborer sur trois piliers.
- Nous devons travailler ensemble pour une gouvernance résiliente, c’est-à-dire une gouvernance participative qui s’aligne sur les processus mondiaux et qui, en fin de compte, permet de créer une OMS résiliente.
- Nous devons travailler ensemble pour des systèmes de santé résilients en gardant à l’esprit deux mots : confiance et transformation, avec les individus comme agents, les solutions numériques comme modulatrices, et les soins de santé primaires au centre, avec des hôpitaux adaptés aux besoins et un leadership politique et de santé publique solide.
- Enfin, nous devons travailler ensemble pour des populations résilientes. Ce dont nous avons besoin ici, avant tout, c’est la paix, et je le répète, la paix, pour protéger les civils et les personnels de santé en temps de guerre, et pour garantir que toutes les personnes en blouse blanche soient intouchables. Nous pouvons le faire. C’est l’histoire de notre Région.
C’est pourquoi je voudrais terminer par un magnifique proverbe du célèbre poète kazakh Abai en langue nationale kazakhe : Абыройлы адам адамзат үшін жұмыс істейді. Ou, en russe, Достойный трудится для человечества. Une personne digne travaille pour l’humanité.
Merci beaucoup. Rahmet!