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Les travailleuses de la santé et la COVID-19 au Kazakhstan : une étude révèle que des politiques sexospécifiques sont nécessaires depuis longtemps

26 janvier 2023
Communiqué de presse
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À l’échelle mondiale, les femmes représenteraient jusqu’à 70 % des personnels de santé ; elles apportent leur concours essentiel contre la pandémie de COVID-19, en première ligne.

Mais cette pandémie a infligé un lourd tribut moral et physique aux professionnels de la santé travaillant en première ligne, en raison des heures de travail prolongées, de l’isolement par rapport à leur famille, de la stigmatisation par la société, de l’exposition directe et prolongée au virus et de nombreux autres facteurs.  Ce travail dans des conditions aussi extrêmes a souvent aggravé les problèmes existant au sein des systèmes de santé, notamment l’inégalité entre les sexes.

Un projet de recherche d’un an commencé en août 2020 visait à examiner comment l’identité de genre affecte le travail et la vie des soignantes en première ligne durant la pandémie de COVID-19 au Kazakhstan. Cette étude a révélé que les femmes faisaient état d’un épuisement émotionnel plus important en raison de la double charge des responsabilités ménagères et d’un nombre d’heures de travail plus élevé par semaine, et qu’elles étaient confrontées à d’autres facteurs sociaux qui nuisaient à leur qualité de vie.

Objectifs et méthodologie de la recherche

Cette étude transversale a été conçue pour tenter de comprendre dans quelle mesure la perception de la sécurité, du bien-être et des moyens d’existence varie en fonction du genre et de la profession exercée par les agents de santé qui travaillent en hôpital et s’occupent de patients atteints de COVID-19 au Kazakhstan.

Dans le cadre de l’étude, on a également analysé dans quelle mesure les réalités de la pandémie, ainsi que les différences de genre et de profession, influencent la durée des heures de travail ; la sécurité au travail (notamment la fourniture d’équipements de protection individuelle (EPI), la formation et la présence d’infrastructures d’isolement) ; l’équilibre travail-vie privée et la charge des soins non rémunérés ; l’infection par le virus de la COVID-19 et le rétablissement tels que notifiés par la personne ; l’épuisement émotionnel ; et l’exposition à la violence sur le lieu de travail et au sein du foyer.

Pour recueillir les données, les chercheurs ont recouru à un questionnaire électronique quantitatif. Ensuite, ils ont appliqué une stratégie d’échantillonnage stratifié, proportionnel et aléatoire, avec des strates en fonction du genre et de la profession, pour constituer une population d’étude parmi les agents de santé de première ligne à différents échelons, au sein d’hôpitaux consacrés à la lutte contre la COVID-19, et ce dans tout le Kazakhstan. Pour obtenir les résultats de l’étude, on s’est appuyé sur 433 questionnaires au total.

Ce projet de recherche a été conçu et mis en œuvre grâce à une collaboration entre le bureau de pays de l’OMS au Kazakhstan, l’université de médecine d’Astana et Fjelltopp (une entreprise sociale d’analyse de données), avec l’accord du ministère kazakh de la Santé. L’étude a bénéficié d’un financement du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas.

Résultats de la recherche

Les personnels de santé de première ligne, surtout les docteurs en médecine, ont effectué de plus longues heures de travail pendant la pandémie, sans différences de genre. L’augmentation moyenne était de 8 heures par semaine, avec une hausse supplémentaire de 5 heures par semaine au plus fort de la crise épidémiologique. Il n’y a eu aucune différence fondée sur le genre pour l’accès à des EPI ou à des formations. Cependant, les femmes étaient nettement moins susceptibles d’utiliser des lieux d’isolement lorsqu’elles travaillaient en première ligne, et ce en raison de leurs responsabilités au sein de leur ménage.

Tant avant que durant la pandémie, les femmes ont signalé qu’elles supportaient plus de responsabilités au sein du ménage que les hommes, mais les deux sexes ont mentionné qu’ils s’étaient délestés d’importantes responsabilités pour travailler en première ligne. Ceux et celles qui ont signalé de leur propre initiative avoir eu un test positif pour le SRAS-CoV-2 étaient plus susceptibles de travailler de plus longues heures par semaine, de donner une moins bonne cote aux EPI et de présenter un degré d’épuisement émotionnel plus important ; aucune différence n’a été observée selon le genre.

Les femmes ont signalé un épuisement émotionnel profond que les hommes. Les facteurs étaient à la fois les responsabilités ménagères et de plus longues heures de travail par semaine. Selon le docteur Laura Vremis,  principale autrice du rapport, « la différence de niveau d’épuisement émotionnel en fonction du genre pourrait peut-être s’expliquer par le fait que le fardeau d’un travail en première ligne s’est ajouté aux responsabilités des travailleuses de la santé dans leur ménage. Ces responsabilités, à leur tour, ont été encore alourdies par la pandémie. Au Kazakhstan, comme dans de nombreux autres pays, cette dernière [responsabilité] incombe aux femmes, à leur détriment.

L’étude a également montré que la violence sur le lieu de travail reste un problème. Les cas de violence les plus fréquents étaient le fait de patients et de parents de ces derniers. Quoique la majorité des répondants aient affirmé n’avoir jamais subi aucune forme de violence, ceux qui ont signalé en avoir été victime ont souligné l’augmentation significative des cas de violence psychologique et physique pendant la pandémie.

« Cette étude montre la nécessité de renforcer les mesures de protection généralisées des personnels de santé face à l’aggravation de la situation épidémiologique », déclare le docteur Zhanar Kalmakova, présidente faisant fonction du conseil d’administration du Centre national de santé publique.

Sur la base des conclusions de l’étude, un certain nombre de recommandations ont été proposées pour tenter de résoudre les problèmes liés au genre, notamment – mais pas exclusivement – l’optimisation des horaires de travail pour les personnes ayant la charge d’autrui, le renforcement et le suivi des programmes de prévention et de maîtrise des infections, l’amélioration des politiques et protocoles concernant la violence sur le lieu de travail, le suivi et la prise en charge de l’épuisement émotionnel, le renforcement du soutien à la santé mentale et la gestion des facteurs de risque accrus de violences en situation d’urgence de santé publique.