En Espagne, une puissante campagne ouvre la voie à l’interdiction de fumer sur les plages, une initiative qui n’est pas seulement motivée par des considérations sanitaires, mais aussi environnementales. En effet, une cigarette continue à causer des dommages longtemps après qu’elle est éteinte sous la forme de mégots non biodégradables, dont des millions de kilos sont jetés chaque année.
En Espagne, où près d’un adulte et d’un adolescent sur 5 s’adonne au tabagisme (18 % des adultes ont consommé du tabac en 2020 et 21 % des adolescents âgés de 15 à 16 ans ont consommé des cigarettes en 2019), l’impact sanitaire, économique et environnemental de l’usage du tabac est considérable. Alors que l’Espagne fait partie des quelques pays de la Région européenne de l’OMS interdisant le tabagisme dans tous les lieux publics intérieurs, les défenseurs de la santé et les responsables politiques ouvrent la voie à l’extension des zones sans fumée aux espaces extérieurs, notamment les plages ensoleillées du pays.
Derrière cette avancée, on trouve une organisation espagnole baptisée Nofumadores.org regroupant des passionnés de tous les coins de l’Espagne qui luttent pour leur droit de vivre dans un pays sans tabac ni nicotine.
En 2018, Nofumadores.org a lancé une pétition plaidant en faveur de plages sans fumée dans tout le pays. Bien que cette pétition n’ait été diffusée que par les réseaux de l’organisation et sur les médias sociaux, elle a recueilli 107 000 signatures en 2 semaines. Il est clairement apparu que cette mesure bénéficiait d’un grand soutien au sein de la population espagnole.
Rien d’étonnant à cela : les avantages de l’interdiction de fumer sur les plages sont considérables. Cette interdiction contribue non seulement à réduire l’exposition à la fumée de tabac secondaire, qui est à l’origine de plus de 1,2 million de décès prématurés par an à l’échelle mondiale, mais elle permet également de réduire les déchets, de prévenir les dommages causés à l’environnement par les mégots et d’améliorer le confort.
« On nous a félicités pour la proposition, et on nous a dit que cette campagne aide le ministère à mettre en œuvre ce type de mesures, car les responsables politiques ont besoin du soutien social pour changer les lois », explique Raquel Fernández Megina, présidente de Nofumadores.org. « On nous a principalement dit : faites du bruit. Aidez-nous à vous aider. » En mars 2022, la pétition comptait plus de 331 000 signatures, et ce n’est pas fini.
Bien que la première plage d’Espagne se soit déclarée sans fumée en 2006, le pays ne comptait que 91 plages (3 %) sans fumée en 2018. Après les campagnes menées dans toute l’Espagne par les défenseurs de la lutte antitabac, ce nombre est cependant passé à 525 en 2021, soit 17,5 %. Pour la plupart de ces plages, l’interdiction n’a jusqu’à présent qu’un but informatif car elle n’est assortie d’aucune amende. Or, une nouvelle loi écologique vient d’être adoptée par le Congrès et le Sénat espagnols, une loi d’ailleurs approuvée le 4 avril. Elle comprend une clause qui permet aux autorités locales d’imposer une amende pouvant atteindre 2 000 euros aux personnes fumant sur les plages. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une interdiction complète, cette mesure essentielle permettra aux autorités locales de réglementer le tabagisme en bord de mer. Au nom de la transition écologique et de l’économie circulaire, la loi devrait entrer en vigueur en juillet 2022, et son application contribuera à l’instauration d’environnements sans fumée sur les plages tout en y apportant un soutien définitif.
Un mouvement mondial pour arrêter de fumer à l’extérieur
Les mesures visant à interdire de fumer à l’extérieur sont de plus en plus répandues dans le monde grâce au travail acharné des acteurs de la lutte antitabac. Reconnaissant les méfaits occasionnés par le tabac à l’environnement naturel et à autrui, les interdictions de fumer sur les plages gagnent également du terrain en Italie, aux États-Unis d’Amérique et en Australie.
« L’un de nos objectifs est d’augmenter le nombre de zones sans fumée à l’extérieur », explique Raquel. « Les plages étaient un bon point de départ car nous savions que nous pouvions compter sur le soutien des mouvements écologistes qui commençaient à devenir assez influents, notamment chez les jeunes. » Nous avons également pu compter sur le soutien de familles fatiguées de voir leurs enfants jouer avec les mégots de cigarette qu’ils trouvaient dans le sable à la plage. »
L’une des principales motivations de Nofumadores.org est de veiller à ce que l’industrie du tabac soit tenue pour responsable, ce qui a nécessité un travail considérable auprès des législateurs. L’organisation milite pour une Espagne sans tabac d’ici 2030, et applique les principes de la feuille de route sur la fin du tabac (ENDGAME) qui comprend une série de mesures visant à protéger le droit à la santé des citoyens espagnols, conformément aux obligations du gouvernement au titre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac.
Raquel était convaincue que les conseils municipaux et le secteur du tourisme soutiendraient cette initiative. « Les municipalités espagnoles encourageaient déjà tout un ensemble d’initiatives visant à interdire de fumer sur les plages, conscientes également que cela réduirait leurs coûts de nettoyage des plages », explique-t-elle. « Si l’on ajoute à cela le fait que l’Espagne possède près de 8 000 km de côtes avec plus de 3 000 plages et que le pays est dépendant du tourisme, vous comprenez pourquoi il est important que les plages espagnoles soient impeccables. On était certain que personne ou qu’aucune organisation ne s’opposerait directement à une telle mesure. Et on a eu raison ! »
Raquel s’adresse aux responsables politiques et aux défenseurs de la lutte antitabac : « l’industrie du tabac a toujours eu le droit d’empoisonner nos océans et de brûler nos forêts. Maintenant, c’est fini. Nos politiciens ont le devoir de mettre fin à cette situation en adoptant des lois qui défendent à la fois l’environnement et la santé publique dans les espaces publics extérieurs. »
Elle est catégorique à cet égard : ces mesures sont importantes pour la santé publique, et rencontrent l’adhésion du public. « La population exige fortement ce type de mesures, les responsables politiques ne doivent donc pas avoir peur de les approuver car elles bénéficieront toujours d’un large soutien du public », explique-t-elle. « En outre, l’industrie du tabac, qui est la principale responsable de la pollution, doit prendre en charge les coûts engendrés par les opérations de nettoyage. Elle ne peut pas s’en tirer en apposant simplement un pictogramme sur ses emballages, et en faisant porter la responsabilité de la pollution causée par ses produits au consommateur final. »
« Nous le faisons pour les générations actuelles et à venir », ajoute Raquel. « Notre société se réveille enfin, capable de priver l’industrie du tabac de cet horrible droit de polluer. Cela prouve qu’on peut être très efficace tant qu’on y croit, et si l’on est disposé à y investir de son temps, de sa passion et de ses efforts, même avec très peu de ressources. »