Monsieur Ahmed Robleh Abdilleh, Ministre de la santé de Djibouti et Président de la Soixante‑Quinzième Assemblée mondiale de la Santé, Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres et les chefs de délégation, chers collègues et amis,

Hier, j’ai présenté mes observations sur le thème de la santé pour la paix et de la paix pour la santé, dont les États Membres discuteront lors du débat général. Je voudrais commencer aujourd’hui par un regard en arrière, sur le chemin parcouru au cours des cinq dernières années.

Vous m’avez élu il y a cinq petites années, avec un programme ambitieux pour la couverture sanitaire universelle ; les situations d’urgence sanitaire ; la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent ; les effets des changements climatiques et environnementaux sur la santé ; et une OMS transformée. Ces priorités ont évolué vers le treizième programme général de travail et les cibles du « triple milliard », que l’Assemblée de la Santé a adoptés en 2018.

Le rapport sur les résultats de l’OMS pour 2020-2021 présente de manière détaillée et interactive notre travail consacré à chacune des cibles du « triple milliard » au cours des deux dernières années. Je vous en recommande la lecture. Mais je veux aussi réfléchir à tout ce que nous avons accompli ensemble au cours des cinq dernières années.

Mesurer les progrès réalisés n’est pas toujours aisé ni rapide. Mais de manière modeste ou importante, visible ou non, je suis fier de dire que cette Organisation fait la différence.

Permettez-moi de commencer par les efforts que nous avons déployés pour qu’un milliard de personnes bénéficient d’une meilleure santé et d’un plus grand bien-être. Selon nos prévisions, nous atteindrons quasiment cette cible d’ici à 2023, mais ces progrès ne représentent qu’un quart environ de ce qui est nécessaire pour atteindre les cibles fixées dans les objectifs de développement durable.

Il y a cependant des tendances encourageantes et des succès à célébrer. En s’attaquant aux facteurs de risque des maladies non transmissibles, de nombreux pays font des progrès, notamment en réduisant l’utilisation de produits nocifs pour la santé.

Le tabagisme continue de reculer. Depuis 2018, le nombre de pays en voie d’atteindre la cible d’une réduction de 30 % de la consommation de tabac entre 2010 et 2025 a presque doublé, passant de 32 à 60 pays.

Nous constatons également des progrès encourageants vers notre objectif d’éliminer les acides gras trans produits industriellement de l’alimentation mondiale d’ici à 2023. Depuis que nous avons lancé notre initiative REPLACE en 2018, des politiques contraignantes interdisant l’utilisation d’acides gras trans produits industriellement ont été introduites dans 58 pays, représentant 40 % de la population mondiale.

Et au cours des cinq dernières années, plus des deux tiers des États Membres ont introduit ou augmenté les droits d’accise sur au moins un produit nocif pour la santé, tel que le tabac, l’alcool ou les boissons sucrées.

Dans le même temps, l’OMS a aidé les pays à créer un environnement et des conditions de vie propices à la santé. Lors de la 26e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) l’année dernière, plus de 50 pays ont convenu de prendre des mesures concrètes pour construire des systèmes de santé résilients face aux changements climatiques et à faibles émissions de carbone. Nous avons publié de nouvelles lignes directrices sur la pollution atmosphérique, établissant de nouvelles limites pour la qualité de l’air fondées sur des données de plus en plus nombreuses attestant des effets nocifs pour la santé de la pollution atmosphérique à des concentrations encore plus faibles qu’on ne le pensait auparavant.

Soixante et onze pays utilisent désormais les outils ou les lignes directrices de l’OMS sur la réponse sanitaire à la violence à l’égard des femmes. Le nombre de décès dus aux accidents de la route s’est stabilisé, malgré une augmentation continue du nombre de voitures. Et le Réseau mondial des villes et des communautés amies des aînés a été étendu, aidant plus de 1300 villes dans 52 pays à devenir des lieux où l’on peut mieux vivre et vieillir.

Passons maintenant aux efforts que nous avons déployés pour qu’un milliard de personnes supplémentaires bénéficient de la couverture sanitaire universelle d’ici à 2023.

Nous sommes très en retard, et les progrès réalisés représentent moins d’un quart de ce qui est nécessaire pour atteindre la cible du milliard. Avant même la pandémie, nous estimions que seules 270 millions de personnes supplémentaires seraient couvertes d’ici à 2023 – un déficit de 730 millions de personnes par rapport à la cible d’un milliard. Les perturbations des services de santé pendant la pandémie nous ont fait reculer, et nous estimons que le déficit pourrait atteindre 840 millions.

Néanmoins, nous pouvons être fiers des nombreux résultats obtenus au cours des cinq dernières années dans le cadre de notre action visant à renforcer les systèmes de santé et à lutter contre les maladies transmissibles et non transmissibles.

Sur le plan politique, deux engagements majeurs ont été pris : la Déclaration d’Astana sur les soins de santé primaires en 2018 et la Déclaration politique issue de la réunion de haut niveau sur la couverture sanitaire universelle à l’Assemblée générale des Nations Unies en 2019.

Le Programme spécial de l’OMS sur les soins de santé primaires apporte désormais son appui à 115 pays, contre 30 il y a cinq ans. Depuis 2015, 95 % de ces pays ont progressé vers une meilleure couverture des services.

Nous avons également constaté des tendances encourageantes dans notre travail visant à renforcer les personnels de santé dans le monde. Entre 2013 et 2020, le nombre d’agents de santé a augmenté de 29 % à l’échelle mondiale. Auparavant, nous prévoyions une pénurie mondiale de 18 millions d’agents de santé d’ici à 2030. Elle est maintenant réduite à 15 millions, mais il s’agit toujours d’une pénurie massive.

Au cours des cinq dernières années, nous avons également réalisé des progrès importants dans l’amélioration de l’accès aux médicaments et autres produits de santé essentiels. Nous avons préqualifié 53 vaccins, 50 produits de diagnostic in vitro et 288 médicaments, y compris de nouveaux traitements importants contre le VIH, l’hépatite, la tuberculose, le paludisme, les maladies tropicales négligées et la COVID-19. Nous avons également préqualifié deux médicaments biosimilaires contre le cancer et lancé un programme pilote pour préqualifier l’insuline humaine, afin de rendre ces traitements vitaux mais coûteux plus abordables et accessibles.

Pendant la pandémie, nous avons octroyé une autorisation d’utilisation d’urgence pour 12 vaccins contre la COVID-19 et 28 produits de diagnostic in vitro. Dans les 15 jours suivant l’autorisation d’utilisation d’urgence des vaccins, 101 pays ont émis leur propre autorisation réglementaire, illustrant le poids que ces pays accordent à l’aval donné par l’OMS.

Nous avons évalué les systèmes de réglementation dans 80 pays et accompagné 10 nouveaux pays dans l’obtention de niveaux réglementaires plus élevés, dont quatre en Afrique : l’Égypte, le Ghana, le Nigéria et la Tanzanie.

Sachant que près de 90 % des États Membres font état du recours à la médecine traditionnelle, nous avons créé le mois dernier en Inde le Centre mondial pour la médecine traditionnelle, afin de créer un corpus fiable d’éléments probants et de données sur les pratiques et les produits utilisés par des millions de personnes.

En ce qui concerne les maladies transmissibles, les lignes directrices de l’OMS ont permis des progrès importants en matière de dépistage et de traitement de l’infection à VIH, ce qui s’est traduit par une baisse de 32 % de la mortalité due au VIH depuis 2016. Nous avons validé l’élimination de la transmission mère-enfant du VIH et/ou de la syphilis dans 15 pays.

La cible des objectifs de développement durable relative à l’hépatite B a été atteinte et, depuis 2015, le nombre de personnes ayant reçu un traitement contre l’hépatite C a été multiplié par neuf pour atteindre 9,4 millions, ce qui a permis d’inverser pour la première fois la tendance à l’augmentation de la mortalité.

Pour ce qui est de la tuberculose, 33 pays ont atteint depuis 2015 l’objectif de réduction de 35 % des décès dus à la tuberculose, et la réduction de l’incidence a atteint 20 % dans 86 pays. Depuis 2012, neuf pays supplémentaires ont été certifiés exempts de paludisme et les cas dans le bassin du Mékong ont chuté de près de 90 %.

En outre, pour la première fois, nous disposons d’un vaccin contre le paludisme. Plus d’un million d’enfants du Ghana, du Kenya et du Malawi ont maintenant reçu au moins une dose. L’utilisation généralisée de ce vaccin, conformément à la recommandation formulée par l’OMS l’an dernier, pourrait sauver chaque année des dizaines de milliers d’enfants, en particulier en Afrique.

Au cours des cinq dernières années, 14 pays et territoires supplémentaires ont éliminé au moins une maladie tropicale négligée. Les cas de trypanosomiase africaine ont chuté de 90 % en 10 ans. Seuls 15 cas de dracunculose ont été signalés l’an dernier, contre 3,5 millions au milieu des années 1980. Le nombre de cas signalés depuis le début de cette année est de deux seulement.

Nous touchons du doigt notre rêve d’un monde sans poliomyélite, avec quatre cas de poliovirus sauvage signalés depuis le début de l’année en Afghanistan et au Pakistan – bien que les deux nouveaux cas détectés au Malawi et au Mozambique constituent un revers.

Depuis 2017, l’OMS et ses partenaires de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite ont fourni gratuitement 1,4 milliard de doses de vaccin antipoliomyélitique aux États Membres. Nos investissements dans la poliomyélite ne disparaîtront pas lorsque la poliomyélite aura été éradiquée. L’infrastructure et le savoir-faire que nous avons accumulés sont déjà mis à profit pour la fourniture d’autres vaccins et la prestation d’autres services de santé, y compris dans le cadre de la pandémie de COVID-19.

Et puis nous avons fait des progrès significatifs en matière de lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Un leadership politique de haut niveau est essentiel pour faire face à la menace de la résistance aux antimicrobiens. Voilà pourquoi nous avons créé le Groupe de direction mondial sur la résistance aux antimicrobiens, présidé par Mme Mia Mottley, Première Ministre de la Barbade, et Mme Sheikh Hasina, Première Ministre du Bangladesh.

Grâce au Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et de l’usage des antimicrobiens (GLASS) de l’OMS, trois fois plus de pays recueillent et partagent des données sur la résistance aux antimicrobiens, et le nombre d’échantillons collectés et analysés à l’échelle mondiale a été multiplié par six.

Un Fonds multipartenaires contre la résistance aux antimicrobiens a été créé ; il accompagne maintenant 11 pays dans la mise en œuvre de leurs plans d’action nationaux. De plus, en 2020, le Fonds d’action contre la résistance aux antimicrobiens a été mis sur pied dans le but de surmonter les obstacles d’ordre financier empêchant la mise au point d’antibiotiques. Cette année, il a réalisé ses premiers investissements visant à mettre au point deux médicaments antibactériens.

Pour ce qui est des maladies non transmissibles, ces cinq dernières années, l’OMS a aidé 36 pays à intégrer des services de prévention, de détection et de traitement des maladies non transmissibles dans les programmes de soins de santé primaires, et a apporté son soutien à 25 pays dans le domaine des services de réadaptation.

Plus de trois millions de personnes dans 18 pays ont maintenant accès à un traitement contre l’hypertension grâce à l’utilisation croissante de l’ensemble d’interventions HEARTS de l’OMS. Plus de 30 pays ont élaboré des politiques ou des programmes visant à améliorer l’accès à la prise en charge du cancer chez l’enfant. Nous avons aidé plus de 40 pays à introduire pour la première fois un vaccin contre le papillomavirus humain (PVH) dans le cadre de l’initiative pour l’élimination du cancer du col de l’utérus. En outre, nous avons apporté à 31 pays supplémentaires un appui en vue de l’intégration des services de santé mentale dans les soins de santé primaires. La survie de l’enfant s’est considérablement améliorée ces 20 dernières années, mais il n’en reste pas moins que 54 pays ont pris du retard dans la réalisation des cibles des objectifs de développement durable relatives à la survie de l’enfant.

Passons maintenant à nos travaux en matière de situations d’urgence. Il ne fait aucun doute que le monde n’était pas prêt à affronter une pandémie, et qu’il ne l’est toujours pas.

Tous les mois, l’OMS traite plus de 9 millions d’informations, passe en revue 43 000 signaux, examine 4500 événements, et en vérifie en moyenne une trentaine. Au cours des cinq dernières années, l’OMS est intervenue dans le cadre de plus de 120 situations d’urgence – cyclones, éruptions volcaniques, séismes, épidémies, guerres – et a lutté contre une pandémie. Certaines de ces situations d’urgence ne durent que quelques mois ; d’autres se prolongent pendant des années. Au moment où nous parlons, mes collègues sont à pied d’œuvre dans le cadre de 50 situations d’urgence dans le monde. Souvent, l’OMS est la première à arriver et la dernière à partir.

Depuis 2017, en collaboration avec des partenaires, nous avons expédié dans le monde entier des fournitures médicales pour un montant supérieur à 1,6 milliard USD pour appuyer les chaînes d’approvisionnement essentielles lors des urgences sanitaires. Les activités du pôle logistique de l’OMS à Dubaï ont été multipliées par 10.

Grâce au Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 (Accélérateur ACT), l’OMS et ses partenaires ont fourni plus de 1,5 milliard de doses de vaccin, ce qui a permis à 40 pays de commencer leurs campagnes de vaccination contre la COVID-19 ; en outre, 159 millions de tests et des traitements pour un montant de 222 millions USD ont également été distribués.

Pour la première fois, nous avons créé une Division Préparation aux situations d’urgence, qui a aidé les pays à se préparer à des milliers de rassemblements de masse, par exemple les Jeux olympiques d’été et d’hiver, la COP26 et l’Expo de Dubaï.

Nous avons introduit l’examen universel de l’état de santé et de préparation, qui a maintenant été testé avec succès dans quatre États Membres : la République centrafricaine, l’Iraq, le Portugal et la Thaïlande, avec le soutien de 21 autres États Membres.

Et pas plus tard que l’année dernière, nous avons créé la Division Information, veille et systèmes de surveillance pour les urgences sanitaires, laquelle a mis sur pied le Centre d’information de l’OMS sur les pandémies et les épidémies, qui opère depuis Berlin. Ces nouvelles activités s’appuieront sur nos travaux existants en exploitant les technologies de pointe et les innovations en science des données, et en favorisant un partage plus large des données et de l’information entre les pays grâce à une approche de « veille collaborative ».

Le Secrétariat reste déterminé à apporter son soutien à tous les États Membres sur les plans technique, opérationnel et logistique afin de poursuivre la lutte contre cette pandémie et de se préparer aux urgences sanitaires à venir.

Toutes ces réalisations, qui concernent l’ensemble des cibles du triple milliard, ont bénéficié du soutien de la Division des sciences et de la Division Données, analyse et résultologie, créées en 2019.

La Division des sciences a appuyé l’élaboration de centaines de lignes directrices et d’autres produits normatifs. Pendant la pandémie, l’OMS a introduit une approche fondée sur des « orientations évolutives », qui a réduit le délai moyen de production des orientations de pas moins de neuf mois à seulement cinq semaines. L’OMS a également mis en place le programme de transfert de technologie sur les vaccins à ARNm en Afrique du Sud pour aider les pays à renforcer leurs capacités de fabrication au niveau local, en s’appuyant sur des technologies de pointe.

La Division Données, analyse et résultologie a accompagné les pays afin qu’ils améliorent leurs systèmes de données grâce au module technique SCORE de l’OMS et aux données consolidées du Centre mondial de données sanitaires.

L’année dernière, nous avons donné le coup d’envoi de l’Académie de l’OMS à Lyon. L’Académie propose déjà plusieurs cours de formation, qui suscitent un vif intérêt. Par exemple, le programme de prise en charge de victimes en grand nombre est proposé dans 14 pays et a déjà bénéficié à plus d’une centaine d’hôpitaux.

Le Plan d’action mondial pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien‑être de tous a permis de renforcer la collaboration entre 13 organismes multilatéraux sur les soins de santé primaires et d’autres domaines dans plus de 50 pays.

Toutes ces réalisations reposent sur la transformation que nous avons conduite ensemble depuis cinq ans. Il y a eu de nombreux appels à changer l’OMS. Et il ne fait aucun doute que de nouvelles évolutions sont nécessaires. Mais notre Organisation a changé et continue à changer, ce dont témoigne l’introduction du concept d’amélioration continue.

Nous avons élaboré une nouvelle stratégie, qui donne la priorité aux résultats et non plus aux produits ; de nouveaux processus pour nous rendre plus efficaces, efficients et agiles ; un nouveau modèle opérationnel, passant d’une organisation fragmentée à une organisation plus intégrée, alignée et agile ; une nouvelle approche des partenariats, passant de l’aversion pour le risque à la gestion du risque ; une nouvelle approche du financement, vers plus de durabilité et de prévisibilité ; et une nouvelle culture, fondée sur des valeurs communes de service, de professionnalisme, d’intégrité, de collaboration et de compassion. La pandémie a mis notre transformation à l’épreuve. Elle a montré la valeur des changements que nous avons apportés et les domaines dans lesquels nous devons continuer à nous améliorer.

Nous avons encore du travail à faire pour obtenir les résultats, l’efficacité, la responsabilisation et la transparence que vous, États Membres, attendez – y compris en tant qu’Organisation qui ne tolère en aucun cas l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels, ni l’inaction à leur encontre.

Je présente régulièrement aux États Membres des mises à jour complètes sur nos activités en matière de prévention de l’exploitation, des abus et du harcèlement sexuels et des mesures destinées à y remédier, et un rapport détaillé sur notre Plan de lutte de l’administration figure dans mon rapport à cette Assemblée. Soyez assurés de mon engagement personnel total sur cette question. Nous sommes en train de procéder à des changements de grande envergure au sein de notre Organisation, dont vous entendrez parler plus en détail dans mon rapport sur cette question plus tard dans la semaine.

Rétrospectivement, nous avons accompli tant de choses ensemble au cours des cinq dernières années. Nous avons de nombreuses raisons d’être fiers. Mais les défis restent nombreux. Nous devons donc regarder le présent pour voir où nous en sommes aujourd’hui.

Comme je l’ai dit hier, la pandémie est loin d’être terminée. Et alors même que nous continuons à la combattre, nous devons rétablir les services de santé essentiels : 90 % des États Membres continuent de signaler des perturbations dans un ou plusieurs d’entre eux.

La vaccination est l’un des plus fréquemment cités. Le nombre d’enfants ne recevant aucune dose de vaccin DTC était resté quasiment stable jusqu’en 2020, année où il a bondi de plus de 25 %, nous ramenant au niveau de 2005.

Les progrès en matière de santé sexuelle et reproductive, y compris la mortalité maternelle, restent lents. Une femme sur trois subira des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. L’hypertension est responsable d’un tiers de l’ensemble des décès, mais seulement la moitié des cas sont diagnostiqués et moins de la moitié d’entre eux sont traités. La pandémie a entraîné une augmentation massive des cas de dépression (+28 %) et des troubles anxieux (+26 %) dans le monde.

Les décès dus au paludisme ont augmenté depuis 2015 et ceux dus à la tuberculose ont progressé l’année dernière pour la première fois en 10 ans. En 2020, le nombre de personnes recevant un traitement pour une maladie tropicale négligée a chuté de 25 % en raison des perturbations des services de santé causées par la pandémie.

Seuls 20 % des plans d’action nationaux sur la résistance aux antimicrobiens sont entièrement financés, pour la plupart dans les pays à revenu élevé. Depuis 2000, le nombre de personnes dans le monde qui rencontrent des difficultés financières en raison des dépenses de santé à leur charge s’est accru de 75 %, pour atteindre près de 2 milliards d’individus.

Les besoins de notre monde restent considérables et complexes. Mais aucune de ces difficultés n’est insurmontable. Pour chaque problème, il y a des solutions. Si l’on veut, on peut.

Alors, comment allons-nous utiliser ces solutions pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés et accélérer les progrès en vue des cibles du « triple milliard » et des objectifs de développement durable ?

Nous avons regardé le passé pour voir d’où nous partions ; nous avons regardé le présent pour voir où nous en sommes aujourd’hui. Permettez-moi maintenant de regarder vers l’avenir, vers l’objectif que je pense que nous devons atteindre au cours des cinq prochaines années.

Lors de la réunion du Bureau exécutif en janvier – dont je remercie le Président, le Dr Patrick Amoth – j’ai présenté mes cinq priorités pour les cinq prochaines années.

Depuis, le Secrétariat a précisé la manière dont nous allons agir avec les États Membres pour concrétiser ces priorités, que nous décrivons désormais comme suit :

Promouvoir la santé : en agissant sur les causes premières des maladies et en créant les conditions de la santé et du bien-être ;

Fournir des services de santé : en réorientant les systèmes de santé vers les soins de santé primaires, fondement de la couverture sanitaire universelle ;

Protéger la santé : en renforçant l’architecture mondiale en matière de préparation, de riposte et de résilience face aux urgences sanitaires ;

Démultiplier les progrès :en exploitant les possibilités offertes par la science, l’innovation et la recherche, les données et les technologies numériques ;

Et être efficace : en renforçant l’OMS pour qu’elle produise des résultats et qu’elle soit mieux à même de jouer son rôle directeur dans la santé mondiale.

Premièrement, promouvoir la santé. Pour concrétiser notre vision et atteindre le meilleur état de santé possible, il faut commencer non pas dans un centre de soins ou un hôpital, mais à l’école, dans la rue, au supermarché, au sein du foyer, dans nos quartiers.

Une grande partie du travail que vous accomplissez en tant que ministères de la santé consiste à traiter les conséquences d’une mauvaise alimentation, de la pollution, de l’insécurité sur les routes et sur le lieu de travail, du manque de connaissances en santé et de la commercialisation agressive de produits nocifs pour la santé. Nous devons négocier d’urgence un tournant majeur en faveur de la promotion de la santé et du bien-être et de la prévention des maladies par une action sur leurs causes premières.

Au niveau mondial, 3 % seulement des budgets de la santé sont consacrés à la promotion et à la prévention. Pourtant, un investissement accru dans ces domaines pourrait réduire de moitié la charge de morbidité mondiale et engendrer des bénéfices considérables pour les individus, les familles, les communautés et les nations. Nous appelons chaque gouvernement à placer la santé de sa population au centre de ses plans de développement et de croissance.

Au cours des cinq prochaines années, l’OMS s’engage à apporter son soutien à tous les États Membres afin qu’ils conduisent les transformations qui auront le plus grand impact, à savoir : décarboner le secteur de la santé ; mettre en application les normes sur la qualité de l’air ; réduire la dépendance à l’automobile et promouvoir les transports publics ; veiller à ce que tous les établissements de santé soient alimentés en électricité et aient accès à l’eau potable et à l’assainissement ; améliorer l’alimentation, la nutrition et la sécurité sanitaire des aliments et, plus particulièrement, enrayer la progression de l’obésité dans 24 pays très touchés par celle-ci, d’ici à 2025 ; et réduire la consommation de produits mauvais pour la santé.

La deuxième priorité consiste à fournir des services de santé en réorientant les systèmes de santé vers les soins de santé primaires, fondement de la couverture sanitaire universelle.

Aujourd’hui, dans la plupart des pays, les dépenses de santé sont déséquilibrées, car elles privilégient les soins secondaires et tertiaires. Ainsi, des sommes considérables sont consacrées à du matériel et des médicaments coûteux qui, souvent, ne produisent que des gains de santé limités. Or, 90 % des services de santé essentiels peuvent être assurés dans le cadre des soins de santé primaires et, d’après les estimations, les investissements dans ceux-ci pourraient permettre de gagner non moins de 6,7 années d’espérance de vie d’ici à 2030.

Nous devons réorienter radicalement nos efforts afin d’aller plus vite sur la voie de la couverture sanitaire universelle, et renforcer par conséquent fortement les investissements consacrés aux soins de santé primaires dans tous les pays, qu’ils soient à revenu élevé, intermédiaire ou faible. Nous avons pu constater que, partout dans le monde, c’est bien à ce niveau que se situent les faiblesses.

Nous appelons tous les États Membres à faire en sorte que l’accès aux soins n’entraîne jamais de difficultés financières – c’est là un point décisif. Le Secrétariat se propose ainsi, d’ici à 2025, d’apporter un appui à 25 pays afin d’empêcher que ces difficultés ne continuent de s’accroître sous l’effet des dépenses de santé directes.

La troisième priorité consiste à protéger la santé en renforçant l’architecture mondiale en matière de préparation, de riposte et de résilience face aux urgences sanitaires.

Afin de donner suite à la demande formulée par le Conseil exécutif, et en concertation avec les États Membres, le Secrétariat a préparé une proposition pour une architecture mondiale plus équitable, inclusive et cohérente. Cette proposition s’appuie sur la synthèse de plus de 300 recommandations issues des différents examens de la riposte mondiale à la pandémie. L’accord international que les États Membres sont en train de négocier fournira un cadre général vital. C’est dans ce contexte que nous formulons 10 recommandations dans trois domaines clés.

Tout d’abord, nous avons besoin d’une gouvernance qui soit cohérente, inclusive et permette de rendre compte de l’action menée. Deuxièmement, nous avons besoin de systèmes et d’outils plus solides pour prévenir les urgences sanitaires, les détecter et y répondre rapidement. Troisièmement, nous avons besoin d’un financement adéquat et efficient, aux niveau national et international.

Pour rendre ces propositions possibles, nous avons besoin d’une OMS plus forte, financée de façon plus durable, placée au cœur de l’architecture sanitaire mondiale. J’y reviendrai dans quelques instants. Le Secrétariat attend avec intérêt de connaître votre avis sur cette proposition d’architecture et, ce qui est plus important encore, se félicite de la mettre en place avec vous.

Notre quatrième priorité stratégique consiste à démultiplier les progrès en exploitant les possibilités offertes par la science, l’innovation et la recherche, les données et les technologies numériques.

Les progrès des sciences et de la recherche ne cessent de repousser les limites de l’inconnu et de l’impossible, d’améliorer notre compréhension des choses et d’ouvrir des possibilités nouvelles. Les innovations en matière de produits de santé et de prestations de services nous donnent l’espoir de pouvoir, demain, relever des défis qui nous semblaient autrefois insurmontables.

Les avancées des mégadonnées et de l’apprentissage automatique nous aident à mieux comprendre qui sont les laissés-pour-compte et là où les inégalités sont les plus criantes et à suivre les progrès vers nos cibles. Les technologies numériques recèlent un immense potentiel pour fournir des services de santé selon de nouvelles modalités, à davantage de personnes, en particulier dans les régions les plus isolées.

Pour aller plus vite sur la voie des cibles du triple milliard et des objectifs de développement durable, nous devons accélérer aussi le rythme d’adoption et de mise en œuvre des avancées scientifiques, des travaux de recherche, des innovations et des technologies numériques.

L’équité joue un rôle central : le progrès scientifiques et l’innovation ne sont jamais aussi remarquables que lorsqu’ils bénéficient d’abord aux plus défavorisés. Cela ne saurait être laissé au hasard, au bon vouloir de certains ou aux forces du marché. Pour les cinq prochaines années, le Secrétariat se propose de mettre en application à plus grande échelle au moins cinq innovations bénéficiant à au moins cinq millions de personnes.

Notre cinquième priorité est d’être plus efficace en renforçant l’OMS pour qu’elle produise des résultats et qu’elle soit mieux à même de jouer son rôle directeur dans la santé mondiale.

La pandémie a montré pourquoi le monde a besoin de l’OMS, mais aussi pourquoi il a besoin d’une OMS qui soit à la fois plus solide, dotée de moyens renforcés et plus durablement financée. Nombre d’entre vous l’ont dit mieux que moi, et je vous en remercie chaleureusement.

Je me félicite de la recommandation du Groupe de travail sur le financement durable de porter les contributions fixées à 50 % du budget de base au cours des 10 prochaines années. Je tiens, à cette occasion, à remercier Björn Kümmel pour son incroyable leadership, ainsi que tous les membres du bureau du Groupe de travail et l’ensemble des États Membres pour leur soutien.

Je me félicite également de la recommandation tendant à envisager un modèle de reconstitution des ressources, à élargir notre base de financement et à financer le budget programme de manière plus souple.

Ces recommandations pourraient transformer radicalement l’Organisation. J’ai dit pendant des mois que c’était le moment ou jamais de trouver une solution pour améliorer le financement de l’OMS. Si, comme je l’espère, ces recommandations sont adoptées par cette Assemblée de la Santé, vous aurez répondu à mon appel. Maintenant, vous avez fait un choix.

Je remercie tous les États Membres de leur engagement au cours de l’année écoulée et de leur participation aux négociations. Cela a été difficile, mais vous y êtes parvenus. Nous savons que plus de confiance rime avec plus de responsabilité.

Le Secrétariat se félicite de la recommandation du Groupe de travail tendant à renforcer encore la gouvernance, la transparence, la redevabilité, l’efficacité et la conformité, et nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec l’équipe spéciale des États Membres pour faire avancer les choses. Nous travaillerons jour et nuit pour résoudre ces problèmes.

L’une des principales priorités pour les cinq prochaines années est de renforcer davantage notre action dans les bureaux de pays. Je vous assure que tous les chemins mèneront aux pays, dont les priorités nous guideront.

Monsieur le Président, Excellences, chers collègues et amis,

Nous avons pris du recul, pour savoir où nous en étions. Nous avons étudié la situation actuelle, pour savoir où nous en sommes. Et nous avons anticipé, pour savoir où nous devons aller.

Maintenant, je vous invite à lever les yeux. Comment allons-nous surmonter les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés et atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés ? Grâce à des données de bonne qualité, à une bonne planification, à des principes scientifiques solides et à un engagement politique ferme. Mais plus que tout, il faut avoir de l’espoir – il faut croire que les choses peuvent s’améliorer.

Comme l’a dit hier le Président de la Croatie, Zoran Milanović, le Président de la toute première Assemblée mondiale de la Santé, qui a eu lieu en 1948, le Dr Andrija Štampar, était Croate. Le Dr Štampar était un visionnaire et fut l’un des rédacteurs de la Constitution de l’OMS, y compris de son préambule intemporel. Dans son discours à la Première Assemblée de la Santé il y a 74 ans, le Dr Štampar a déclaré ceci :

« Il est évident que nous ne pouvons pas aborder la solution des problèmes sanitaires de la même manière dans tous les pays. Chaque pays a ses particularités, et ce qui est bon pour l’un peut ne pas l’être autant pour l’autre. Mais il y a une vérité fondamentale qui vaut pour tous : c’est que la santé est un des droits essentiels de l’individu. »

C’est ce droit à la santé que cette Organisation défend depuis trois quarts de siècle. Et c’est pour lui que nous continuerons à nous battre, que je continuerai personnellement à me battre, car la santé est un droit humain fondamental. C’est une fin en soi, et un moyen de développement.

Merci beaucoup. J’ai hâte de travailler avec vous. Merci de votre confiance et de votre soutien.