Bulletins d'information sur les flambées épidémiques

Disease outbreak news - Soudan du Sud

18 avril 2020

Aperçu de la situation

Le 3 mars 2020, deux cas positifs présumés de fièvre jaune ont été identifiés dans le comté de Kajo Keji, dans l’État de l’Équatoria central au Soudan du Sud, dans le cadre d’une enquête transfrontalière d’intervention rapide appuyée par l’OMS.

Description de la situation

Le 3 mars 2020, deux cas positifs présumés de fièvre jaune ont été identifiés dans le comté de Kajo Keji, dans l’État de l’Équatoria central au Soudan du Sud, dans le cadre d’une enquête transfrontalière d’intervention rapide appuyée par l’OMS. L’épreuve initiale de PCR (amplification en chaîne par polymérase), effectuée au Laboratoire national de santé publique à Juba, au Soudan du Sud, a donné un résultat négatif. Cependant, les deux cas ont été confirmés positifs pour la fièvre jaune après des analyses complémentaires de neutralisation par réduction des plages de lyse (PRNT) réalisées au laboratoire régional de référence de l’Institut ougandais de recherche en virologie le 28 mars.

La décision de mener une enquête faisait suite à l’apparition récente d’une flambée dans le district voisin de Moyo, en Ouganda. Au cours de cette enquête, l’équipe a recueilli 41 échantillons de sang dans cinq villages situés à proximité du district de Moyo. Sur les 41 personnes dont le sang a été prélevé, neuf (22 %) avaient eu de la fièvre, mais aucune ne présentait d’antécédents d’ictère. Elles exerçaient diverses activités caractéristiques de cette région (travailleurs du secteur agricole ou forestier, personnes au foyer, soldats). La plupart des sujets soumis à cette enquête étaient âgés de 20 à 45 ans et 18 (44 %) étaient des femmes.

En outre, une enquête entomologique rapide menée dans ces villages a mis en évidence plusieurs gîtes larvaires de moustiques et une population abondante de moustiques du genreAedes notamment Aegypti , Albopictus, Simpsoni).

Au 28 mars 2020, ces deux cas (non mortels) sont les seuls à avoir été confirmés dans le comté de Kajo Keji.

Le Soudan du Sud a connu plusieurs flambées épidémiques de fièvre jaune dans le passé. La flambée la plus récente s’était déclarée le 29 novembre 2018 à Sakure payam, dans le comté de Nzara de l’État de Gbudue (actuellement appelé Équatoria occidental), où trois cas confirmés en laboratoire avaient été notifiés, sans décès associé. En riposte à cette flambée, une campagne ciblée de vaccination réactive avait été menée dans la zone touchée. Avant cette flambée, en mai 2003, 178 cas, dont 27 mortels, avaient été signalés dans la région d’Imatong, dans le comté de Torit, au Soudan du Sud. Une campagne de vaccination réactive avait alors été lancée.

Action de santé publique

  • Le pays a rapidement mené une enquête pluridisciplinaire approfondie dans le comté de Kajo Keji après la notification de la flambée survenue de l’autre côté de la frontière, à Moyo (Ouganda). L’enquête, qui reposait sur une surveillance renforcée, une recherche active des cas et des enquêtes entomologiques, s’est déroulée du 12 au 18 février, avec l’appui du bureau de pays et du Siège de l’OMS.
  • La surveillance a été renforcée dans le cadre du système de surveillance intégrée des maladies et de riposte (IDSR) en s’appuyant sur la formation des agents de santé et la diffusion des définitions de cas de fièvre jaune auprès des établissements de santé afin d’améliorer la détection et la notification des cas.
  • Compte tenu de la flambée actuelle de COVID-19 dans le pays, le bureau de l’OMS dans le pays, de concert avec ses partenaires, a engagé un dialogue avec le Ministère de la santé afin de déterminer quand une campagne de vaccination réactive pourrait être mise en œuvre dans le comté de Kajo Keji. Une demande a été soumise au Groupe international de coordination (ICG) en vue de cette campagne.
  • Des discussions sont également en cours avec le Ministère de la santé afin de proposer la tenue de campagnes de vaccination de masse à visée préventive et l’introduction du vaccin antiamaril dans le calendrier de vaccination systématique d’ici 2022.

Évaluation du risque par l’OMS

Transmise par des moustiques infectés, la fièvre jaune est une maladie hémorragique virale aiguë qui est susceptible de se propager rapidement et d’avoir de graves répercussions sur la santé publique. La vaccination, qui confère une immunité à vie, est le principal moyen de prévenir l’infection.

Le risque d’une poursuite de la transmission de fièvre jaune au Soudan du Sud est préoccupant, compte tenu des éléments suivants :

  • Flambée confirmée dans la zone frontalière de l’Ouganda, en présence d’un biome continu de savane et de forêt abritant des moustiques vecteurs communs et des primates non humains ;
  • Lacunes de la surveillance et insuffisance des services de santé, risquant de retarder la détection des cas supplémentaires de fièvre jaune ;
  • Immunité négligeable de la population ;
  • Réinstallation actuelle de groupes de population à Kajo Keji, dont plus de 13 200 personnes rapatriées au cours des dernières semaines, principalement en provenance de l’Ouganda, ce qui représente un afflux de nouvelles populations sensibles dans le comté ;
  • Des contrôles aux frontières (aériennes/terrestres) sont escomptés du fait de la COVID-19 ; toutefois, les frontières entre la République démocratique du Congo, l’Ouganda et le Soudan du Sud étant particulièrement poreuses, avec un niveau considérable d’activités sociales et économiques transfrontalières, on ne peut exclure un risque de transmission ;
  • La saison des pluies, qui a commencé au début mars, devrait accroître la charge vectorielle dans les semaines à venir, se traduisant par un risque accru de poursuite de la transmission de la fièvre jaune.

Il est impératif que la situation soit surveillée de près, avec une coordination active et un échange d’informations des deux côtés de la frontière.

Sur la base des informations disponibles, l’OMS estime que le risque global est élevé aux niveaux national et régional.

Conseils de l’OMS

Le Soudan du Sud est classé comme pays à haut risque par l’initiative d’élimination des épidémies de fièvre jaune (EYE). La propagation de l’épidémie de fièvre jaune représente un risque au Soudan du Sud car l’immunité globale estimée de la population est négligeable, se chiffrant à quasiment 0 % dans le comté de Kajo Keji.

La vaccination, qui confère une immunité à vie, est le principal moyen de prévenir et de combattre la fièvre jaune. Dans les centres urbains, des mesures ciblées de lutte antivectorielle sont également utiles pour interrompre la transmission. Le pays prévoit d’introduire la vaccination antiamarile dans le programme de vaccination systématique et de mener des campagnes préventives de vaccination de masse afin de renforcer rapidement l’immunité de la population. Une planification et une mise en œuvre accélérées de ces activités de protection de la population contribueront à réduire le risque de flambées futures.

L’OMS recommande la vaccination contre la fièvre jaune pour tous les voyageurs internationaux âgés de plus de neuf mois qui se rendent au Soudan du Sud car des données probantes attestent d’une transmission persistante ou périodique du virus de la fièvre jaune. La vaccination antiamarile est sûre, très efficace et confère une protection à vie contre l’infection. Toutefois, le vaccin antiamaril n’est pas recommandé chez les nourrissons âgés de six à huit mois, sauf en période d’épidémie, lorsque le risque d’infection par le virus de la fièvre jaune peut être très élevé. Les risques et les avantages de la vaccination dans cette tranche d’âge doivent être soigneusement évalués avant toute vaccination. Le vaccin ne doit être utilisé qu’avec prudence pendant la grossesse et l’allaitement. Cependant, les femmes enceintes ou allaitantes pourront être vaccinées lors d’une épidémie ou si elles ne peuvent éviter de se rendre dans un pays ou une zone où il existe un risque de transmission. Le Soudan du Sud exige aussi de tous les voyageurs âgés de neuf mois ou plus un certificat de vaccination contre la fièvre jaune comme condition d’entrée dans le pays.

Conformément au Règlement sanitaire international (RSI 2005), troisième édition, le certificat international de vaccination antiamarile demeure valable tout au long de la vie de la personne vaccinée. Sa période de validité commence 10 jours après la vaccination. Une dose unique d’un vaccin antiamaril approuvé par l’OMS est suffisante pour conférer une immunité durable et une protection à vie contre la fièvre jaune. L’administration d’une dose de rappel est inutile et ne peut pas être exigée des voyageurs internationaux comme condition d’entrée.

L’OMS encourage ses États Membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour tenir les voyageurs bien informés des risques et des mesures préventives, y compris la vaccination. À titre de précaution générale, l’OMS recommande aussi d’éviter les piqûres de moustiques. Le risque de transmission du virus de la fièvre jaune atteint son niveau le plus élevé au cours de la journée et en début de soirée. Les voyageurs devraient également être informés des signes et symptômes de la fièvre jaune et de la nécessité de consulter rapidement un médecin s’ils présentent des signes et symptômes évocateurs de l’infection. Les voyageurs de retour au Soudan du Sud susceptibles d’avoir une virémie élevée peuvent poser le risque d’établissement de cycles locaux de transmission de la fièvre jaune dans des zones où le vecteur compétent est présent.

Sur la base des informations actuellement disponibles sur cette flambée, l’OMS ne recommande aucune restriction aux voyages ou aux échanges commerciaux avec la République du Soudan du Sud.

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