Description de la situation
Aperçu de la situation
Le 15 août 2023, le Ministère tchadien de la santé publique et de la prévention a déclaré une flambée épidémique de dengue. Au 1er octobre, 1342 cas suspects, dont 41 cas confirmés, ont été signalés dans huit districts sanitaires de quatre provinces. Parmi les cas confirmés, un décès a été rapporté. Le district sanitaire d’Abéché, dans la province du Ouaddaï, est actuellement l’épicentre de la flambée épidémique. Le Ministère de la santé publique et de la prévention a lancé un certain nombre d’activités de riposte essentielles en mettant en œuvre, en collaboration avec l’OMS et ses partenaires, le plan national d’urgence de préparation et de riposte à la dengue. La dengue est une infection virale transmise à l’être humain par la piqûre de moustiques infectés. De nombreuses infections par le virus de la dengue ne produisent qu’une maladie pseudo-grippale bénigne et plus de 80 % des cas sont asymptomatiques. Il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue ; cependant, la détection rapide des cas et une prise en charge appropriée sont des éléments clés pour prévenir la gravité et l’issue fatale de la maladie. Il s’agit de la première épidémie de dengue signalée au Tchad, et le pays dispose de capacités limitées en matière de surveillance, de prise en charge clinique et de laboratoires. Compte tenu des conditions environnementales favorables à la propagation des moustiques, de la crise humanitaire en cours due à l’afflux massif de réfugiés et de personnes rapatriées du Soudan et des capacités de riposte limitées, l’OMS estime que le risque posé par cette flambée épidémique est élevé au niveau national.
Description de la situation
Le 15 août 2023, le Ministère de la santé publique et de la prévention de la République du Tchad a officiellement déclaré une flambée épidémique de dengue dans le district sanitaire d’Abéché, province du Ouaddaï, dans l’est du pays, soit la première épidémie de dengue jamais signalée au Tchad.
La déclaration a été faite après la confirmation de l’infection par la dengue pour huit des 12 échantillons de sang analysés par réaction en chaîne par polymérase en temps réel (PCR en temps réel) au Laboratoire national de biosûreté et des épidémies (LaBiEp) de N’Djamena. Par la suite, les échantillons ont été envoyés à l’Institut Pasteur du Cameroun pour confirmation ; l’analyse a été achevée le 22 août par PCR et ELISA, confirmant la présence de la dengue.
Au 1er octobre, 1342 cas suspects, dont 41 cas confirmés, ont été signalés dans huit districts sanitaires de quatre provinces. Parmi les cas confirmés, un décès a été rapporté (taux de létalité parmi les cas confirmés : 2,4 %).
Le sérotype de la dengue responsable de cette épidémie reste inconnu.
Huit districts de quatre provinces (N’Djamena, Ouaddaï, Sila et Wadi Fira) ont signalé des cas confirmés de dengue. Le Ouaddaï, épicentre de la flambée, a notifié le plus grand nombre de cas confirmés, totalisant 31 cas confirmés sur un total de 41 (76 % des cas confirmés). Le groupe d’âge le plus touché par cette flambée est celui des 15 à 34 ans, qui représentent 27 % des cas confirmés déclarés.
Épidémiologie
La dengue est une infection virale transmise à l’être humain par la piqûre de moustiques infectés qui sévit dans les régions tropicales et subtropicales du monde entier, principalement dans les zones urbaines et semi-urbaines. Les principaux vecteurs de la maladie sont les moustiques de l’espèce Aedes aegypti et, dans une moindre mesure, de l’espèce Aedes albopictus.
Le virus de la dengue (DENV) se présente sous la forme de quatre sérotypes (DENV1, DENV2, DENV3, DENV4). L’infection par un sérotype confère une immunité à long terme par rapport à ce sérotype, mais ne protège pas contre les autres sérotypes ; les infections successives par un sérotype différent exposent les personnes à un risque accru de dengue sévère. De nombreuses infections par la dengue ne produisent qu’une maladie pseudo-grippale bénigne et plus de 80 % des cas sont asymptomatiques.
Il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue ; néanmoins, la détection rapide des cas, l’identification des signes d’alerte de dengue sévère et une prise en charge des cas adéquate sont des éléments clés pour abaisser le taux de létalité lors d’une flambée en dessous de 1 %.
Bien que le Tchad ait déjà connu des épidémies d’arbovirus tels que ceux responsables du chikungunya et de la fièvre jaune, il s’agit de la première épidémie de dengue jamais signalée dans le pays. Le Tchad, y compris la province du Ouaddaï, a connu une flambée épidémique de chikungunya en 2020, avec un total de 34 052 cas enregistrés et un décès associé.
Action de santé publique
Le Ministère de la santé publique et de la prévention a lancé un certain nombre d’activités de riposte clés, avec l’appui de l’OMS et d’autres partenaires, notamment :
- Des ressources ont été mobilisées pour la mise en œuvre du plan national d’urgence de préparation et de riposte à la dengue, élaboré avec l’aide de l’OMS.
- La surveillance a été renforcée et les interventions coordonnées, une recherche active des cas a notamment été menée dans les établissements de santé et au sein de la communauté, ainsi que des enquêtes épidémiologiques approfondies, y compris la mise à jour régulière de la liste des cas.
- Les capacités de détection précoce des cas ont été améliorées, par la diffusion d’alertes au sein des communautés, la définition des cas et l’achat de tests de diagnostic rapide (Bioline Dengue Duo (DENGUE NS1 Ag + IgG/IgM)) pour les établissements de santé.
- Un soutien logistique et opérationnel efficace a été assuré, y compris le transport des échantillons pour confirmation de l’infection.
- Des modes opératoires normalisés (MOP) ont été élaborés pour la prise en charge clinique des cas suspects et confirmés de dengue, y compris la dengue sévère, et l’inventaire des kits de prise en charge des cas existants a été effectué afin de combler les lacunes.
- La collaboration transfrontalière a été renforcée et des mesures de prévention et de lutte antivectorielle ont été mises en œuvre dans les zones frontalières.
- La surveillance entomologique a été renforcée, y compris les stades aquatique et adulte des vecteurs, et la bionomie des vecteurs a été caractérisée.
- Des mesures de lutte antivectorielle efficaces ont été mises en œuvre dans le contexte de la gestion intégrée des vecteurs.
- La mobilisation et l’engagement auprès des communautés ont été renforcés pour diffuser des informations clés sur la transmission et la lutte antivectorielle à la population.
Évaluation du risque par l’OMS
Il s’agit de la première épidémie de dengue signalée au Tchad, et le pays ne dispose pas des capacités nécessaires de préparation et de riposte en matière de santé publique.
Les cas au sein de la population sont probablement sous-déclarés parce que la dengue est inconnue du grand public et que les cliniciens ne sont pas encore sensibilisés à son tableau clinique, qui est parfois confondu avec celui d’autres infections courantes causant un état fébrile, ce qui rend difficile le diagnostic précoce, en particulier dans les lieux où il n’y a pas de laboratoire pour effectuer les tests.
Il existe un risque élevé de propagation en raison de la présence de moustiques dans les grandes villes densément peuplées de l’est du Tchad, près de la frontière soudanaise, où le climat est tropical et les mauvaises conditions sanitaires propices au développement des moustiques.
La province du Ouaddaï, frontalière du Soudan, est l’épicentre de l’épidémie et est également la province la plus touchée par la crise humanitaire en cours en raison d’un afflux massif de réfugiés et de personnes rapatriées du Soudan. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le nombre de réfugiés dans la province du Ouaddaï s’élève actuellement à plus de 400 000.
Le retour des réfugiés soudanais et des ressortissants tchadiens risque de propager l’épidémie à de nouvelles provinces ainsi que de l’autre côté de la frontière.
Compte tenu des informations disponibles pour cet événement, l’OMS estime que le risque est élevé au niveau national, modéré au niveau régional et faible au niveau mondial.
Conseils de l’OMS
La proximité des sites de reproduction des moustiques vecteurs avec l’habitat humain est un facteur de risque important d’infection par le virus de la dengue. Pour prévenir et combattre la dengue, il est indispensable d’appliquer des mesures de lutte antivectorielle. Les activités de lutte antivectorielle doivent cibler tous les endroits où il y a un risque de contact entre êtres humains et vecteurs (par exemple, les logements, les lieux de travail, les établissements scolaires et les hôpitaux). L’OMS favorise une approche stratégique connue sous le nom de « gestion intégrée des vecteurs » pour lutter contre l’espèce Aedes, vectrice de la dengue. La gestion intégrée des vecteurs devrait être améliorée pour éliminer les sites de reproduction potentiels, réduire les populations de vecteurs et limiter au minimum l’exposition individuelle. Il convient d’appliquer des stratégies de lutte antivectorielle ciblant les larves et les adultes (c’est-à-dire gestion de l’environnement et réduction à la source), en particulier dans le cadre des pratiques de stockage de l’eau, et notamment de couvrir, vider et nettoyer tous les récipients d’eau domestique une fois par semaine, d’utiliser des larvicides préqualifiés par l’OMS dans l’eau non potable en respectant les doses indiquées, de distribuer des moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) aux patients hospitalisés pour fièvre ou dengue afin de contenir la propagation du virus à partir des établissements de santé, et de mettre en place des stratégies pour protéger les personnes et les ménages. La pulvérisation dans les espaces intérieurs (brumisation) est une autre approche qui permet de contenir rapidement les moustiques infectés par la dengue, mais elle peut être difficile à mettre en place dans les zones densément peuplées, par exemple dans les camps.
Parmi les mesures de protection individuelle à appliquer pendant les activités à l’extérieur figurent l’application topique de répulsifs sur la peau exposée ou le traitement des vêtements, et le port de chemises et de pantalons à manches longues. En outre, la protection intérieure peut consister à utiliser des produits aérosols insecticides ménagers ou des serpentins antimoustiques. Les moustiquaires de fenêtre et de porte, ainsi que la climatisation, peuvent réduire la probabilité que les moustiques pénètrent dans les habitations. Les moustiquaires imprégnées d’insecticide offrent une bonne protection contre les piqûres de moustiques aux personnes qui dorment durant la journée. Étant donné que les moustiques Aedes (principal vecteur de transmission) sont actifs à l’aube et au crépuscule, des mesures de protection individuelle sont recommandées, en particulier à ces moments de la journée, tant dans les zones résidentielles que sur les lieux de travail et dans les écoles.
Il faut assurer une surveillance entomologique pour évaluer le potentiel de reproduction des moustiques Aedes dans les contenants ainsi que pour contrôler la résistance aux insecticides afin de choisir les interventions de lutte antivectorielle les plus efficaces. Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection par la dengue, mais la détection rapide des cas et l’accès à des soins appropriés dans le cadre de la prise en charge permettent de réduire la mortalité. La surveillance des cas devrait continuer d’être renforcée dans toutes les régions touchées et partout dans le pays. Dans la mesure du possible, des ressources devraient être allouées pour renforcer le mécanisme de transfert des échantillons pour la confirmation et le sous-typage du virus de la dengue.
Les communautés jouent un rôle majeur dans le succès et la viabilité à long terme des activités de lutte antivectorielle. Bien qu’une coordination entre de nombreuses parties prenantes soit nécessaire, la lutte antivectorielle dépend essentiellement de la sensibilisation des communautés au risque d’infection et aux mesures à prendre pour se protéger. L’engagement auprès des communautés et la mobilisation impliquent de travailler avec la population locale pour améliorer la lutte antivectorielle et renforcer la résilience face à de futures épidémies. Lorsque des approches communautaires participatives appropriées sont en place, les communautés sont soutenues pour assumer la responsabilité de la lutte antivectorielle et la mettre en œuvre. Les approches communautaires participatives visent à faire en sorte que les comportements sains fassent partie du tissu social et que les communautés s’approprient la lutte antivectorielle à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des ménages.
Sur la base des informations disponibles pour cet événement, l’OMS recommande de n’appliquer aucune restriction générale aux voyages ou aux échanges commerciaux avec le Tchad.
Plus d'informations
- OMS, Principaux repères : Dengue et dengue sévère
- Dengue guidelines, for diagnosis, treatment, prevention and control (en anglais)
- WHO Handbook for clinical management of dengue (en anglais)
- UNHCR TCHAD| Afflux des Réfugiés du Soudan (au 22 septembre 2023) (en anglais)
- Rapport de santé hebdomadaire du secteur santé n°006 (10 août 2023)
- Rapport de situation de l’épidémie de dengue au Tchad (période du 14 au 27 août 2023)
- Le chef du HCR salue l’accueil des réfugiés soudanais par le Tchad et souligne le besoin urgent d’une aide supplémentaire, UNHCR
Citation recommandée : Organisation mondiale de la
Santé (16 octobre 2023). Bulletin d’information sur les flambées
épidémiques ; Dengue — Tchad. Disponible sur le site : https://covid.comesa.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON 491