Aperçu de la situation
Description de la situation
Description de la situation
Du 1er janvier au 12 novembre 2023, un total de 12 569 cas suspects de variole simienne, dont 581 mortels (taux de létalité : 4,6 %), ont été signalés dans 156 zones de santé dans 22 des 26 provinces (85 %) en RDC. Il s’agit du nombre de cas le plus élevé jamais signalé pour une année, certains dans des zones géographiques qui n’avaient jamais fait état de cas de variole simienne auparavant, y compris Kinshasa, Lualaba et le Sud-Kivu. Parmi les cas suspects, 1106 ont été testés par réaction en chaîne par polymérase en temps réel (PCR en temps réel ou qPCR) et 714 étaient positifs pour le MPXV (taux de positivité de 65 %).
Les cas ayant des antécédents de voyage dans des provinces d’endémie ont été à l’origine de chaînes de transmission interhumaine dans des provinces qui n’étaient pas touchées (Figures 1 et 2).
Figure 1 : Répartition géographique des cas suspects de variole simienne par province, République démocratique du Congo, du 1er janvier au 4 novembre 2023 (semaines épidémiologiques 1 à 44)
Figure 2 : Répartition géographique des cas confirmés de variole simienne par province, République démocratique du Congo, du 1er janvier au 7 octobre 2023 (semaines épidémiologiques 1 à 40)
Premiers cas de transmission sexuelle du MPXV de clade I :
Le premier foyer épidémique de cas suspects de variole simienne transmise sexuellement a été identifié à Kenge, Province de Kwango en RDC. Il comprenait six cas confirmés, cinq hommes et une femme, sans qu’aucun soit décédé. Le premier cas connu est celui d’un homme résidant en Belgique et ayant des liens en République démocratique du Congo. Il est arrivé à Kinshasa le 15 mars 2023 et a commencé à ressentir un inconfort et des démangeaisons dans la zone anale le même jour. Le 16 mars 2023, un jour après son arrivée en République démocratique du Congo, il s’est rendu dans la ville de Kenge (à 260 km de Kinshasa). Le 17 mars, ses lésions anales et génitales ont évolué en cloques douloureuses et il a développé d’autres lésions cutanées sur le tronc et les fesses. Le 23 mars, il a consulté un médecin qui a suspecté la variole simienne. Des prélèvements oropharyngés, rectaux, vésiculaires et sanguins ont été effectués le 24 mars. Le patient a été testé positif par RT-PCR sur échantillon biologique à l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) à Kinshasa et le résultat a été communiqué au Ministère de la santé, de l’hygiène et de la prévention du pays le 10 avril. Le séquençage génomique de l’échantillon a confirmé qu’il s’agissait du MPXV de clade I.
L’individu s’est identifié comme un homme ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Lors de son séjour en RDC, il s’est discrètement rendu dans des clubs connus d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et a eu plusieurs contacts sexuels. Il a présenté des symptômes le jour de son arrivée en République démocratique du Congo, et étant donné que la période d’incubation de la variole simienne est le plus souvent de plus d’un jour, les informations disponibles laissent entendre que l’exposition a eu lieu en dehors de la République démocratique du Congo. Néanmoins, l’analyse génétique du virus a confirmé une infection par une souche du clade I similaire à d’autres souches circulant en RDC. Bien que le patient n’ait pas signalé d’exposition à une autre personne chez laquelle une variole simienne a été confirmée, l’enquête épidémiologique donne à penser que cette exposition a eu lieu en Belgique.
L’enquête épidémiologique menée à la suite de ce premier cas a identifié plusieurs contacts sexuels et non sexuels qui ont été suivis pour des symptômes de variole simienne. Parmi les 27 contacts identifiés et six testés, cinq contacts sexuels ont été testés positifs pour la variole simienne : deux ont été confirmés le 10 avril et trois le 18 avril. Parmi ces cinq contacts, trois ont développé des symptômes pendant leur période de suivi de 21 jours. Deux contacts qui n’ont pas développé de symptômes ont également été testés positifs après prélèvement d’un échantillon de membrane muqueuse. Sur les cinq cas contacts confirmés, quatre étaient des hommes âgés de 24 à 35 ans et le dernier était une femme. Le cas initial a confirmé avoir eu un contact sexuel avec chacune de ces personnes. Après sa guérison de la variole simienne, il est retourné en Belgique le 5 mai 2023.
Ce foyer épidémique de variole simienne représente la première transmission sexuelle documentée du MPXV de clade I. C’est également la première transmission décrite de ce clade parmi des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Il existe notamment à Kenge des clubs destinés aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, dont certains membres se déplacent pour se rendre dans d’autres clubs dans le pays et à l’étranger, en particulier en Europe et en Afrique centrale. Il y a plus d’une cinquantaine de clubs de ce genre à Kinshasa. Certains membres de ces clubs résident également en dehors de la RDC. Cet événement est inhabituel et met en évidence le risque que le MPXV de clade I puisse également se propager largement parmi les réseaux sexuels, comme cela a été observé pour le clade II lors de l’épidémie mondiale de 2022-2023.
Le 28 juillet 2023, un autre cas confirmé de variole simienne a été enregistré chez un autre homme ayant des rapports sexuels avec des hommes dans la ville de Kenge, en RDC. Le patient était un homme résidant à Kenge pour qui la maladie est apparue le 11 juin 2023. Il n’était pas répertorié parmi les contacts du premier groupe de cas et l’enquête épidémiologique limitée ne l’a pas directement lié au groupe de mars-avril. Aucun séquençage génomique n’a été réalisé pour ce cas. D’autres enquêtes épidémiologiques sont en cours pour vérifier des signalements de nouveaux cas dans cette province.
Première épidémie de variole simienne à Kinshasa
En août 2023, pour la première fois, des cas de variole simienne ont été confirmés à Kinshasa, la capitale de la RDC. Quatre événements distincts ont été identifiés où des personnes exposées dans d’autres provinces (Équateur, Mai-Ndombe) se sont rendues à Kinshasa, chacun conduisant à une transmission locale au sein de foyers épidémiques restreints dans la capitale. Entre le 18 août et le 12 novembre 2023, 102 cas suspects au total ont été signalés dans huit zones de santé à Kinshasa, y compris 18 cas confirmés dont un décès imputable à la variole simienne (taux de létalité de 5,6 % parmi les cas confirmés).
Le premier cas confirmé était une personne arrivée à Kinshasa par bateau fluvial depuis la province de Mai-Ndombe, où la variole simienne est endémique. Il a été confirmé le 18 août et, par la suite, plusieurs de ses contacts proches ont développé des symptômes et ont été testés positifs pour le MPXV. D’autres cas confirmés importés ont été signalés dans les zones de santé de Limete, Makala et Nsele. Le sexe-ratio des cas confirmés à Kinshasa est de 2 hommes pour 1 femme, pour un âge médian de 24 ans (IC à 95 % : 11-27 ans). Pour le moment, 13 des cas confirmés sont guéris (y compris un agent de santé), un est décédé et 4 sont isolés et sous traitement. La personne décédée avait également la tuberculose et a contracté la variole simienne pendant son hospitalisation, ce qui laisse entendre une transmission nosocomiale.
Ces nouveaux signalements de transmission interhumaine de la variole simienne dans une grande zone urbaine telle que Kinshasa montrent clairement que l’épidémiologie de la maladie en RDC est en train d’évoluer.
Première épidémie de variole simienne au Sud-Kivu
Avant 2023, la province du Sud-Kivu n’avait pas signalé de variole simienne. Le premier cas confirmé était un jeune commerçant qui était venu de Kisangani, dans la province de Tshopo, l’une des provinces d’endémie pour la variole simienne, quelques jours avant l’apparition des symptômes le 26 septembre 2023. Les premières lésions cutanées étaient situées sur ses organes génitaux et se sont ensuite étendues à tout le corps. Lors de l’enquête épidémiologique initiale, 113 contacts ont été enregistrés dans les zones de santé de Bukavu et Kamituga. Au 22 novembre 2023, un total de 80 cas suspects et 34 cas confirmés (dont 20 travailleurs et travailleuses du sexe) de variole simienne ont été signalés au Sud-Kivu, principalement dans la zone de santé de Kamituga, sans aucun décès. Actuellement, la province du Sud-Kivu est aux prises avec des conflits, des déplacements de populations, l’insécurité alimentaire et des difficultés pour fournir une assistance humanitaire adéquate, autant d’éléments qui ont un impact profond sur la population locale, en particulier les groupes vulnérables, et pourraient offrir un terrain fertile pour une propagation plus large de la variole simienne.
Études sur les animaux
Le réservoir naturel du virus de la variole du singe est inconnu – divers mammifères tels que les écureuils et les singes peuvent être infectés et l’on sait que les primates non humains présentent une sensibilité clinique au virus. Au fil des décennies, la RDC et ses partenaires ont mené des études sur les animaux dans le but de mieux caractériser l’écologie du virus et les éventuels réservoirs ou hôtes accidentels. De telles études ont été menées dans les provinces de l’Équateur, du Haut-Uele, du Kwango, du Kwilu, de Mai-Ndombe, du Maniema, du Sankuru, du Sud-Ubangi, de la Tshopo et de la Tshuapa. Des études éco-épidémiologiques sont en cours avec des partenaires de recherche nationaux et internationaux collaborant pour déterminer les réservoirs et hôtes accidentels.
Épidémiologie de la maladie
La variole simienne est une maladie infectieuse causée par le virus de la variole simienne (MPXV). Il existe deux clades connus du MPXV : le clade I, précédemment connu sous le nom de clade du bassin du Congo ; et le clade II, autrefois appelé clade de l’Afrique de l’Ouest. Ce dernier a lui-même deux sous-clades : le clade IIa et le clade IIb. La maladie est causée par l’un des deux clades de MPXV transmis entre humains par contact étroit avec des lésions, des fluides corporels, des gouttelettes respiratoires ou des matériaux contaminés, ou entre les animaux et les êtres humains par contact avec des animaux vivants ou la consommation de viande de brousse potentiellement contaminée.
La période d’incubation varie de deux à 21 jours, bien que certaines personnes puissent contracter l’infection sans développer de symptômes. Dans le cas de la variole simienne, ce sont typiquement la fièvre, les douleurs musculaires et le mal de gorge qui apparaissent en premier, suivis d’une éruption cutanée et muqueuse. En général, l’éruption évolue sur 2 à 4 semaines par étapes – macules, papules, vésicules, pustules. Les lésions s’affaissent au centre avant de croûter. Les croûtes tombent ensuite. La lymphadénopathie (ganglions lymphatiques enflés) est également une caractéristique typique de la variole simienne, présente dans la plupart des cas. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes au système immunitaire affaibli sont à risque de complications et de décès dus à la variole simienne.
Identifier la variole simienne peut être difficile, car d’autres infections et affections peuvent lui ressembler. Il est important de distinguer la variole simienne de la varicelle, de la rougeole, des infections cutanées bactériennes, de la gale, de l’herpès, de la syphilis, d’autres infections sexuellement transmissibles et des allergies associées aux médicaments. Une personne atteinte de variole simienne peut également avoir une autre infection sexuellement transmissible comme l’herpès. Autrement, un enfant ou un adulte chez qui on suspecte la variole simienne peut également avoir la varicelle. Pour ces raisons, les tests sont essentiels pour que les personnes reçoivent un traitement le plus tôt possible et pour prévenir toute propagation ultérieure.
La détection de l’ADN viral par amplification en chaîne par polymérase (PCR) est le test de laboratoire à privilégier pour la variole simienne. Les meilleurs échantillons diagnostiques sont prélevés directement sur l’éruption – peau, liquide ou croûtes – et collectés par frottis vigoureux. En l’absence de lésions cutanées, des tests peuvent être effectués sur des écouvillons oropharyngés, anaux ou rectaux. Cependant, bien qu’un résultat positif d’un échantillon oropharyngé, anal ou rectal soit révélateur d’une infection par le MPXV, un résultat négatif n’est pas suffisant pour l’exclure. Les tests sanguins ne sont pas recommandés. Les méthodes de détection des anticorps peuvent être utilisées pour la classification rétrospective des cas, mais pas pour le diagnostic. Celles-ci doivent être limitées aux laboratoires de référence et peuvent ne pas être utiles, car elles ne font souvent pas la distinction entre les différents orthopoxvirus.
Le traitement est basé sur le soin des éruptions cutanées, la prise en charge de la douleur et la prévention des complications. De plus, des médicaments antiviraux spécifiques tels que le tecovirimat peuvent également être utilisés dans le traitement de la variole simienne, en particulier pour les cas graves ou pour les individus à risque plus élevé de complications. Dans le contexte de l’épidémie mondiale de variole simienne qui a débuté en 2022 (causée principalement par le clade IIb du virus), le tableau clinique de la variole simienne variait, certains cas présentant une éruption qui apparaissait avant les autres symptômes ou en même temps que ceux-ci, et les premières lésions se situant souvent sur les organes génitaux ou sur des muqueuses, notamment dans la bouche. Pour la première fois, ce sont les contacts sexuels entre des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes au sein de vastes réseaux sexuels qui ont entraîné et alimenté la propagation de la variole simienne.
Action de santé publique
Coordination d’urgence :
- Le Ministère de la santé publique, de l’hygiène et de la prévention a préparé un plan national budgétisé de préparation et de riposte à la variole simienne.
- Donnant suite à ce plan, un Centre d’opérations d’urgence pour la variole simienne et une Équipe de gestion des incidents ont été mis en service en février 2023 pour appliquer les mesures suivantes :
Surveillance et détection :
- Renforcement de la surveillance de la variole simienne dans tout le pays et particulièrement à Kinshasa, Kenge et Kamituga.
- Distribution de kits de collecte et de transport d’échantillons aux hôpitaux de référence et soutien logistique pour la collecte, le transport et l’examen des échantillons provenant de cas suspects à Kenge, Kinshasa et dans d’autres zones touchées.
- Renforcement des capacités des prestataires de soins de santé et des agents de santé dans la surveillance de la variole simienne, y compris la détection de la transmission sexuelle et d’autres modes de transmission possibles.
- Surveillance des contacts des cas cliniques et confirmés en laboratoire pendant une période de 21 jours.
- Séquençage génétique des échantillons de MPXV afin de mieux comprendre les souches virales circulantes.
Communication et sensibilisation :
- Campagne d’information sur les risques de la variole simienne et des autres infections sexuellement transmissibles aux groupes potentiellement à risque, en ciblant spécifiquement les membres de clubs à risque à Kenge et ailleurs.
- Identification et mobilisation d’autres clubs et populations potentiellement à risque.
- Mise en place d’un centre d’appel pour faciliter la déclaration des alertes et promouvoir la communication entre les autorités sanitaires et les communautés concernées.
Prise en charge des cas et lutte anti-infectieuse :
- Fourniture d’équipements de protection individuelle aux agents de santé à Kenge, Kinshasa, Kamituga, Maindombe et Tshopo.
- Isolement des cas confirmés à l’hôpital ou à domicile pour prévenir une transmission ultérieure.
- Soins cliniques adaptés, y compris un soutien psychologique, pour les personnes infectées.
Formation et capacité :
- Formation des laborantins de Kamituga, Kenge, Kinshasa et de toute autre ville ou province touchée sur la collecte, la conservation et la livraison appropriées des échantillons de variole simienne.
- Sensibilisation des autorités sanitaires et des prestataires de soins de santé dans tout le pays sur la variole simienne et sa prise en charge.
Évaluation du risque par l’OMS
Du 1er janvier au 12 novembre 2023, le nombre de cas suspects de variole simienne a doublé pour atteindre 12 569 cas suspects signalés, contre 6216 en 2020, le nombre le plus élevé jamais signalé pour une année. La variole simienne a également été signalée dans de nouvelles zones géographiques telles que Kinshasa, la province du Kwango et le Sud-Kivu. Les raisons de cette expansion, qui touchent hommes, femmes et enfants, restent inconnues. Bien qu’une meilleure sensibilisation à l’épidémie mondiale de variole simienne due au MPXV de clade IIb ait aidé à améliorer la surveillance dans le pays, de nombreux aspects de la situation actuelle restent à élucider.
La transmission de la variole simienne par contact sexuel permet une propagation plus rapide d’une personne à une autre en raison du contact direct des muqueuses entre les personnes, ce qui pourrait éventuelle réduire la période d’incubation moyenne. Les personnes immunodéprimées, en raison d’un VIH non maîtrisé ou d’autres affections immunodéprimantes, courent un risque plus élevé de complications graves et de décès liés à la variole simienne. Bien que la prévalence nationale du VIH en RDC soit estimée à moins de 1 %, elle est estimée à 7,1 % parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes dans le pays. Dans l’ensemble, on estime que 17 % des personnes vivant avec le VIH dans le pays ne connaissent pas leur statut, ce qui les expose au risque de développer une infection à VIH à un stade avancé, de voir leur immunité affaiblie et de souffrir d’une forme grave de la variole simienne.
La détection du MPXV de clade I parmi les membres d’un club d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes à Kenge, dont certains membres se déplacent pour se rendre dans d’autres clubs à dans le pays et à l’étranger, en particulier en Afrique centrale et en Europe, représente un risque pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en RDC et à l’international. Dans la ville de Kinshasa, on estime qu’il y a plus d’une cinquantaine de clubs de ce genre, et certains de leurs membres résident en dehors de la RDC.
On ne sait pas encore très bien quelle est la proportion de cas de variole simienne en RDC susceptibles d’avoir été exposés par contact sexuel. Cependant, avec le signalement en 2023 de flambées épidémiques liées à une transmission sexuelle dans trois provinces qui n’avaient pas été touchées jusque-là, cette nouvelle donnée d’observation pourrait avoir de l’importance en termes d’impact supplémentaire éventuel sur la santé publique, en particulier dans les zones urbaines qui manquent de moyens. L’évolution rapide de la nouvelle épidémie au Sud-Kivu, y compris parmi les travailleuses et travailleurs du sexe, est également préoccupante.
De plus, le premier cas identifié à Kinshasa était arrivé en ville par bateau sur le fleuve Congo. L’environnement que constituent ces bateaux entraîne un risque élevé d’exposition, puisque les gens sont en général proches les uns des autres, transportent des animaux, vendent et consomment du gibier sauvage, et voyagent souvent à bord pendant des semaines en partageant les mêmes lits et en ayant parfois des rapports sexuels. De plus, la possibilité d’une propagation interhumaine est plus forte dans des contextes urbains comme celui de Kinshasa et la mise en œuvre de mesures de confinement est plus difficile.
Les capacités de riposte à la variole simienne restent limitées dans le pays. Les capacités de surveillance et de laboratoire restent sous-optimales : seuls 9 % (1106/12 569, en semaine 44) des cas suspects cette année ont été testés par PCR. Il n’y a pas de programmes de vaccination pour les populations à risque de variole simienne en RDC en dehors des projets de recherche et l’accès aux médicaments antiviraux tels que le tecovirimat se limite également à quelques études de recherche clinique dans le pays.
La communication sur les risques et la mobilisation communautaire sont donc d’une importance cruciale pour aborder le risque posé par les modes de transmission identifiés comme la consommation de viande de brousse et les épidémies communautaires, ainsi que pour le risque de transmission sexuelle qui vient d’être décrit, en particulier parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Selon une étude récente de l’OMS, la connaissance des risques associés à la variole simienne est faible en RDC. De plus, toute personne souffrant de conditions cutanées défigurantes, y compris la variole simienne, peut être confrontée à la stigmatisation et l’absence de messages de santé à ce jour pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes dans le pays expose cette population à un risque particulier.
En résumé, les motifs d’inquiétude concernant la poursuite de la propagation de la variole simienne en RDC sont les suivants :
- La RDC connaît une augmentation significative du nombre de cas suspects signalés en 2023 ;
- La variole simienne étend sa présence géographique dans les provinces méridionales et orientales nouvellement touchées du pays ;
- Les connaissances épidémiologiques et scientifiques sur la variole simienne restent limitées et les modes de transmission dans le pays sont peu compris ;
- En 2023, des cas confirmés de variole simienne ont été signalés pour la première fois dans la grande zone urbaine de Kinshasa et dans plusieurs autres zones qui n’avaient pas été touchées avant cela ;
- La transmission sexuelle de la variole simienne due au MPXV de clade I est documentée pour la première fois et il se peut que certaines chaînes de transmission ne soient pas identifiées ;
- Les populations clés connaissent une prévalence plus élevée d’infection par le VIH que la population générale ;
- La sensibilisation à la variole simienne et la connaissance des risques associés sont insuffisantes dans les populations générales et clés ;
- Les capacités de riposte nationales se heurtent à des difficultés, notamment des informations épidémiologiques limitées sur les facteurs de risque d’exposition et d’infection, une sensibilisation publique restreinte à la variole simienne et aux mesures de prévention, ou encre de nombreuses priorités concurrentes ;
- La collaboration et la coordination entre les partenaires sont nécessaires pour soutenir la recherche essentielle et appuyer une riposte solide au niveau national, provincial et local.
Il semblerait qu’il y ait un risque important de voir la variole simienne se propager aux pays voisins et dans le monde. En plus des caractéristiques décrites ci-dessus, on retiendra entre autres parmi les arguments étayant l’évaluation d’un risque élevé de propagation internationale de la variole simienne :
- Dans ces premières épidémies signalées de variole simienne dues au MPXV de clade I liées à des contacts sexuels, il a été fait état de voyages internationaux au sein des Régions de l’OMS et entre celles-ci ;
- L’introduction du MPXV de clade I dans différents réseaux sexuels qui pourraient avoir des liens entre eux pourrait faciliter et amplifier la propagation de ce clade du virus qui a toujours été plus virulent ;
- Une épidémie concomitante de variole simienne se produit en République du Congo voisine, le long de l’écosystème du fleuve Congo. Les éventuels liens avec les cas signalés en RDC restent inconnus.
Ces facteurs posent un risque supplémentaire d’épidémies de variole simienne qui pourraient avoir des conséquences plus graves que celles qui touchent le monde depuis 2022.
Conseils de l’OMS
Tous les pays, y compris leurs autorités sanitaires et leurs cliniciens et agents de santé, doivent prendre note du fait que l’épidémie mondiale de variole simienne se poursuit. De plus, la transmission sexuelle du virus de clade I a été confirmée et l’infection par celui-ci peut entraîner un risque accru de maladie grave.
Il est donc vivement conseillé aux pays de continuer à suivre les Recommandations permanentes émises par le Directeur général de l’OMS en août 2023, en particulier en ce qui concerne la surveillance épidémiologique de la variole simienne, le renforcement des capacités diagnostiques en laboratoire et le séquençage génomique des virus, la mobilisation communautaire et la communication sur les risques, la mise à disposition de vaccins, la prise en charge optimale des cas, le renforcement de la recherche pour mieux comprendre les modes de transmission dans différents contextes, et un appui soutenu en faveur de la mise au point de méthodes de diagnostic rapide et de traitements adaptés aux besoins des patients.
Dans tous les contextes, il est essentiel de souligner l’importance d’une enquête de cas menée avec sensibilité et sans la moindre stigmatisation et d’une compréhension approfondie de la transmission interhumaine de la variole simienne dans les communautés, tout en renforçant l’approche « Une seule santé » dans les zones où le virus de la variole simienne circule chez des hôtes ou réservoirs mammifères possibles.
Il est essentiel d’approfondir les connaissances dans différents contextes sur les liens entre la variole simienne et l’infection par le VIH et sur leurs facteurs de risque respectifs et communs, de fournir un service de santé spécifique à la population et d’intégrer la surveillance et la prise en charge des cas dans un service de santé renforcé et adaptatif qui répond aux besoins des patients.
Actions dans la communauté
La communication sur les risques de transmission sexuelle de la variole simienne doit être renforcée, en particulier parmi les groupes de personnes les plus à risque et les individus et ménages touchés par cette maladie. Un plaidoyer doit être mené à tous les niveaux pour soutenir, informer et mobiliser les dirigeants communautaires dans le cadre de la mise en œuvre des mesures nécessaires pour informer et mobiliser leurs communautés autour de la variole simienne et des solutions pour enrayer sa propagation.
Les activités de communication sur les risques et de mobilisation communautaire seront vitales pour inciter les communautés touchées à prendre conscience des risques et des comportements de protection qui ont du sens au niveau local. Il conviendrait de collecter des données socio-comportementales et de réaliser une analyse de situation pour mieux comprendre les facteurs de transmission et les facteurs de risque. Ces informations peuvent ensuite servir à améliorer la prise de décision, afin de faire en sorte que les efforts de riposte soient alignés sur les besoins, les priorités et les capacités des communautés, et pour étayer l’élaboration de plans de communication sur les risques et de mobilisation communautaire fondés sur des éléments probants. Les publics clés devraient être identifiés, y compris les professionnels de la santé, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les personnes qui travaillent dans des lieux ou à des événements où se déroulent des activités sexuelles et celles qui y assistent, les travailleurs et travailleuses du sexe, ainsi que les personnes à risque de maladie plus grave (y compris celles dont le VIH n’est pas traité ou correctement maîtrisé).
Il faudrait établir des partenariats avec des réseaux de confiance qui travaillent avec ces communautés pour faciliter la mobilisation communautaire. Des systèmes de retour d’information bidirectionnels devraient être établis ou activés. Une attention particulière devrait être accordée aux mesures qui permettent de comprendre, de prévenir et de combattre la stigmatisation et la discrimination, qui ne sont jamais acceptables et peuvent compromettre la riposte à l’épidémie et avoir un impact sérieux sur les résultats sanitaires.
Concernant les établissements de santé et les points d’entrée et de contrôle
Des mesures de lutte anti-infectieuse dans les lieux communautaires et les centres de santé sont nécessaires pour prévenir les épidémies de variole simienne et y riposter. Il est important de former le personnel sur les risques liés à la contamination, de fournir des équipements de protection, des dispositifs de lavage des mains et d’hygiène dans les hôpitaux et aux points d’entrée/de contrôle. Il importe aussi d’assurer un bon isolement des patients. Les professionnels de santé qui prennent en charge des cas présumés ou confirmés de variole simienne devraient prendre des précautions standard et contre la transmission par contact et par gouttelettes.
Tout en se protégeant avec les mesures recommandées, les agents de santé devraient également veiller à éviter toute stigmatisation des patients atteints de variole simienne et à fournir un soutien psychologique aux patients et à leurs familles.
L’OMS déconseille toute restriction de voyage ou de commerce en lien avec l’épidémie actuelle.
Lors de la collecte d’échantillons cliniques et de laboratoire
Les échantillons prélevés sur des personnes et des animaux suspectés d’être infectés par le virus de la variole simienne doivent être manipulés par du personnel formé travaillant dans des laboratoires équipés. La confirmation du virus de la variole simienne dépend du type et de la qualité de l’échantillon, ainsi que du type de test de laboratoire. Ainsi, les échantillons doivent être emballés et expédiés conformément aux exigences nationales et internationales. La RT-PCR est le test de laboratoire privilégié du fait de son exactitude et de sa sensibilité. Pour cela, des échantillons optimaux pour le virus de la variole simienne doivent être prélevés à des fins de diagnostic sur les lésions cutanées – liquide des vésicules et pustules, et croûtes sèches. Les tests PCR sanguins sont généralement peu concluants en raison de la courte durée de la virémie par rapport au moment du prélèvement de l’échantillon après l’apparition des symptômes ; ils ne devraient pas être systématiquement prélevés sur les patients. Comme les orthopoxvirus présentent une réactivité sérologique croisée, les méthodes de détection des antigènes et des anticorps ne sont pas suffisamment spécifiques pour le MPXV et ne constituent pas un diagnostic de confirmation formel. Il est donc essentiel que les laboratoires soutiennent les autorités sanitaires en fournissant des kits de prélèvement d’échantillons pour les lésions cutanées.
Mesures préventives
Toute personne dont le diagnostic clinique ou de laboratoire pour la variole simienne a été confirmé devrait suivre les instructions des autorités sanitaires selon le contexte local, y compris l’isolement pendant la période infectieuse chaque fois que possible. Les contacts d’un cas confirmé doivent être surveillés ou doivent s’auto-surveiller afin de repérer tout signe ou symptôme, pratiquer l’hygiène des mains et l’hygiène respiratoire, éviter le contact avec des personnes immunodéprimées, des enfants ou des femmes enceintes, et éviter les contacts sexuels et les voyages non essentiels pendant une période de 21 jours à compter du dernier contact avec une personne atteinte de variole simienne.
Vaccins et traitements antiviraux
Les vaccins pour la prévention de la variole simienne sont composés du virus vaccinia et ont été développés initialement comme des vaccins plus sûrs à des fins de préparation contre la variole. On dispose désormais de vaccins de troisième génération entraînant moins d’effets secondaires que ceux utilisés au moment de l’éradication de la variole. Il s’agit notamment du MVA-BN, qui a été homologué pour la première en 2019 pour la prévention de la variole simienne, et du LC16-KMB, homologué pour la maladie en 2022. Ces vaccins offrent une protection de 66 à 90 % contre la variole simienne en raison de la similitude antigénique des virus responsables de la variole et de la variole simienne. Quelques pays maintiennent des stocks de vaccins contre la variole et la variole simienne, surtout depuis le début de l’épidémie mondiale en 2022. La vaccination contre la variole simienne est recommandée pour les personnes à risque de contracter la maladie, y compris les enfants, et les personnes ayant été en contact étroit avec quelqu’un qui en est atteint.
Des traitements antiviraux sont également en cours de développement et un essai clinique de l’agent antiviral tecovirimat est en cours en RDC dans deux hôpitaux de district des provinces du Maniema et du Sankuru. Pour obtenir ce médicament, une demande doit être faite auprès des autorités sanitaires nationales.
Plus d'informations
Orientations techniques provisoires de l’OMS :
- Diagnostic testing for the monkeypox virus (MPXV): interim guidance, 9 November 2023; https://covid.comesa.int/publications/i/item/who-mpx-laboratory-2023-1
- Orthopoxvirose simienne : surveillance, enquête sur les cas et recherche des contacts : orientations provisoires, 25 août 2022 ; https://covid.comesa.int/fr/publications/i/item/WHO-MPX-Surveillance-2022.3
- Vaccines and immunization for monkeypox: Interim guidance, 16 November 2022; https://covid.comesa.int/publications/i/item/WHO-MPX-Immunization
- Prise en charge clinique, prévention et maîtrise de l’orthopoxvirose simienne (variole du singe), 10 juin 2022 ; https://covid.comesa.int/fr/publications/i/item/WHO-MPX-Clinical-and-IPC-2022.1
- Risk communication and community engagement (RCCE) for monkeypox outbreaks. Interim guidance. https://covid.comesa.int/publications/i/item/WHO-MPX-RCCE-2022.1
Surveillance et autres données
- Mpox (monkeypox) Case investigation form (CIF) and minimum dataset Case reporting form (CRF) https://covid.comesa.int/publications/m/item/monkeypox-minimum-dataset-case-reporting-form-(crf)
- 2022-23 Mpox (Monkeypox) Outbreak: Global Trends; https://worldhealthorg.shinyapps.io/mpx_global/
- UNAIDS. Democratic Republic of the Congo; https://www.unaids.org/en/regionscountries/countries/democraticrepublicofthecongo
Communication des risques, mobilisation communautaire et conseils en matière de santé publique
- Conseils de santé publique relatifs à la communication sur les risques et à la participation communautaire pour comprendre, prévenir et combattre la stigmatisation et la discrimination liées à la variole du singe. https://covid.comesa.int/fr/publications/m/item/communications-and-community-engagement-interim-guidance-on-using-inclusive-language-in-understanding--preventing-and-addressing-stigma-and-discrimination-related-to-monkeypox
- Conseils de santé publique relatifs à la variole du singe à l’intention des travailleurs du sexe ; https://covid.comesa.int/fr/publications/m/item/public-health-advice-for-sex-workers-on-monkeypox
- Conseils de santé publique sur la variole simienne et les lieux collectifs en tant que contextes de vie, de séjour ou de travail en collectivité ; https://covid.comesa.int/fr/publications/m/item/public-health-advice-on-mpox-and-congregate-settings--settings-in-which-people-live--stay-or-work-in-proximity
- Conseils de santé publique sur la variole simienne et les établissements et événements de commerce du sexe ; https://covid.comesa.int/fr/publications/m/item/public-health-advice-on-mpox-(monkeypox)– and-sex-on-premises-venues-and-events
- Questions-réponses : tout ce que vous devez savoir sur la variole du singe ; https://covid.comesa.int/europe/fr/news-room/questions-and-answers/item/mpox-q-a--what-you-need-to-know-about-mpox
Planification stratégique et soutien global
- Responding to the global mpox outbreak: ethics issues and considerations: a policy brief, 19 July 2023; https://covid.comesa.int/publications/i/item/WHO-Mpox-Outbreak_response-Ethics-2023.1
- Smallpox vaccines, SAGE September 2023: meeting highlights; https://covid.comesa.int/publications/m/item/sage-september-2023--meeting-highlights