Aperçu de la situation
Description de la situation
Le 30 septembre 2020, l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane française a signalé que le virus Oropouche (OROV) avait été détecté pour la première fois en Guyane française. Le 22 septembre 2020, l’Institut Pasteur de Cayenne (membre du Centre national de référence arbovirus) a notifié au Point focal national RSI pour la France sept cas confirmés en laboratoire d’infection à virus Oropouche dans le village de Saül.
Ces cas ont été repérés à la suite d’enquêtes cliniques sur un nombre anormalement élevé de cas de maladies ressemblant à la dengue dans le village. Entre le 11 août et le 25 septembre, 37 cas pour lesquels le tableau clinique était compatible avec la maladie à virus Oropouche ont été recensés à Saül. Les résultats de la recherche d’anticorps dirigés contre le virus de la dengue, le virus du chikungunya et le virus Zika étaient négatifs, et une infection à virus Oropouche a été retrouvée chez sept des neuf cas à l’issue d’un test par amplification génique après transcription inverse (RT-PCR).
La plupart des 37 cas cliniquement compatibles sont des hommes (60 %) et l’âge médian des sujets est de 36 ans (fourchette : 3-82 ans). Les tranches d’âge les plus représentées sont 15-54 ans (19 cas) et 0-14 ans (10 cas). Un pic de cas a été observé à la mi-septembre et l’enquête sur la flambée se poursuit.
Le village de Saül est isolé et entouré par la forêt amazonienne. On ne peut s’y rendre qu’en atterrissant à l’aérodrome de Saül, qui se trouve à environ 45 minutes de vol de Cayenne.
Saül, qui est une destination prisée des randonneurs, compte officiellement 150 habitants. Toutefois, en raison d’une réduction drastique de la fréquence des vols à destination et en provenance de Saül pendant la pandémie de COVID-19, on estime que 50 à 80 personnes habitaient le village en août et en septembre. Par conséquent, compte tenu des 37 cas cliniquement compatibles, le taux d’atteinte par le virus Oropouche dans ce village pourrait être de 70 %. Aucun cas de COVID-19 n’a encore été notifié à Saül.
Action de santé publique
Les mesures de santé publique suivantes sont prévues ou déjà appliquées :
- Mission d’enquête entomologique prévue au cours de la semaine épidémiologique se terminant le 3 octobre 2020.
- Demande d’expertise entomologique auprès l’Institut Pasteur de la Guyane française.
- Messages de prévention à l’intention de la population locale, des touristes et des autres visiteurs de passage à Saül.
- Réunion d’un comité d’experts pour examiner la mise en œuvre d’une stratégie de surveillance entomologique et virologique des arbovirus et la réalisation d’études sur la compétence des vecteurs dans les zones qui ne sont pas encore touchées.
Évaluation du risque par l’OMS
C’est la première fois que le virus Oropouche est détecté en Guyane française. Par conséquent, la population est très sensible à ce virus. À ce jour, rien n’indique qu’il puisse y avoir une transmission interhumaine directe du virus Oropouche. Des cas d’infection à virus Oropouche ont été signalés dans d’autres pays de la Région des Amériques, ce qui signifie que le vecteur compétent, le moucheron Culicoides paraensis est présent dans la Région, tout commeCulex quinquefasciatus qui peut également être vecteur du virus. Toutefois, il faut encore déterminer dans quelle mesure ces vecteurs sont présents en Guyane française. Compte tenu de la répartition géographique des autres vecteurs compétents dans la Région des Amériques, il se peut que des cas soient identifiés dans d’autres pays. Le Bureau régional de l’OMS pour les Amériques et l’Organisation panaméricaine de la Santé continuent de surveiller la situation épidémiologique sur la base des dernières informations disponibles.
La pandémie actuelle de COVID-19 risque de perturber l’accès aux soins de santé à cause de la charge qu’elle fait peser sur le système de santé et sur les soignants et de la diminution de la demande due aux obligations de distanciation physique ou à la réticence des communautés.
Au vu de cette situation, il faut aussi prendre en considération la capacité des laboratoires locaux et des laboratoires nationaux de référence à traiter des échantillons contenant des arbovirus compte tenu de l’augmentation de la demande de traitement d’échantillons pour la COVID-19 et de l’absence de kits de diagnostic dans le commerce. Au 12 octobre, 10 144 cas de COVID-19, dont 69 mortels, avaient été notifiés en Guyane française.
Conseils de l’OMS
Compte tenu de son tableau clinique, la maladie à virus Oropouche doit être évoquée parmi les diagnostics différentiels d’autres maladies à transmission vectorielle courantes dans la Région des Amériques (par exemple, le paludisme, la dengue, le chikungunya, l’infection à virus Zika et la fièvre jaune). L’OMS recommande la vaccination antiamarile au moins 10 jours avant le voyage pour tous les voyageurs internationaux à destination de la Guyane française, à partir de l’âge de 9 mois. La Guyane française exige également un certificat de vaccination antiamarile pour tous les voyageurs âgés de plus d’un an.
Le fait que des sites de reproduction de moucherons vecteurs se trouvent à proximité d’habitations constitue un important facteur risque d’infection à virus Oropouche. Les stratégies de prévention sont fondées sur l’application de mesures visant à combattre ou à éradiquer les arthropodes vecteurs et sur de mesures de protection individuelle. Les mesures de lutte antivectorielle reposent sur la réduction des populations de moucherons par l’éradication des gîtes larvaires et sur les bonnes pratiques agricoles.
Pour ce faire, on peut réduire le nombre de réservoirs d’eau naturels ou artificiels qui servent d’habitat aux larves de moucherons afin de les populations adultes de moucherons autour des communautés à risque. Les mesures de protection individuelle consistent à prévenir les piqûres de moucherons par des moyens mécaniques (moustiquaires), à l’aide de dispositifs répulsifs, de vêtements traités avec des répulsifs et de répulsifs antimoustiques. Les insecticides chimiques tels que la deltaméthrine et le N,N-diéthyl-m-toluamide (DEET) se sont avérés efficaces pour lutter contre les espèces Culicoides et Culex.
Le virus Oropouche (OROV) est un virus à ARN monocaténaire de la famille des Peribunyaviridae qui circule en Amérique centrale et du Sud et dans les Caraïbes. On soupçonne que le virus circule à la fois selon des cycles épidémiques et selon des cycles sylvatiques. Dans le cycle sylvatique, les primates, les paresseux et peut-être les oiseaux sont les hôtes vertébrés, bien qu’un vecteur arthropode définitif n’ait pas été identifié. Dans le cycle épidémique, l’être humain est l’hôte amplificateur et le virus Oropouche se transmet principalement par la piqûre de moucherons Culicoides paraensis. Aucune transmission interhumaine directe du virus n’a été rapportée.
L’infection à virus Oropouche provoque des symptômes semblables à ceux de la dengue, avec une période d’incubation de 4 à 8 jours (fourchette : 3-12 jours). La maladie se manifeste par une forte fièvre d’apparition brutale, des céphalées, des myalgies, des éruptions cutanées, des douleurs articulaires et des vomissements. La maladie dure généralement de 3 à 6 jours. Les symptômes peuvent réapparaître brièvement dans 60 % des cas. La méningite aseptique est une complication rare de la maladie. Dans les Amériques, des flambées de maladie à virus Oropouche ont été signalées dans les communautés rurales et urbaines du Brésil, de l’Équateur, du Panama, du Pérou et de la Trinité-et-Tobago, et maintenant en Guyane française.
Références bibliographiques
- Romero-Alvarez D, Escobar LE. Oropouche fever, an emergent disease from the Americas. Microbes Infect. 2018;20(3):135-146.
- Sakkas H, Bozidis P, Franks A, Papadopoulou C. Oropouche Fever: A Review. Viruses. 2018;10(4):175. Published 2018 Apr 4. doi:10.3390/v10040175. Available at: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5923469/
- Travassos da Rosa JF, de Souza WM, Pinheiro FP, et al. Oropouche virus: Clinical, epidemiological, and molecular aspects of a neglected orthobunyavirus. Am J Trop Med Hyg. 2017;96(5):1019–30.
Références bibliographiques
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