Aperçu de la situation
Description de la situation
Le 8 juillet 2021, une infection par le virus Zika (ZIKV) a été confirmée en laboratoire chez un habitant de l’État du Kerala, dans le sud-ouest de l’Inde. Il s’agit du premier cas de maladie à virus Zika jamais signalé au Kerala. L’ARN du virus Zika a été détecté par un test RT-PCR à l’Institut national de virologie (NIV) de Pune, dans un échantillon de sang prélevé sur la patiente, une femme enceinte de 24 ans dans son troisième trimestre de grossesse résidant dans le district de Trivandrum. Le 28 juin 2021, elle a été admise dans un hôpital privé avec des symptômes typiques des arbovirus : fièvre, maux de tête et éruption cutanée diffuse. Les résultats de laboratoire étaient négatifs pour le virus de la dengue (DENV) et le virus du chikungunya (CHIKV). La femme a accouché le 7 juillet ; elle était apparemment en bonne santé et il n’y avait pas de malformations congénitales apparentes chez le nouveau-né. Dans les 3 mois précédant l’accouchement, elle avait résidé dans le district de Trivandrum sans avoir voyagé pendant cette période. Parmi les personnes-contacts, sa mère a déclaré avoir eu de la fièvre et des symptômes similaires une semaine avant la confirmation de l'infection à virus Zika chez sa fille.
Des tests rétrospectifs ont été effectués auprès de 19 membres du personnel hospitalier et patients du même hôpital privé qui avaient présenté de la fièvre, des myalgies, des arthralgies et des lésions pétéchiales en mai 2021. Des échantillons de sang prélevés sur ces 19 cas suspects de ZIKV ont été envoyés à l’Institut NIV de Pune, et le 10 juillet, les résultats de laboratoire ont confirmé que 13 des 19 échantillons étaient positifs pour le ZIKV par RT-PCR, signe d’une transmission cachée du ZIKV dans l’État du Kerala depuis mai 2021.
Au cours de la période allant du 8 au 26 juillet 2021, 590 échantillons de sang ont été prélevés dans l’État du Kerala dans le cadre d'une recherche active des cas et de la surveillance passive. Parmi ceux-ci, 70 (11,9 %) ont été testés positifs pour le ZIKV par RT-PCR par l’Institut NIV de Pune, dont quatre échantillons d’autres femmes enceintes. Tous ces cas provenaient du district de Trivandrum, à l’exception de deux cas signalés dans les districts d’Ernakulam et de Kottayam qui avaient tous deux des antécédents de voyage récents dans le district de Trivandrum.
Le 31 juillet 2021, l’État du Maharashtra a également signalé son premier cas confirmé en laboratoire d'infection à virus Zika à Belsar, un village de 3500 habitants situé dans l’unité administrative de Purandar Taluka, district de Pune. Le cas, une femme de 50 ans, a été testée positive à la fois pour le ZIKV (par RT-PCR et séroneutralisation) et le CHIKV (par RT-PCR et IgM ELISA) par l’Institut NIV de Pune. Cinquante et un échantillons supplémentaires de cas suspects de ZIKV ont été prélevés dans le village de Belsar, dont 40 pour lesquels les résultats ont été négatifs pour le ZIKV et 11 pour lesquels les résultats sont toujours attendus.
Jusqu’à présent, aucun cas de microcéphalie et/ou de syndrome de Guillain-Barré (SGB) n’a été relié à cette flambée épidémique.Action de santé publique
Le Ministère de la santé du Kerala, ainsi que les départements de la santé autonomes locaux, ont mis en œuvre les activités de riposte suivantes :
- Le 8 juillet 2021, l’État du Kerala a publié des lignes directrices pour une surveillance renforcée de la maladie à virus Zika et a envoyé des orientations à l'ensemble des 14 districts.
- Les activités d’information, d’éducation et de communication relatives à la maladie à virus Zika ont été immédiatement renforcées dans tout l’État. Des activités de sensibilisation à l'intention du personnel de santé et du grand public sont également en cours dans tout l’État.
- Tous les centres d’échographie ont reçu l’ordre de signaler les cas de microcéphalie lors des examens prénatals réguliers au fonctionnaire chargé de la santé reproductive et de la santé de l'enfant.
- Actuellement, quatre laboratoires (l’Institut national de virologie d’Alappuzha, les laboratoires des facultés de médecine de Trivandrum, Thrissur et Kozhikode) de l’État du Kerala sont équipés pour effectuer des tests RT-PCR pour l’infection à virus Zika. L’État prévoit également de commencer les tests dans un autre laboratoire de santé publique du district de Trivandrum. Jusqu’à présent, l’État a reçu 2100 kits RT-PCR de l'Institut NIV de Pune pour détecter les cas de Zika, qui ont été distribués aux quatre laboratoires mentionnés ci-dessus.
- Des mesures visant à assurer une exclusion stricte des donneurs de sang ayant des antécédents de fièvre au cours des deux semaines précédentes ont été prises.
- Une équipe centrale s’est rendue dans le district de Trivandrum et a prélevé des échantillons de moustiques et de larves dans la zone de résidence des cas et les a envoyés pour analyse au centre de recherche sur la lutte antivectorielle du site de terrain de Kottayam dans l’État du Kerala. Les résultats n’ont pas encore été reçus.
- Le Ministre de la santé de l’État a mené plusieurs séries d’examens, et tous les districts ont été alertés pour mener des activités de surveillance active, de lutte contre les moustiques et d’information, d’éducation et de communication liées à la lutte contre le virus Zika.
- Dans le district de Trivandrum, qui a été déclaré comme foyer épidémique de la maladie à virus Zika, des activités de lutte antivectorielle intensifiées ont été menées pendant une semaine, notamment : brumisation et pulvérisation à grande échelle, utilisation de larvicides, réduction des sources et désinfection des zones environnantes. En outre, des équipes de terrain se sont rendues dans chaque foyer pour rechercher activement des cas, veiller à l’élimination des sites de reproduction des moustiques et sensibiliser la communauté aux mesures préventives de lutte contre les moustiques et à l’identification des symptômes de la maladie à virus Zika afin de demander une assistance médicale en temps opportun.
Évaluation du risque par l’OMS
Le virus Zika peut provoquer des épidémies de grande ampleur pesant fortement sur le système de santé publique, notamment dans les domaines de la surveillance, de la prise en charge des cas et des capacités de laboratoire pour différencier la maladie à virus Zika d'autres maladies dues à la circulation concomitante d’autres virus transmis par les moustiques comme la dengue et le chikungunya. Bien que 60 à 80 % des cas infectés par le virus Zika soient asymptomatiques ou ne présentent que des symptômes bénins, la maladie à virus Zika peut provoquer une microcéphalie, un syndrome associé à l'infection congénitale à virus Zika ou un syndrome de Guillain-Barré. De plus, bien que le virus Zika soit principalement transmis par les moustiques de l’espèce Aedes, il peut également être transmis de la mère au fœtus pendant la grossesse, ou lors de rapports sexuels, de la transfusion de sang et de produits sanguins ou de la transplantation d’organes.
En Inde, des cas de maladie/d’infection à virus Zika ont été détectés dans les États du Gujarat, du Madhya Pradesh et du Rajasthan en 2018 (lignée de l’Asie du Sud-Est), mais aucune microcéphalie associée au ZIKV n’a été signalée. Bien que cet événement ne soit pas improbable, étant donné la large répartition du principal moustique vecteur, Aedes aegypti, et du vecteur compétent, Aedes albopictus, dans les États du Kerala et du Maharashtra, il est inhabituel car c’est la première fois que des cas de maladie à virus Zika sont confirmés dans ces États.
Le risque global est considéré comme faible au niveau régional et mondial, tandis qu’au niveau national (États du Kerala et du Maharashtra), il est actuellement évalué comme modéré, étant donné que :
- La transmission réelle du ZIKV pourrait être plus élevée en raison de l’immunité indéterminée de la population dans les deux États touchés et du tableau clinique asymptomatique de la plupart des infections à virus Zika ;
- Le principal vecteur Aedes aegypti et le vecteur compétent Aedes albopictus sont établis dans la région, souvent avec des densités élevées, et les conditions écologiques sont favorables à la transmission du virus Zika et à une possible endémicité ;
- Les données actuelles suggèrent que la principale source d’infection est la transmission vectorielle ; toutefois, des enquêtes épidémiologiques et entomologiques sont en cours et l’ampleur de la flambée épidémique pourrait évoluer ;
- Bien que des mesures de lutte appropriées aient été mises en œuvre et que les déplacements soient actuellement limités dans les conditions de pandémie de COVID-19, une propagation ultérieure de la maladie par des personnes infectées asymptomatiques ou légèrement symptomatiques ne peut être exclue ;
- La saison de la mousson en cours pourrait favoriser l'augmentation de la densité de vecteurs et la probabilité d’une transmission ultérieure par les moustiques ;
- Le Kerala est une destination touristique avec des voyages fréquents à destination et en provenance d’autres régions du pays, et d’autres pays ; cependant, il existe actuellement des restrictions aux voyages en raison de la pandémie de COVID-19.
- L’exportation au sein de l’Inde et vers d’autres États et pays ne peut être exclue en raison de la présence d’un vecteur compétent (Aedes aegypti) dans d’autres États où les moustiques peuvent être infectés en mordant les voyageurs de retour du Kerala infectés, ce qui pourrait entraîner une propagation élargie de la maladie.
- La région dans son ensemble reste à risque de transmission du virus Zika en raison de la présence de vecteurs compétents, souvent selon des densités élevées, et les activités de lutte antivectorielle peuvent avoir été interrompues dans d’autres pays en raison de la pandémie.
Conseils de l’OMS
La protection contre les piqûres de moustiques pendant la journée et en début de soirée est une mesure essentielle pour la prévention de l’infection à virus Zika. Une attention particulière doit être accordée à la prévention contre les piqûres de moustiques chez les femmes enceintes, les femmes en âge de procréer et les jeunes enfants.
Les moustiques du type Aedes se reproduisent dans les réceptacles d’eau que l'on trouve aux alentours des maisons, des écoles et des lieux de travail. Il est par conséquent important d’éliminer tous les gîtes larvaires (sites de ponte) potentiels des moustiques par des moyens appropriés : en couvrant les récipients de stockage de l’eau, en retirant l’eau stagnante des pots de fleurs, et en évacuant les déchets et les pneus usagés. Les initiatives communautaires sont essentielles pour soutenir les autorités locales et les programmes de santé publique visant à réduire les gîtes larvaires des moustiques. Les autorités sanitaires peuvent également conseiller l’utilisation de larvicides et d’insecticides pour réduire les populations de moustiques et la propagation des maladies. Dans les zones semi-urbaines, il convient d'empêcher la prolifération des sites de ponte d’Aedes spp. dans les plantations d’hévéas et autres bassins d’eau stagnante.
Les personnes se rendant dans les zones à haut risque, et en particulier les femmes enceintes, doivent prendre les précautions de base pour se protéger contre les piqûres de moustique. Cela comprend l’utilisation de répulsifs, le port de vêtements de couleur claire couvrant les bras et les jambes, ainsi que l’installation de moustiquaires aux fenêtres pour empêcher les moustiques d’entrer dans les pièces d’habitation.
Dans les régions de transmission active du virus Zika, toutes les personnes présumées infectées par le virus et leurs partenaires sexuels (en particulier les femmes enceintes) doivent être informés des risques de transmission sexuelle du virus Zika.
L’OMS recommande que les hommes et les femmes sexuellement actifs soient correctement conseillés sur l’infection par le virus Zika et que leur soit proposée une gamme complète de méthodes contraceptives pour qu’ils puissent faire un choix éclairé sur l’opportunité de concevoir un enfant et le moment de le faire, afin d’éviter le syndrome associé à l'infection congénitale à virus Zika et les autres éventuelles issues de la grossesse ou issues fœtales défavorables.
Les femmes qui ont eu des rapports sexuels non protégés et qui ne souhaitent pas tomber enceintes par crainte de l’infection à virus Zika doivent avoir facilement accès à la contraception d’urgence et aux services de conseil associés. Les femmes enceintes doivent avoir des rapports protégés (notamment grâce à l’usage correct et systématique du préservatif) ou s’abstenir de tout rapport pendant toute la durée de leur grossesse. Les femmes enceintes doivent être encouragées à se rendre aux rendez-vous prévus et aux visites complètes de soins prénatals et de suivi, y compris avoir accès aux services d’échographie pour détecter la microcéphalie et d’autres anomalies du développement associées à l’infection à ZIKV pendant la grossesse, conformément au plan de riposte national/de l’État.
Dans les régions sans transmission active du virus Zika, l’OMS recommande aux personnes qui reviennent de zones de transmission active du ZIKV d'avoir des rapports sexuels protégés ou de pratiquer l’abstinence pendant une période de six mois pour les hommes et de deux mois pour les femmes, pour éviter de transmettre l’infection à leurs partenaires sexuels. Les partenaires sexuels des femmes enceintes qui vivent ou se sont rendus dans des zones où le virus Zika se transmet localement doivent avoir des rapports protégés ou s’abstenir de tout rapport pendant toute la grossesse.
Plus d'informations
- OMS 2018 : Maladie à virus Zika
- Lignes directrices de l'OMS pour la prévention de la transmission sexuelle du virus Zika (en anglais)
- Principaux repères de l’OMS sur le virus Zika
- Outil OPS/OMS pour le diagnostic et la prise en charge des patients présumés infectés par des maladies à arbovirus (en anglais)
- Le virus Zika dans le contexte de la COVID-19 en Inde : une préoccupation croissante (en anglais)
- La surveillance vectorielle à l'échelle nationale du virus Zika et du virus de la dengue n’a pas montré l'existence d'une transmission du « virus ZIKA de la lignée américaine à potentiel pandémique » en Inde (en anglais)