Principaux faits
- Le phénomène El Niño-oscillation australe (ENSO) est l’une des sources les plus importantes de variabilité annuelle du climat mondial, juste derrière la relation Terre-Soleil, qui détermine les saisons. El Niño et son pendant, La Niña, sont associés à des régimes caractéristiques de précipitations et de température, qui peuvent inclure des événements extrêmes tels que des inondations et des sécheresses.
- L’ENSO a des répercussions dans de nombreuses régions du globe, mais touche plus fortement les tropiques, notamment des pays et des territoires d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie du Sud et du Sud-Est qui sont particulièrement vulnérables aux risques naturels.
- Par la modification des conditions climatiques, l’ENSO peut avoir de graves effets sur les principaux déterminants de la santé, en jouant, entre autres facteurs, sur la sécurité alimentaire, la qualité de l’air et de l’eau, les écosystèmes et la sécurité des infrastructures sanitaires. L’ENSO est également associée à une modification des modes de transmission des maladies à transmission vectorielle, véhiculées par les rongeurs et d’origine hydrique, ainsi qu’à l’intoxication des poissons et des fruits de mer.
- Les systèmes d’alerte précoce et les mesures d’anticipation peuvent contribuer à réduire les impacts des conditions météorologiques extrêmes exacerbées par l’ENSO.
Vue d’ensemble
El Niño-oscillation australe (ENSO) est un phénomène climatique naturel à grande échelle qui se caractérise par des fluctuations de la température de l’océan dans le centre et l’est du Pacifique équatorial, ainsi que par des changements dans l’atmosphère sus-jacente. El Niño et La Niña en sont les composantes océaniques, tandis que l’oscillation australe en est le pendant atmosphérique, d’où le terme « El Niño-oscillation australe » (ENSO). L’ENSO se produit selon des cycles irréguliers de 2 à 7 ans et présente 3 phases : la phase El Niño, la phase La Niña et la phase neutre. Un épisode El Niño est caractérisé par une période de réchauffement des eaux de surface, ce qui empêche la remontée d’eau froide riche en nutriments au large des côtes du Pérou et de l’Équateur ; il dure généralement entre 12 et 18 mois. À l’inverse, pendant un épisode La Niña, les eaux de surface sont plus froides que la moyenne dans le centre et l’est de l’océan Pacifique, et les vents dominants de surface vont d’est en ouest et s’intensifient.
ENSO et climat
Chaque phénomène El Niño/La Niña a des effets variables en fonction de son intensité, de sa durée, de la période de l’année où il se développe et de son interaction avec d’autres modes de variabilité du climat. Toutes les régions du monde ne sont pas touchées, et même au sein d’une même région, les répercussions peuvent varier. En plus de l’augmentation des températures à l’échelle mondiale, les influences d’El Niño sont habituellement les suivantes dans les différentes régions :
- Afrique : conditions plus sèches en Afrique australe et dans certaines régions du Sahel ; conditions plus humides en Afrique de l’Est équatoriale pendant la courte saison des pluies (octobre-décembre).
- Asie-Pacifique, Asie centrale : diminution des précipitations en Asie du Sud et du Sud-Est ; conditions plus humides dans les îles du Pacifique centre-est et dans l’ensemble de la chaîne de montagnes de l’Hindou Kouch en Asie centrale.
- Amérique latine : conditions plus sèches dans le nord du Brésil ; fortes pluies en Amérique centrale, dans le nord du Pérou, en Équateur et dans le nord et le sud-est de l’Amérique du Sud.
Carte des précipitations pendant un phénomène El Niño (en anglais)
- La Niña tend à entraîner des répercussions inverses par rapport à El Niño, avec des températures mondiales plus fraîches :
- Afrique : conditions plus humides que la normale en Afrique australe ; conditions plus sèches que la normale sur l’Afrique de l’Est équatoriale (décembre à février).
- Asie-Pacifique, Asie centrale : précipitations supérieures à la normale dans des pays comme l’Indonésie, la Malaisie et les Philippines ; diminution des précipitations en Asie centrale (janvier à mai).
- Amérique latine : conditions plus humides que la normale dans le nord du Brésil ; conditions plus sèches que la normale le long des côtes du Pacifique central et oriental ; saison des ouragans plus active dans les Caraïbes.
Carte des précipitations pendant un phénomène La Niña (en anglais)
Effets sur la santé
Il a été observé que l’incidence locale des maladies à transmission vectorielle, l’exposition à la fumée des feux de forêt, le stress thermique, ainsi que les effets sur la santé et la nutrition liés à la sécheresse sont influencés par les événements causés par le phénomène ENSO.
Les associations observées entre l’ENSO et ses effets sur la santé ne sont pas linéaires ni systématiques, mais dépendent de l’intensité du phénomène, de la période de l’année et d’autres facteurs. Les effets ont tendance à être plus intenses dans les pays les moins avancés, où les populations ont une capacité d’adaptation limitée et sont souvent plus vulnérables aux impacts des conditions météorologiques et climatiques extrêmes. Leurs moyens de subsistance dépendent souvent en grande partie des ressources naturelles et de pratiques agricoles alimentées par les eaux pluviales ; les logements ne sont en général pas protégés contre les phénomènes météorologiques extrêmes ; l’accès aux soins de santé, à l’eau potable et à des installations d’assainissement adéquates est parfois limité ; et les maladies infectieuses déterminées par les conditions environnementales sont souvent préexistantes.
Maladies à transmission vectorielle
Les vecteurs, tels que les moustiques, responsables de la transmission du paludisme, de la dengue et de la fièvre de la vallée du Rift sont sensibles aux modifications de la température, des précipitations et de l’humidité ; ces facteurs déterminent dans quelle mesure les écosystèmes favorisent la reproduction, le développement et l’activité des vecteurs.
Paludisme
Les effets de l’ENSO sur le paludisme sont plus prononcés dans les zones sujettes aux épidémies, où les conditions climatiques ne sont généralement pas propices à la reproduction des vecteurs tout au long de l’année. De petits changements des conditions climatiques dans ces régions peuvent transformer des habitats normalement inadaptés en habitats viables pour les moustiques qui transmettent le paludisme, ou prolonger temporairement la période de circulation du paludisme. L’effet de l’ENSO sur le paludisme est rendu possible par son impact sur les régimes de précipitations et de température. Dans les zones sèches, des pluies intenses peuvent créer des flaques d’eau, et dans les zones humides, la sécheresse peut entraîner la formation de réservoirs d’eau stagnante ; ces deux facteurs sont propices à l’apparition de nouveaux sites de reproduction des moustiques. La baisse de l’immunité acquise au fil du temps par les habitants de ces nouvelles zones sujettes au paludisme peut encore accroître le risque d’épidémie. Des données factuelles montrant le lien existant entre l’ENSO et le paludisme ont été recueillies en Afrique australe, en Asie du Sud et en Amérique du Sud.
Pollution atmosphérique
Les épisodes de sécheresse liés à l’ENSO peuvent aggraver le risque d’incendies de forêt, dont les fumées sont responsables d’une pollution locale et qui traverse les frontières. L’inhalation de fumées provenant des incendies constitue un problème de santé publique majeur, car elle est la cause de maladies respiratoires et d’autres effets nocifs.
La sécheresse due au phénomène El Niño de 1997 a contribué à l’aggravation des incendies de forêt au Brésil, en Indonésie et en Malaisie. En 2015, des incendies de forêt exacerbés par la sécheresse liée à El Niño ont eu une incidence sur la qualité de l’air dans six pays d’Asie du Sud-Est, y compris en Indonésie, où l’état d’urgence a été déclaré en raison de la mauvaise qualité de l’air.
Chaleur extrême
Toute transition entre une phase La Niña et une phase El Niño a des chances d’entraîner une augmentation de la température moyenne à la surface du globe ; cette tendance au réchauffement favorise des épisodes de chaleur extrême dans l’hémisphère sud. L’influence conjuguée du réchauffement associé à El Niño et de la hausse des températures mondiales due aux changements climatiques amplifie la probabilité de connaître des épisodes de chaleur extrême dans de nombreuses régions, les conditions pouvant devenir mortelles pour des millions de personnes.
En savoir plus sur la chaleur et les changements climatiques (en anglais)
Sécheresse et insécurité alimentaire
La production alimentaire est extrêmement sensible aux conditions climatiques. Les sécheresses et les fortes précipitations liées à l’ENSO peuvent donc mettre en péril la sécurité alimentaire. L’association entre certains des épisodes de crise alimentaire les plus graves et l’ENSO a pu être démontrée.
- La crise alimentaire mondiale de 1982-1984 – la plus grave jamais enregistrée – et notamment les famines qui ont frappé les populations de la Corne de l’Afrique et du Sahel, est en lien avec El Niño.
- El Niño a également déclenché la sécheresse de 1991-1992 en Afrique australe, qui a touché près de 100 millions de personnes.
- Au Pérou, une étude a révélé, en neutralisant les effets d’autres facteurs, que les enfants nés pendant et après l’épisode El Niño de 1997-1998 étaient en moyenne plus petits et avaient moins de masse maigre pour leur âge et leur sexe que ce à quoi on pourrait s’attendre sans El Niño.
- Entre 2020 et 2023, un épisode La Niña dit à triple creux a entraîné trois années consécutives de sécheresse en Éthiopie, au Kenya et en Somalie, plongeant des millions de personnes dans une grave famine.
- Un lien a également été établi entre l’ENSO et les sécheresses au Brésil, dans le nord-est de la Chine, en Indonésie, aux Îles Marshall, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Philippines.
Préparation dans le domaine de la santé
Les épisodes ENSO peuvent être prédits avec une certaine fiabilité plusieurs mois à l’avance, ce qui permet à la communauté du climat de préparer des prévisions saisonnières avec une précision accrue. La meilleure prévisibilité des événements climatiques sur une saison ou sur plusieurs années peut aider les responsables de la planification et les professionnels de santé à anticiper les risques de l’ENSO pour la santé, à s’y préparer et à y faire face. Voici deux exemples :
- En 2014, les données concernant l’ENSO collectées par l’Institut international de recherche sur le climat et la société à l’intention de la communauté de professionnels chargés de la lutte antipaludique en Afrique de l’Est ont fourni des informations à caractère urgent permettant de mettre en place des interventions visant à réduire la transmission du paludisme dans les zones à haut risque.
- Les pays où des services relevant de l’initiative Enhanced National Climate Services (ENACTS) sont en cours de mise en place ont la possibilité de partager des informations sur les répercussions passées des phénomènes ENSO, en particulier en ce qui concerne la distribution spatiale et temporelle des modifications des précipitations et des températures au niveau des districts.
Action de l’OMS
L’OMS protège la santé humaine contre les risques liés à la variabilité climatique grâce à ses programmes sur les déterminants environnementaux et sociaux de la santé, la préparation et la riposte aux situations d’urgence, la prévention et la maîtrise des maladies infectieuses, l’amélioration de la recherche en santé et des bases factuelles, ainsi que le renforcement des systèmes de santé.
Conformément au mandat émanant de l’Assemblée mondiale de la Santé, l’OMS aide les pays à mettre sur pied des stratégies et des plans d’action nationaux dans le but de renforcer la résilience des systèmes de santé face aux changements climatiques, de mieux sensibiliser aux répercussions du climat local sur la santé et d’améliorer les données factuelles en la matière, ainsi que de renforcer la capacité des systèmes de santé à gérer les risques sanitaires associés aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux changements climatiques.
Un bureau commun OMS-Organisation météorologique mondiale (OMM) pour le climat et la santé a été mis en place en 2014. Il aide l’OMS à améliorer la préparation et la prise de décisions dans le domaine de la santé grâce à une meilleure utilisation des informations météorologiques et climatiques, y compris en ce qui concerne l’ENSO.