Principaux faits
- La filariose lymphatique altère le système lymphatique et peut entraîner une augmentation anormale du volume de certaines parties du corps, donnant lieu à des douleurs, un handicap sévère et une stigmatisation sociale.
- À l’échelle mondiale, plus de 657 millions de personnes dans 39 pays sont exposées à un risque de filariose lymphatique et nécessitent une chimioprévention pour endiguer la propagation de cette parasitose.
- Il est possible d’éliminer la filariose lymphatique en mettant fin à la propagation de l’infection grâce à une chimioprévention répétée tous les ans, reposant sur l’administration d’une association de médicaments sûrs. Depuis 2000, plus de 9,7 milliards de traitements ont été administrés pour enrayer la propagation de l’infection.
- En 2018, 51 millions de personnes avaient été infectées, ce qui représente une baisse de 74 % depuis le début du Programme mondial pour l’élimination de la filariose lymphatique en 2000.
- Grâce aux stratégies mises en œuvre avec succès par l’OMS, 871 millions de personnes n’ont désormais plus besoin de chimioprévention.
- Un ensemble essentiel de soins recommandés permet de soulager la souffrance des personnes atteintes de filariose lymphatique et d’éviter une aggravation de leur handicap.
Vue d’ensemble
La filariose lymphatique, communément appelée éléphantiasis, est une maladie tropicale négligée. L’infection se produit lorsque les parasites filaires responsables de la maladie sont transmis à l’être humain par des moustiques. Généralement contractée dans l’enfance, cette infection provoque des lésions non apparentes du système lymphatique.
Les manifestations visibles, douloureuses et gravement défigurantes de la maladie – à savoir le lymphœdème, l’éléphantiasis et la tuméfaction du scrotum – n’apparaissent que plus tard et peuvent entraîner un handicap permanent. Outre ce handicap physique, la maladie a des répercussions négatives sur la santé mentale, la vie sociale et la situation financière des malades, ce qui contribue à leur stigmatisation et à leur pauvreté.
En 2023, 657 millions de personnes dans 39 pays vivaient dans des zones où une chimioprévention était nécessaire pour mettre un terme à la propagation de l’infection.
Selon les estimations initialement établies sur la filariose lymphatique dans le monde, 25 millions d’hommes étaient atteints d’hydrocèle et plus de 15 millions de personnes souffraient de lymphœdème. Ces manifestations chroniques de la maladie persistent chez au moins 36 millions de personnes. L’élimination de la filariose lymphatique permet d’éviter des souffrances inutiles et contribue à faire reculer la pauvreté.
Cause et transmission
La filariose lymphatique résulte de l’infestation par des nématodes (vers) parasites appartenant à la famille des Filaridés. Ces vers filaires, d’apparence filiforme, sont de trois types :
- Wuchereria bancrofti, qui est responsable de 90 % des cas ;
- Brugia malayi, qui est à l’origine de la plupart des autres cas ;
- Brugia timori, qui provoque aussi la maladie dans certains cas.
Les vers adultes se logent dans les vaisseaux lymphatiques et altèrent les fonctions du système lymphatique. Ils ont une longévité d’environ six à huit ans et, au cours de leur vie, produisent des millions de microfilaires (larves immatures) qui circulent dans le sang.
Les moustiques sont infestés par les microfilaires lorsqu’ils piquent un hôte infecté et ingèrent son sang. Les microfilaires se développent à l’intérieur du moustique jusqu’à devenir des larves infestantes. Lorsqu’une nouvelle personne est piquée par le moustique infecté, les larves matures du parasite sont déposées sur sa peau et peuvent alors pénétrer dans l’organisme. Les larves migrent ensuite vers les vaisseaux lymphatiques où elles parviennent à maturité, perpétuant ainsi le cycle de transmission.
La filariose lymphatique est transmise par différents types de moustiques, notamment les moustiques Culex, largement répandus dans les zones urbaines et semi-urbaines, les moustiques Anopheles, essentiellement présents dans les zones rurales, et les moustiques Aedes, que l’on trouve principalement dans les îles du Pacifique où la maladie est endémique.
Symptômes
La filariose lymphatique peut être asymptomatique, aiguë ou chronique. La plupart des infections sont asymptomatiques : elles ne se manifestent par aucun signe extérieur, mais contribuent à la transmission du parasite. Bien qu’asymptomatiques, ces infections entraînent toutefois une atteinte du système lymphatique et des reins et altèrent le système immunitaire de l’organisme.
Lorsque la filariose lymphatique devient chronique, elle conduit à un lymphœdème (tuméfaction des tissus), à un éléphantiasis des membres (épaississement de la peau et des tissus) ou à une hydrocèle (tuméfaction scrotale). Les seins et les organes génitaux sont fréquemment atteints. Souvent, ces difformités physiques donnent lieu à une stigmatisation sociale, ont des répercussions négatives sur la santé mentale des malades, compromettent leurs possibilités de revenu et entraînent des dépenses médicales qui représentent une charge financière accrue pour les personnes atteintes et pour celles qui les aident. Le fardeau socioéconomique associé à l’isolement et à la pauvreté des malades est énorme.
Le lymphœdème et l’éléphantiasis chroniques s’accompagnent souvent d’épisodes aigus d’inflammation localisée de la peau, des ganglions lymphatiques et des vaisseaux lymphatiques. Certains de ces épisodes sont imputables à la réponse immunitaire de l’organisme au parasite. Dans la plupart des cas, ces inflammations sont dues à une surinfection bactérienne cutanée résultant d’une perte partielle des défenses normales de l’organisme provoquée par l’atteinte du système lymphatique. Ces crises aiguës sont débilitantes, peuvent durer plusieurs semaines et sont la cause principale de la perte de revenus parmi les personnes atteintes.
Traitement
Il est possible d’éliminer la filariose lymphatique en mettant fin à la propagation de l’infection grâce à la chimioprévention. L’administration de masse de médicaments (AMM) est la stratégie de chimioprévention recommandée par l’OMS pour éliminer la maladie. Elle consiste à administrer une dose annuelle de médicaments à l’ensemble de la population à risque. Les médicaments employés n’ont qu’un effet limité sur les parasites adultes, mais ils réduisent efficacement la densité des microfilaires dans le sang et préviennent ainsi la transmission des parasites aux moustiques.
Le schéma thérapeutique recommandé pour les AMM dépend de la coendémicité éventuelle de la filariose lymphatique avec d’autres maladies filariennes. L’OMS recommande les schémas d’AMM suivants :
- albendazole seul (400 mg) deux fois par an dans les zones de coendémicité de la loase ;
- ivermectine (200 µg/kg) en association avec l’albendazole (400 mg) dans les pays touchés par l’onchocercose ;
- citrate de diéthylcarbamazine (DEC) (6 mg/kg) en association avec l’albendazole (400 mg) dans les pays exempts d’onchocercose ; et
- ivermectine (200 µ/kg) en association avec le citrate de diéthylcarbamazine (DEC) (6 mg/kg) et l’albendazole (400 mg) dans les pays exempts d’onchocercose et où d’autres conditions programmatiques sont remplies.
L’impact des AMM dépend de l’efficacité du schéma thérapeutique employé, ainsi que du taux de couverture obtenu (proportion de la population totale ayant pris les médicaments). Il a été observé que les AMM réalisées avec une association de deux médicaments parvenaient à interrompre le cycle de transmission lorsqu’elles étaient menées chaque année pendant au moins quatre à six ans, avec une couverture efficace de toute la population à risque. Du sel enrichi en DEC a également été employé exceptionnellement dans quelques contextes pour interrompre le cycle de transmission.
Au début du Programme mondial pour l’élimination de la filariose lymphatique, la filariose lymphatique était considérée comme endémique dans 81 pays. Depuis, de nouvelles données épidémiologiques ont montré que la chimioprévention était devenue inutile dans 10 pays. Entre 2000 et 2023, 9,7 milliards de traitements ont été distribués, permettant à plus de 943 millions de personnes d’être traitées au moins une fois dans 71 pays, d’où une forte baisse de la transmission dans de nombreuses parties du monde. Le nombre de personnes nécessitant une AMM a régressé de 58,6 % (871 millions) dans les endroits où la prévalence de l’infection a été ramenée au-dessous des seuils d’élimination. Selon des estimations prudentes, le bénéfice économique global de ce programme s’élève à 24 milliards de dollars des États-Unis (USD) pour la période 2000-2007. On estime que les traitements administrés jusqu’en 2015 ont permis d’éviter des pertes économiques d’au moins 100,5 milliards USD sur toute la durée de vie des cohortes traitées.
On considère désormais que la filariose lymphatique est éliminée en tant que problème de santé publique dans 21 pays et territoires (Bangladesh, Brésil, Cambodge, Égypte, Îles Cook, Îles Marshall, Kiribati, Maldives, Malawi, Nioué, Palaos, République démocratique populaire lao, Sri Lanka, Thaïlande, Timor-Leste, Tonga, Togo, Vanuatu, Viet Nam, Wallis et Futuna, et Yémen). En 2023, 14 pays avaient appliqué avec succès les stratégies recommandées et mis un terme aux traitements de masse, et faisaient l’objet d’une surveillance visant à démontrer que la maladie avait bien été éliminée. Une chimioprévention est encore nécessaire dans 39 pays. Dans six d’entre eux, les zones d’endémie n’avaient pas toutes fait l’objet d’une AMM à la fin 2023.
Prise en charge de la morbidité
La prise en charge de la morbidité et la prévention des handicaps revêtent une importance vitale pour la santé publique et constituent des services essentiels devant être assurés par le système de santé pour en garantir la pérennité. La chirurgie permet de soulager la plupart des cas d’hydrocèle. La gravité clinique et la progression de la maladie, y compris les épisodes inflammatoires aigus, peuvent être atténuées et prévenues grâce à de simples mesures d’hygiène, des soins de la peau, des exercices et l’élévation des membres affectés. Les personnes atteintes de lymphœdème doivent pouvoir bénéficier de soins continus tout au long de leur vie, tant pour prendre en charge la maladie que pour prévenir son aggravation.
Le Programme mondial pour l’élimination de la filariose lymphatique vise à garantir l’accès à un ensemble essentiel d’interventions à toutes les personnes atteintes d’affections chroniques liées à la filariose lymphatique dans toutes les zones d’endémie afin de soulager leurs souffrances et d’améliorer leur qualité de vie.
Les objectifs d’élimination de la filariose lymphatique seront atteints si les personnes touchées ont accès à l’ensemble de soins essentiels suivant :
- traitement des épisodes d’adénolymphangite ;
- conseils sur l’application de mesures simples de prise en charge du lymphœdème afin de prévenir l’évolution de la maladie et la survenue d’épisodes débilitants et inflammatoires d’adénolymphangite ;
- traitement chirurgical de l’hydrocèle ; et
- traitement de l’infection.
Lutte contre les vecteurs
La lutte contre les moustiques est une stratégie complémentaire soutenue par l’OMS. Elle permet de réduire la transmission de la filariose lymphatique et d’autres infections transmises par les moustiques. Selon l’espèce du vecteur porteur du parasite, l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent à l’intérieur des habitations ou l’application de mesures de protection individuelle peuvent contribuer à protéger la population. Dans les zones où les moustiques Anopheles sont le principal vecteur de la filariose, le recours aux moustiquaires imprégnées d’insecticide renforce l’impact des traitements sur la transmission pendant et après les AMM. Il a déjà été constaté que, dans certains endroits, la lutte antivectorielle avait contribué à l’élimination de la filariose lymphatique en l’absence d’une chimioprévention de masse.
Action de l’OMS
Dans sa résolution WHA50.29, l’Assemblée mondiale de la Santé encourageait les États Membres à éliminer le problème de santé publique que constitue la filariose lymphatique. En 2000, pour donner suite à cette résolution, l’OMS a lancé le Programme mondial pour l’élimination de la filariose lymphatique.
Cette stratégie de l’OMS se fonde sur deux éléments essentiels :
- enrayer la propagation de l’infection grâce à un traitement de masse annuel ciblant toutes les personnes concernées dans les zones ou régions touchées par l’infection ; et
- soulager les souffrances liées à la filariose lymphatique grâce à un ensemble essentiel de soins recommandés.
En 2020, le Programme mondial a fixé les objectifs suivants pour la nouvelle feuille de route pour les maladies tropicales négligées (2021-2030) :
- 58 pays d’endémie (80 %) satisfont aux critères de validation de l’élimination de la filariose lymphatique en tant que problème de santé publique, avec à la fois des taux d’infection soutenus sous les seuils visés pendant au moins quatre ans après l’arrêt de l’administration de masse de médicaments et la mise à disposition de l’ensemble essentiel de soins dans toutes les zones où l’on sait qu’il y a des patients ;
- 72 pays d’endémie (100 %) mettent en place une surveillance faisant suite à l’administration de masse de médicaments ou à la validation ; et
- le nombre de personnes dans la population nécessitant une administration de masse de médicaments est ramené à 0.