L’obésité doit être traitée comme toute autre maladie qui menace la vie des populations. Pour lutter efficacement contre l’obésité, les responsables politiques, les professionnels de santé et les autres parties prenantes doivent instaurer un système de santé garantissant que chaque personne a accès à des soins de qualité pour la prise en charge du surpoids et de l’obésité. L’Autriche œuvre actuellement à la mise en place d’un tel système qui pourrait faire passer le traitement de l’obésité à un niveau supérieur.
Lutte contre l’obésité : le traitement n’est qu’un début
Nina, une jeune fille originaire d’une région rurale d’Autriche, a été diagnostiquée obèse et atteinte de comorbidités très lourdes à l’âge de 14 ans. Après un traitement médicamenteux et une réduction significative de son poids, elle a été renvoyée de l’hôpital. Mais comme elle vivait à deux heures et demie de route de la clinique, elle a perdu le contact avec ses médecins 8 mois après le traitement.
Lorsque Nina est revenue, elle avait non seulement repris du poids mais souffrait aussi d’un diabète de type 2.
« Des cas comme celui de Nina montrent que si le traitement peut aider, il ne sera jamais suffisant si les relations entre le médecin et le patient ne sont pas maintenues, et s’il n’existe pas de système national délivrant des directives claires sur la manière de soigner l’obésité, » a expliqué le docteur Daniel Weghuber, chef du Département de pédiatrie à la Clinique universitaire de médecine des enfants et des adolescents de l’Université médicale Paracelsus à Salzbourg.
Actuellement, environ 240 000 enfants et adolescents sont atteints de surpoids ou d’obésité en Autriche.
Selon un rapport récemment publié par l’OMS/Europe, environ 60 % des adultes et 1 enfant sur 3 vivent avec cette pathologie dans l’ensemble de la Région européenne de l’OMS. Pour enrayer l’augmentation de l’obésité, il faudra adopter des approches politiques globales, tant dans le domaine de la prévention de l’obésité (par exemple en instaurant des environnements favorables à l’adoption d’une alimentation saine et à la pratique de l’activité physique) que dans celui de la prise en charge de l’obésité et du surpoids.
Le traitement de l’obésité dans le cadre de l’assurance générale
En sa qualité de président de l’European Childhood Obesity Group, le docteur Weghuber a dirigé les travaux visant à établir un concept national de traitement de l’obésité infantile pour l’Autriche, sur la base du principe que l’obésité est une maladie chronique grave étroitement liée à d’autres maladies non transmissibles, notamment le cancer, le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Le concept a été préparé par des professionnels des soins de santé primaires à tertiaires, et a obtenu l’adhésion de toutes les parties prenantes concernées, y compris les représentants du secteur de la sécurité sociale, en 2019.
L’OMS a exhorté les États membres à prendre de nouvelles mesures pour enrayer ce qu’il est convenu d’appeler l’épidémie mondiale d’obésité d’ici à 2025, car aucun pays de la Région n’est en passe de stopper ou même de réduire la progression de l’obésité à cette échéance.
Aujourd’hui, l’Autriche est prête à passer à l’étape suivante. Des professionnels de santé et des acteurs de premier plan ont lancé une initiative à l’échelle nationale baptisée « Alliance autrichienne contre l'obésité. » Celle-ci propose un programme renouvelé de prise en charge de l’obésité qui reconnaît l’obésité comme une maladie, et exige que le système de sécurité sociale intègre la prise en charge de l’obésité dans le système d’assurance maladie universelle.
Nombreux sont ceux qui ne considèrent pas l’obésité comme un problème
En Autriche, plusieurs régions ont déjà créé l’infrastructure nécessaire à la mise en œuvre prévue du programme national de traitement de l’obésité. Ces structures peuvent être étendues à d’autres régions du pays. Or, le déploiement de ce programme exige également la prise d’un engagement politique reconnaissant que l’obésité constitue un grave problème de santé publique.
« Nous devons changer la perception de l’obésité qui prévaut aujourd’hui, » a expliqué le docteur Michael Krebs, spécialiste en médecine interne de l’Université de médecine de Vienne. « Plus de 3 millions d’adultes et 240 000 enfants souffrent de surpoids et d’obésité en Autriche, représentant une large tranche de la population. Pourtant, plus de 85 % des patients souffrant d’obésité et demandant à se faire soigner dans notre clinique ambulatoire sont des femmes. Cela signifie que la plupart des hommes atteints d’obésité ne considèrent pas leur état comme une maladie, ou ne veulent pas la soigner pour une raison quelconque. »
Dans de nombreux pays de la Région, l’obésité est encore associée à la stigmatisation sociale, ce qui multiplie les risques mortels de cette pathologie. Les professionnels de santé ont besoin de l’aide des décideurs pour délivrer des messages fondés sur des données probantes et diffuser les recommandations de l’OMS à un public plus large.
« Nous devons accepter que l’obésité est une maladie »
« Les pays doivent adopter une approche globale de la prévention et de la prise en charge de l’obésité, » a déclaré le docteur Kremlin Wickramasinghe, chef par intérim du Bureau européen de l’OMS pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles. « Nous avons beaucoup appris en écoutant les personnes souffrant d’obésité et leurs familles, et nous encourageons tous les gouvernements à prendre des mesures pour que l’avis de ces acteurs importants soient pris en compte tout au long du cycle des politiques relatives à l’obésité. »
Lors de la 72e session du Comité régional de l’OMS pour l’Europe (CR72), qui se tiendra en septembre 2022 en Israël, des décideurs et des intervenants de haut niveau des 53 États membres de la Région examineront les meilleures pratiques susceptibles d’enrayer l’augmentation des niveaux d’obésité et de s’attaquer à ce problème urgent.
L’Autriche participe activement à de nombreux projets de l’OMS dans ce domaine, notamment l’Initiative pour la surveillance de l’obésité infantile (COSI) ainsi que le Réseau sur le marketing instauré par l’OMS. Ces projets aident les professionnels de santé et les intervenants à mettre en place un système efficace et adapté à chaque pays pour lutter contre l’obésité.
« Nous devons accepter que l’obésité est une maladie. Et comme il s’agit d’une maladie chronique, toutes les personnes souffrant d’obésité doivent subir un diagnostic, et dans chaque cas, un traitement doit être défini. C’est l’avenir, » a conclu le docteur Weghuber.