Description de la situation
Aperçu de la situation
Les flambées d’infection à virus Nipah sont saisonnières au Bangladesh, des cas survenant généralement chaque année entre décembre et avril, pendant la période où la sève de palmier dattier est récoltée et consommée. Du 1er janvier au 9 février 2024, deux cas d’infection à virus Nipah confirmés en laboratoire ont été signalés dans la division de Dacca, au Bangladesh. Les deux personnes touchées sont décédées. L’OMS estime que le risque global au niveau national est modéré en raison de la gravité de la maladie, des moyens thérapeutiques limités, du fait que les chauves-souris et les hôtes intermédiaires responsables de la transmission zoonotique partagent le même habitat naturel, et de l’absence de vaccins homologués pour prévenir l’infection à virus Nipah.
Description de la situation
Le 30 janvier et le 7 février 2024, le point focal national (PFN) du Bangladesh pour le Règlement sanitaire international (RSI) a notifié à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) deux cas d’infection à virus Nipah sans lien épidémiologique.
Premier cas confirmé le 21 janvier 2024
Le premier patient est un homme de 38 ans habitant dans le district de Manikganj, dans la division de Dacca. Le 11 janvier 2024, il a présenté une fièvre suivie de détresse respiratoire, d’agitation et d’insomnie et a été admis dans un hôpital local le 16 janvier. Il a été transféré au service de soins intensifs d’un hôpital de la ville de Dacca le 18 janvier, où il a été intubé en raison de l’aggravation des symptômes.
Le 21 janvier, des échantillons de sang et oropharyngés ont été prélevés ; l’ARN du virus Nipah a été détecté par RT-PCR (transcription inverse suivie d’une amplification en chaîne par polymérase) dans l’échantillon oropharyngé et des immunoglobulines M (IgM) anti-virus Nipah ont été retrouvées dans le sérum à l’issue d’un test ELISA (immuno-enzymatique). Le 27 janvier, le patient a été transféré dans un autre hôpital de la ville de Dacca, où il est décédé le lendemain.
Le patient avait consommé de la sève de palmier dattier crue le 31 décembre 2023. Au 30 janvier 2024, 91 contacts au total avaient été identifiés, dont 11 membres de la famille, 20 membres de la communauté et 60 membres du personnel soignant de différents hôpitaux. Cependant, aucun des contacts n’a été testé positif pour l’infection à virus Nipah à l’issue d’un test PCR ou ELISA.
Deuxième cas confirmé le 31 janvier 2024
La deuxième patiente est une petite fille de trois ans habitant dans le district de Shariatpur, dans la division de Dacca. La patiente a été amenée dans un établissement de santé le 30 janvier 2024 car elle présentait de la fièvre, des troubles de la conscience et des convulsions depuis deux jours. Une encéphalite et un état de choc ont été diagnostiqués et l’enfant a été transférée dans le pavillon d’isolement d’un autre hôpital de la ville de Dacca le jour même. Le 30 janvier, des échantillons de sang et oropharyngés ont été prélevés ; l’ARN du virus Nipah a été détecté par RT-PCR dans l’échantillon oropharyngé et des IgM anti-virus Nipah ont été retrouvées dans le sérum à l’issue d’un test ELISA, et la patiente est décédée.
Elle consommait régulièrement de la sève de palmier dattier crue. Au 7 février 2024, 67 contacts au total avaient été identifiés, dont trois membres de la famille, 21 membres de la communauté et 46 membres du personnel soignant de différents hôpitaux. Tous les contacts ont été testés négatifs pour l’infection à virus Nipah à l’issue d’un test PCR ou ELISA.
Depuis la notification du premier cas en 2001, des infections humaines ont été signalées presque chaque année, le taux de létalité allant de 25 % (en 2009) à 92 % (en 2005) (Figure 1). Les foyers épidémiques signalés se trouvent principalement dans les districts du centre et du nord-ouest du pays.
Figure 1. Nombre annuel de cas et de décès dus au virus Nipah signalés au Bangladesh, du 1er janvier 2001 au 9 février 2024.
Épidémiologie
L’infection à virus Nipah est une maladie zoonotique véhiculée par la chauve-souris et transmise à l’être humain par des animaux infectés (comme les chauves-souris ou les porcs) ou par des aliments qui ont été contaminés par la salive, l’urine ou les excréments d’animaux infectés. Le virus peut également être transmis directement d’une personne à l’autre par contact étroit avec une personne infectée (bien que ce soit moins courant). Les chauves-souris frugivores ou roussettes de l’espèce Pteropus sont les hôtes naturels du virus Nipah.
On pense que la période d’incubation est comprise entre 4 et 14 jours. Cependant, une période d’incubation pouvant aller jusqu’à 45 jours a aussi été observée. Le diagnostic en laboratoire chez un patient ou une patiente ayant des antécédents cliniques d’infection par le virus Nipah peut être établi pendant les phases aiguë et de convalescence de la maladie en associant plusieurs tests. Les principaux tests utilisés sont le test RT-PCR pratiqué sur les liquides corporels et le test ELISA pour la détection d’anticorps.
Le tableau clinique de l’infection à virus Nipah chez l’être humain est très variable et peut comprendre une infection respiratoire aiguë, voire une encéphalite mortelle. De plus amples informations sur l’infection à virus Nipah sont disponibles ici.
Les taux de létalité lors des épidémies au Bangladesh, en Inde, en Malaisie et à Singapour varient généralement de 40 % à 100 %, selon les capacités locales de détection précoce et de prise en charge clinique. Bien que des antiviraux soient en cours de mise au point, il n’existe aucun vaccin ou produit thérapeutique homologué disponible pour prévenir ou traiter l’infection à virus Nipah.
Action de santé publique
Les mesures de santé publique suivantes ont été mises en œuvre par le gouvernement du Bangladesh et l’OMS :
- Des activités de sensibilisation et d’éducation sanitaire sont en cours à l’échelle nationale par le biais de médias imprimés ou électroniques, notamment par la distribution d’affiches et de dépliants dans les districts d’endémie.
- Des activités de communication sur les risques auxquelles participent des fonctionnaires, des médecins, des prédicateurs et des agriculteurs sont en cours. Au 31 janvier, ces activités étaient terminées dans les districts de Rajshahi, Jashore, Madaripur et Rajbari.
- L’OMS collabore avec des correspondants pour renforcer la surveillance, la lutte anti-infectieuse, la communication sur les risques, le diagnostic rapide et la prise en charge des patients et des patientes infectés.
- Les partenaires de l’approche « Une seule santé » (Ministère de l’élevage, Institut de recherche bangladais sur l’élevage, Ministère des forêts, Centre international pour la recherche sur les maladies diarrhéiques (Bangladesh)) ont été sensibilisés et amenés à collaborer. Des dépliants comportant des messages d’éducation sanitaire ont été imprimés.
Évaluation du risque par l’OMS
L’OMS estime que le risque global au niveau national est modéré pour les raisons suivantes :
- Le taux de létalité de l’infection à virus Nipah est élevé. Les premiers signes et symptômes de l’infection à virus Nipah ne sont pas spécifiques et le diagnostic clinique est souvent difficile. Cela peut nuire à la précision du diagnostic, rendre difficile la détection des flambées, et retarder l’adoption de mesures efficaces et opportunes de lutte anti-infectieuse, et les activités de riposte.
- Il n’existe actuellement aucun médicament ou vaccin spécifique contre l’infection à virus Nipah, bien que l’OMS considère la maladie à virus Nipah comme prioritaire dans le schéma directeur de l’OMS en matière de recherche-développement. Des soins de soutien intensifs sont recommandés chez les patients et les patientes présentant des complications respiratoires et neurologiques sévères.
- La consommation de sève de palmier dattier crue se poursuit dans les communautés malgré les efforts continus de communication sur les risques et de mobilisation communautaire sur les questions relatives à la sécurité sanitaire des aliments et aux risques pour la santé.
- Malgré ces critères de risque, des mesures strictes de santé publique sont en place pour détecter et maîtriser les flambées, notamment grâce à l’utilisation d’un système de surveillance systématique de l’infection à virus Nipah en milieu hospitalier, qui existe depuis 2006, et au recours à l’équipe nationale d’intervention rapide au niveau central et à l’équipe d’intervention rapide dans les districts.
L’OMS estime que le risque est modéré au niveau régional. Bien que le Bangladesh soit limitrophe de l’Inde et du Myanmar, les districts actuellement touchés n’ont pas de frontière terrestre internationale. Bien qu’il n’y ait jamais eu de cas de transmission transfrontalière, ce risque demeure compte tenu du corridor écologique commun pour l’hôte naturel du virus (chauves-souris de l’espèce Pteropus) et de sa présence antérieure chez les animaux domestiques et les êtres humains au Bangladesh et en Inde. L’Inde, cependant, a l’expérience de la lutte contre les épidémies d’infection à virus Nipah.
L’OMS estime que le risque au niveau mondial est faible, car il n’y a pas eu de cas confirmés en dehors du Bangladesh, de l’Inde, de la Malaisie et de Singapour.
Conseils de l’OMS
En l’absence de vaccin ou de traitement homologué contre la maladie à virus Nipah, l’essentiel pour faire reculer ou pour prévenir l’infection est de renforcer la détection précoce et la recherche des contacts, d’attirer l’attention sur les facteurs de risque et d’expliquer aux personnes les mesures qu’elles peuvent prendre pour réduire l’exposition au virus Nipah. La prise en charge des cas doit essentiellement reposer sur la prestation rapide de soins de soutien aux patients et aux patientes et s’appuyer sur un bon système de laboratoires. Des soins de soutien intensifs sont recommandés chez les patients et les patientes présentant des complications respiratoires et neurologiques sévères.
Les messages de santé publique doivent être axés sur les points suivants :
- Réduction du risque de transmission de la chauve-souris à l’être humain
Les efforts visant à prévenir la transmission devraient d’abord porter sur la réduction de l’accès des chauves-souris à la sève de palmier dattier et à d’autres produits alimentaires frais. Le jus de palmier dattier fraîchement récolté doit être bouilli et les fruits doivent être soigneusement lavés et pelés avant d’être consommés. Les fruits présentant des traces de morsures de chauves-souris doivent être jetés. Il faut éviter de se rendre dans des zones de gîte des chauves-souris.
- Réduction du risque de transmission de l’animal à l’être humain
Chez les animaux, des cas d’infection naturelle ont été constatés chez des porcs d’élevage, des chevaux et des chats domestiques et sauvages. Il faut porter des gants et des vêtements de protection pour manipuler des animaux malades ou leurs tissus, ainsi que pendant les opérations d’abattage. Dans la mesure du possible, on évitera tout contact avec des porcs infectés. Dans les zones d’endémie, lors de l’établissement de nouveaux élevages porcins, il convient de tenir compte de la présence de chauves-souris frugivores dans la zone et, en général, les aliments pour porcs et les porcheries devraient être protégés contre les chauves-souris lorsque cela est possible.
- Réduction du risque de transmission interhumaine
Il faut éviter les contacts physiques étroits et non protégés avec des personnes infectées par le virus Nipah. Il faut se laver régulièrement les mains après avoir soigné des personnes malades ou leur avoir rendu visite.
- Lutte contre l’infection dans les établissements de santé
Les agents de santé qui s’occupent de patients et de patientes atteints d’une infection à virus Nipah présumée ou confirmée ou qui manipulent des prélèvements doivent appliquer en permanence les précautions standard de lutte anti-infectieuse. Étant donné que des cas de transmission interhumaine ont été signalés, en particulier dans les établissements de soins, des précautions contre la transmission par contact et gouttelettes doivent être prises en plus des précautions standard. Des précautions contre la transmission par voie aérienne peuvent être nécessaires dans certaines circonstances. Les échantillons prélevés sur les personnes ou les animaux présumés infectés par le virus Nipah doivent être manipulés par un personnel qualifié travaillant dans des laboratoires équipés de manière appropriée.
Sur la base des informations disponibles pour cette flambée, l’OMS ne recommande pas d’appliquer de restrictions aux voyages et/ou aux échanges commerciaux avec le Bangladesh.
Plus d'informations
- Stratégie régionale de l’OMS pour l’Asie du Sud-Est pour la lutte contre l’infection à virus Nipah 2023-2030 (en anglais)
- Principaux repères sur le virus Nipah
- Situation Dashboard, Institute of Epidemiology, Disease Control and Research (IEDCR) (en anglais)
- Transmission du virus Nipah au Bangladesh (en anglais)
- Transmission alimentaire du virus Nipah, Bangladesh (en anglais)
- Maladie
à virus Nipah : aspects épidémiologiques, cliniques, diagnostiques et
législatifs de cette zoonose émergente imprévisible (en anglais)
- Écologie
du virus Nipah au Bangladesh : lien entre le changement d’affectation
des terres et le comportement alimentaire opportuniste des
chauves-souris (en anglais)
Citation recommandée : Organisation mondiale de la Santé (27 février 2024). Bulletin d’information sur les flambées épidémiques ; Infection à virus Nipah – Bangladesh Disponible à l’adresse : https://covid.comesa.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2024-DON508