Le 13 septembre 2017, le cigarettier Philip Morris International a annoncé qu’il soutenait la création d’une nouvelle entité – la Fondation pour un monde sans tabac –, en précisant qu’il compte y apporter 80 millions de dollars (US $) par an environ au cours des 12 prochaines années.
L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu qu’il existe «un conflit d’intérêts fondamental entre l’industrie du tabac et la santé publique»1 Pour leur part, les États Membres de l’OMS ont déclaré que «l’OMS ne collabore pas avec l’industrie du tabac ni avec les acteurs non étatiques qui en défendent les intérêts» 2. L’Organisation ne collaborera donc pas avec cette nouvelle fondation.
Selon l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, les Parties sont tenues de veiller à ce que les politiques de santé publique ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale. Les directives pour l’application de l’article 5.3 indiquent clairement que les gouvernements doivent limiter les interactions avec l’industrie du tabac et éviter les partenariats. Ces directives précisent aussi explicitement que les gouvernements ne doivent pas accepter de contributions financières ou autres de l’industrie du tabac ou d’entités qui défendent ses intérêts, comme c’est le cas de cette fondation.
Renforcer la mise en œuvre de la Convention-cadre pour tous les produits du tabac reste le moyen de lutte antitabac le plus efficace. Il est prouvé que des mesures telles que la taxation du tabac, les mises en garde illustrées, l’interdiction complète de la publicité, de la promotion et du parrainage et l’aide au sevrage tabagique font baisser la demande de produits du tabac. Ces mesures visent non seulement à faciliter le sevrage, mais aussi à éviter que les personnes qui ne consomment pas encore de tabac commencent à en consommer.
Si Philip Morris International tenait vraiment à un monde sans tabac, il soutiendrait ces mesures. Or, il s’y oppose. Il exerce un lobbying à grande échelle et intente des actions en justice longues et coûteuses contre les politiques de lutte antitabac fondées sur des bases factuelles, telles que celles qui figurent dans la Convention cadre et dans le programme MPOWER de l’OMS, qui soutient la mise en œuvre de la Convention cadre. Par exemple, l’année dernière, Philip Morris International a perdu un arbitrage d’investissement avec l’Uruguay, qui a duré 6 ans et pour lequel il a dépensé environ 24 millions de dollars pour s’opposer à l’utilisation de mises en garde sanitaires illustrées de grande taille et à une interdiction des conditionnements trompeurs, dans un pays qui compte moins de quatre millions d’habitants.
Il reste beaucoup de questions sans réponse concernant la réduction des effets nocifs du tabac3 , mais les travaux de recherche nécessaires pour y répondre ne doivent pas être financés par les cigarettiers. L’industrie du tabac et ses groupes de façade ont trompé le public quant aux risques associés aux autres produits du tabac, par exemple en faisant la promotion des produits du tabac dits «légers» comme alternatives au sevrage tout en sachant pertinemment que ces produits n’étaient pas moins nocifs pour la santé. Les cigarettiers, dont Philip Morris International, continuent à avoir le même comportement trompeur aujourd’hui et, à des fins de marketing, présentent les produits du tabac d’une façon trompeuse suggérant que certains d’entre eux sont moins nocifs que d’autres.
Cette situation, qui dure depuis des décennies, signifie que les travaux de recherche et les actions de sensibilisation financés par les cigarettiers et leurs groupes de façade ne peuvent pas être pris pour argent comptant. S’agissant de la Fondation pour un monde sans tabac, le fait qu’un cigarettier finance une fondation censée défendre la santé fait apparaître de façon évidente plusieurs conflits d’intérêts, surtout si cette fondation promeut la vente de produits du tabac qui font partie du portefeuille de ses marques. L’OMS ne conclura pas de partenariat avec la Fondation. Les gouvernements ne devraient pas conclure de partenariat avec la Fondation et les parties prenantes dans le domaine de la santé non plus.
- Résolution 66/2 de l’Assemblée générale des Nations Unies, Déclaration politique de la Réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles, A/RES/66/2 (24 janvier 2012), paragraphe 38.
- Résolution de l’Assemblée mondiale de la Santé, Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques, WHA69.10, 28 mai 2016, paragraphe 44.
- Inhalateurs électroniques de nicotine et inhalateurs électroniques ne contenant pas de nicotine, Rapport de l’OMS (ENDS/ENNDS), Conférence des Parties à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, septième session, Delhi, (7-12 novembre 2016), FCTC/COP/7/11.