Bulletins d'information sur les flambées épidémiques

Triple épidémie présumée de fièvre typhoïde, de shigellose et de choléra - Congo

21 septembre 2023

Description de la situation

Aperçu de la situation

Le 17 juillet 2023, le Ministère de la santé et de la population (MSP) de la République du Congo a déclaré une triple épidémie présumée de gastro-entérite ayant pour causes probables la fièvre typhoïde, la shigellose et le choléra.

Au 29 août 2023, 2389 cas suspects, dont 52 décès (soit un taux de létalité global de 2,2 %), avaient été signalés depuis la notification du premier cas le 28 juin 2023.

Les analyses réalisées par le Laboratoire national de santé publique ont mis en évidence 83 cas d’infection à Shigella, 22 cas d’infection à Salmonella Typhi (S. Typhi) et 21 cas d’infection à Vibrio cholerae, pour lesquels aucun test de toxigénicité de la souche n’a été effectué.

La ville de Dolisie, capitale du département du Niari dans l’ouest du pays, est l’épicentre de cette épidémie.

Avec le soutien de l’OMS, le MSP a activé un dispositif de coordination multisectorielle, a renforcé les capacités de surveillance, d’analyse de laboratoire et de soins cliniques et a mis en œuvre des activités de décontamination et de communication sur les risques. Une enquête épidémiologique approfondie est également menée par le MSP.

L’OMS estime que le risque associé à cette triple épidémie est élevé au niveau national, modéré au niveau régional et faible au niveau mondial.

Description de la situation

Le 14 juillet 2023, le Ministère de la santé et de la population de la République du Congo a signalé 1384 cas présentant les principaux symptômes suivants : fièvre (39°C et 40°C), céphalées, douleurs abdominales, diarrhée, vomissements et fatigue.

Le 17 juillet 2023, le MSP a officiellement déclaré une triple épidémie présumée de gastro-entérite ayant pour causes probables la fièvre typhoïde, la shigellose et le choléra.

Le premier cas survenu dans le cadre de cette épidémie a été notifié le 28 juin 2023. Entre cette première notification et le 29 août 2023, 2389 cas suspects, dont 52 décès (soit un taux de létalité global de 2,2 %), ont été signalés. La fièvre typhoïde était présumée pour 50,2 % (n=1200) de ces cas, suivie de la shigellose (46,9 % ; n=1120) et du choléra (2,9 %; n=69).

Parmi ces cas suspects, 83 (3,7 %) ont subi une intervention chirurgicale d’urgence en raison d’une perforation intestinale, une complication connue de la fièvre typhoïde en l’absence de traitement.

La ville de Dolisie, capitale du département du Niari avec une population de plus de 110 000 habitants, est actuellement l’épicentre de cette flambée épidémique: elle cumule 2178 (91,2 %) des cas suspects et 33 décès (taux de létalité de 1,5 %) pour les trois maladies infectieuses confondues.

Figure 1. Répartition des cas suspects de fièvre typhoïde, de shigellose et de choléra par date de notification, Dolisie, département du Niari, du 28 juin au 29 août 2023 (n=2178).

Depuis le début de cette flambée, les établissements de santé de Dolisie ont enregistré un afflux massif de patients, plus de 600 cas suspects ayant été hospitalisés dans la période de juillet-août. Depuis septembre, le nombre de patients hospitalisés est en recul.

Des cas suspects ont également été signalés dans cinq autres départements de la République du Congo (Bouenza, Brazzaville, Kouilou, Pointe-Noire et Pool).

Sur les 2071 cas (86,7 %) pour lesquels on dispose de renseignements sur l’âge et le sexe, 51,6 % (n=1068) étaient de sexe féminin, et la tranche d’âge la plus touchée était celle des 11-20 ans (n=674 ; 32,5 %), suivie de celles des 0-10 ans (n=506 ; 24,4 %) et des 21-30 ans (n=403 ; 19,4 %).

Figure 2. Répartition des cas suspects selon l’âge et le sexe (n=2071).

Les isolements effectués par le Laboratoire national de santé publique ont donné les résultats suivants (le nombre d’échantillons analysés n’est pas connu) :

  • Quatre-vingt-trois cas confirmés d’infection à Shigella (flexneri & dysenteriae). La tranche d’âge la plus touchée est celle des patients âgés de 5 à 30 ans, qui représentent 64 % (53/83) des cas de shigellose confirmés en laboratoire.
  • Vingt-deux cas confirmés d’infection à Salmonella Typhi. La tranche d’âge la plus touchée est celle des patients âgés de 5 à 30 ans, qui représentent 59 % (13/22) des cas de fièvre typhoïde confirmés en laboratoire.
  • Vingt-et-un cas confirmés d’infection à Vibrio cholerae, parmi lesquels 11 cas présentaient une co-infection par Shigella et un cas présentait une co-infection par S. typhi. Un sérotypage a été réalisé sur neuf échantillons ; il a montré que la souche était de sérogroupe O1 sérotype Inaba pour huit de ces échantillons. Cependant, compte tenu de l’absence prolongée du choléra dans le pays (la dernière flambée épidémique documentée remonte à 2016) et de l’absence de liens épidémiologiques avec d’autres flambées actuelles de choléra (dans les pays voisins que sont la République démocratique du Congo et le Cameroun), des tests de toxigénicité de la souche restent nécessaires pour confirmer l’étiologie du choléra conformément aux normes de l’OMS et du Groupe spécial mondial de lutte contre le choléra (GTFCC). La tranche d’âge la plus touchée était celle des 5-30 ans, qui représentent 76 % (16/21) des cas de choléra confirmés en laboratoire.

Les résultats de l’antibiogramme effectué sur 78 échantillons de selles indiquent une résistance et/ou une sensibilité réduite aux carbapénèmes, aux céphalosporines de troisième génération et aux quinolones chez plusieurs des isolats de Shigella et de Salmonella signalés, tandis que la plupart des isolats de S. Typhi semblent sensibles à la ciprofloxacine (le nombre de résultats d’antibiogramme par agent pathogène et par médicament est inconnu).

Épidémiologie des maladies

Le choléra est une infection entérique aiguë résultant de l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio cholerae. Elle est principalement liée à un accès insuffisant à l’eau potable et à un assainissement inadéquat. Il s’agit d’une maladie extrêmement virulente qui peut provoquer une diarrhée aqueuse aiguë sévère entraînant une morbidité et une mortalité élevées. Le choléra peut se propager rapidement, selon la fréquence d’exposition, la population exposée et le contexte. Touchant les enfants comme les adultes, la maladie peut être mortelle si aucun traitement n’est administré. La période d’incubation est comprise entre 12 heures et cinq jours après l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés. La plupart des personnes infectées par V. cholerae ne développent aucun symptôme, mais la bactérie est présente dans leurs selles pendant 1 à 10 jours après l’infection et est rejetée dans l’environnement, où elle est susceptible d’infecter d’autres personnes. Dans leur majorité, les sujets symptomatiques ont des symptômes bénins à modérés, tandis qu’une minorité présente une diarrhée aqueuse aiguë et des vomissements s’accompagnant d’une déshydratation sévère. Le choléra est une maladie facile à traiter. La plupart des malades peuvent être soignés avec succès par l’administration rapide d’une solution de réhydratation orale (SRO).

Après des décennies de progrès dans la lutte contre le choléra, on a constaté une recrudescence de la maladie dans plusieurs pays depuis 2021. Entre le 1er janvier 2023 et le 15 août 2023, des cas de choléra ont été notifiés dans au moins 28 pays, contre 16 au cours de la même période de 2022. La Région africaine, dans laquelle 16 pays ont signalé des cas depuis le début de l’année 2023, est la Région de l’OMS la plus touchée. Le Congo a connu au total six flambées épidémiques de choléra entre 1997 et 2016, la dernière s’étant produite à Mpouya (département des Plateaux) et ayant entraîné 18 cas, dont trois décès (taux de létalité de 16,7 %).

La shigellose est une infection gastro-intestinale causée par l’une des quatre espèces de bactéries Shigella (Shigella sonnei, S. flexneri, S. boydii et S. dysenteriae). Ces bactéries, qui se trouvent dans le tractus intestinal des personnes infectées, peuvent se transmettre par voie fécale-orale par contact direct ou indirect (p. ex. par l’intermédiaire de mouches) avec les selles d’une personne infectée, par des objets contaminés, par consommation d’aliments ou d’eau contaminés ou par contact de personne à personne. L’existence d’une transmission sexuelle durable est devenue un aspect important de l’épidémiologie des Shigella. Les êtres humains sont le seul réservoir de ces bactéries et peuvent les excréter dans leurs selles pendant des semaines à la suite d’un épisode dysentérique. Un traitement antibiotique adéquat permet de réduire le portage de la bactérie. Les porteurs asymptomatiques peuvent également contribuer à la propagation de la maladie. Les fluoroquinolones, les céphalosporines et l’azithromycine sont recommandées pour traiter les cas graves présentant des affections sous-jacentes ou pour limiter la transmission.

La fièvre typhoïde est une infection potentiellement mortelle due à la bactérie Salmonella typhi. Elle se propage généralement par la consommation d’eau ou d’aliments contaminés. Une fois la bactérie ingérée, elle se multiplie et passe dans la circulation sanguine. Les symptômes sont les suivants : fièvre prolongée, fatigue, céphalées, nausées, douleurs abdominales, et constipation ou diarrhée. Certains patients peuvent également présenter une éruption cutanée. Les formes sévères de la maladie peuvent entraîner de graves complications, telles qu’une perforation intestinale, voire la mort. Les malades peuvent être traités par des antibiotiques ; on observe cependant une résistance croissante à différents types d’antibiotiques, ce qui complique le traitement. Deux vaccins antityphoïdiques conjugués sont préqualifiés par l’OMS depuis décembre 2017 et les pays où la fièvre typhoïde est endémique ont commencé à les introduire dans leur programme de vaccination de l’enfant.

Action de santé publique

  • L’OMS appuie le MSP dans la conduite d’une enquête épidémiologique approfondie visant à mieux caractériser cette triple épidémie, en particulier à cerner les profils épidémiologiques des cas ayant abouti à une perforation intestinale ou à un décès.
  • Un plan national intégré de riposte aux flambées de shigellose, de fièvre typhoïde et de choléra a été élaboré.
  • Le MSP a activé des dispositifs de coordination multisectorielle au niveau national et dans les départements du Niari, du Kouilou et de la Bouenza.
  • L’OMS aide le MSP à renforcer la surveillance dans les établissements de santé et les communautés où une recherche active des cas suspects est en cours. Un laboratoire mobile a également été déployé à Dolisie.
  • Des activités de surveillance environnementale sont en cours, reposant sur l’analyse de la qualité de l’eau et la décontamination des sources d’eau concernées.
  • Des actions de communication sur les risques et de mobilisation communautaire ont été mises en œuvre, avec une intensification des visites à domicile à Dolisie et la conduite d’activités de promotion de l’hygiène.
  • Le MSP a renforcé les capacités de soins cliniques en dépêchant des chirurgiens supplémentaires pour opérer les patients présentant une perforation intestinale et en élaborant un protocole de soins basé sur les profils de sensibilité aux antibiotiques.

Évaluation du risque par l’OMS

Bien qu’aucune donnée épidémiologique de référence ne soit disponible pour les années précédentes, le nombre élevé de cas suspects et de décès liés à la fièvre typhoïde et à la shigellose signalés en l’espace de deux mois, entraînant un engorgement des établissements de santé, ainsi que le nombre élevé de patients ayant subi une intervention chirurgicale en raison d’une perforation intestinale, sont considérés comme inhabituels.

La République du Congo a déjà connu des flambées sporadiques de choléra, mais la ville de Dolisie, épicentre de la flambée actuelle, n’a jamais enregistré d’épidémie de ce type. Les pays voisins que sont la République démocratique du Congo et le Cameroun sont actuellement confrontés à des flambées épidémiques de choléra, mais aucun lien épidémiologique n’a été identifié. À ce jour, aucune propagation de la maladie vers d’autres pays n’a été signalée en lien avec cette flambée.

L’OMS estime que le risque est élevé au niveau national. Cette évaluation se fonde sur les observations suivantes : la dynamique rapide de l’épidémie, le niveau élevé de morbidité et de mortalité, la pression exercée sur le système de santé et le risque élevé d’infections associées aux soins, l’accès limité à l’eau potable à Dolisie, l’insuffisance des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement, les pratiques d’hygiène inadéquates et les difficultés observées dans la détection, la confirmation et la prise en charge rapides des cas suspects. Le manque d’informations sur les confirmations en laboratoire et les profils de résistance aux antimicrobiens compliquent encore la mise en place d’une riposte de santé publique qui soit efficace et adaptée à la situation. On considère que le risque est modéré au niveau régional et faible au niveau mondial.

Conseils de l’OMS

Cette épidémie souligne l’importance que revêtent les mesures de santé publique pour prévenir la propagation des agents pathogènes résistants et non résistants. Étant donné que plusieurs bactéries à Gram négatif sont impliquées dans cette flambée, il convient d’accorder une attention particulière à la présence éventuelle de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE) et de carbapénémases, car ces dernières peuvent se transmettre horizontalement entre les espèces et compliquer encore le traitement. En outre, bien que les isolats de S. typhi signalés soient sensibles à la ciprofloxacine, une résistance à l’acide nalidixique a été observée, ce qui pourrait indiquer une sensibilité réduite aux fluoroquinolones.

L’émergence d’une résistance de S. typhi compliquerait effectivement le traitement, mais la fièvre typhoïde reste courante dans les endroits où l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable sont insuffisants. L’accès à l’eau potable et à un assainissement adéquat, l’application des règles d’hygiène par les personnes qui manipulent les aliments et la vaccination antityphoïdique sont les principales mesures recommandées, et celles qui revêtent la plus grande importance. L’OMS recommande la vaccination antityphoïdique pour riposter aux flambées confirmées de fièvre typhoïde. Elle préconise également que la vaccination soit envisagée pour les voyageurs se rendant dans des zones d’endémie de la fièvre typhoïde. En outre, dans les pays où le vaccin antityphoïdique conjugué (VTC) est homologué, l’OMS recommande que l’usage de ce vaccin soit privilégié (parmi les vaccins antityphoïdiques disponibles) en raison de ses meilleures propriétés immunologiques. La vaccination contre la typhoïde doit être mise en œuvre dans le cadre d’autres efforts de lutte contre la maladie. Par ailleurs, compte tenu de la rapidité avec laquelle S. typhi peut acquérir de nouveaux mécanismes de résistance, l’OMS recommande de renforcer la surveillance de la résistance aux antimicrobiens afin de surveiller les résistances connues, de détecter toute résistance nouvelle ou émergente, d’endiguer leur propagation et de partager les données de surveillance au niveau local et international en temps utile.

En ce qui concerne la surveillance de la shigellose, la détection et la notification rapides des cas de diarrhée sanglante constituent une première étape essentielle pour surveiller la shigellose endémique et endiguer la shigellose épidémique. Il convient d’assurer une surveillance en laboratoire pour isoler et identifier Shigella et analyser la sensibilité aux antimicrobiens. Les États parties sont invités à consulter les documents d’orientation de l’OMS sur la surveillance et la lutte contre les maladies d’origine alimentaire.

Pour prévenir la transmission du choléra, l’OMS recommande d’améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement et de renforcer la surveillance, en particulier au niveau communautaire. Dans les zones touchées par la flambée, il faut veiller à une prise en charge appropriée des cas, notamment un meilleur accès aux soins par la mise en place de centres de traitement du choléra et de points de réhydratation orale dans la communauté, afin de faire reculer la mortalité. Conjointement à l’amélioration de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, il est recommandé d’administrer des vaccins anticholériques oraux (VCO) pour endiguer les flambées épidémiques de choléra et prévenir la maladie dans les zones où l’on sait que le risque de choléra est élevé. Il est indispensable que les pays soient prêts à détecter rapidement toute flambée de choléra et à y riposter en temps utile afin de réduire le risque de propagation vers de nouvelles zones.

L’OMS recommande que les pratiques de lutte anti-infectieuse, d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène, de gestion des déchets et de sécurité sanitaire des aliments soient étroitement surveillées dans les établissements de santé et que des améliorations soient apportées lorsque des lacunes sont constatées, en particulier dans les établissements qui sont confrontés à un afflux de patients. Des précautions contact, y compris l’isolement des cas, doivent être appliquées dans les établissements de santé pour tous les patients qui ont des symptômes gastro-entériques d’apparition soudaine, en particulier ceux présentant une incontinence. On veillera à éviter l’isolement en cohorte de patients atteints d’infections gastro-entériques différentes. Les établissements de santé doivent surveiller de près toute situation où des patients hospitalisés pour d’autres raisons développent des symptômes d’infection gastro-entérique après 48 heures d’hospitalisation, car cela peut être révélateur d’une infection associée aux soins de santé.

Sur la base des informations actuellement disponibles sur cet événement, l’OMS déconseille toute restriction aux voyages et aux échanges commerciaux.

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